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19/06/2012

Entretien avec Vincent Desombre

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photo © Patrick Box/Hop

Après avoir chroniqué sur un polar-collectif le roman Maudite soit-elle, Cassiopée a interrogé l'auteur du roman, Vincent Desombre.

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Cassiopée. Vous êtes reporter, auteur réalisateur de films documentaires pour la télévision. Pourquoi et comment êtes-vous venu à l'écriture de romans? Était-ce un désir

soigneusement enfoui par manque de temps (ou une autre raison) ou l'acte d'écrire (pour un livre) s'est-il imposé à vous d'un coup?

Vincent Desombre. Les livres ont eu une grande importance dans ma jeunesse et je me suis toujours dit : Un jour j’écrirai un roman ! Mais comme beaucoup de gens, j’avais une vision très romanesque de l’écriture. Du genre : l’écrivain, ce génie, presque extra-terrestre, qui écrit la nuit, une bouteille d’absinthe posée sur sa table de travail  et qui est transcendé par une inspiration venue du ciel. Il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre que l’écriture est avant tout du travail, du travail et encore du travail. C’est à l’âge de 40 ans que je me suis lancé. Une fois installé devant mon ordinateur, la difficulté a été de trouver du temps pour écrire. Mon métier est très prenant, j’ai aussi des enfants et une vie sociale bien remplie. Mais, jour après jour, semaine après semaine, j’ai fini par y arriver. La dernière raison qui m’a motivé pour écrire est une certaine frustration par rapport à mon métier de réalisateur. J’adore mon métier et même si je réalise des documentaires et non des fictions, je sais qu’un film coûte cher, très cher. Si pour votre histoire, vous voulez faire exploser une bombe atomique sur Paris (ce qui n’est pas le cas dans « Maudite soit-elle », c’est juste un exemple), le producteur, celui qui finance le film, va vous regarder avec un grand sourire et dire : « Mon gars, on va être sérieux, tu n’es pas Spielberg, nous n’avons pas les moyens. Trouve-moi plutôt un truc avec plein de dialogues ». C’est pour cela qu’il y a tant de dialogues dans les films français. Le dialogue coûte moins cher à filmer qu’une action. Un ami producteur a lu « Maudite soit-elle » et je lui ai posé la question d’une adaptation. Immédiatement, il m’a dit « Problème ! Dans ton histoire, il y a des reconstitutions historiques. Il faut des costumes, des voitures des années 50 et une déco d’époque… Trop cher ». Ecrire un livre m’a permis de laisser aller mon imagination sans la brider, sans penser « combien ça coûte ». Il n’y a pas de limite et ça, ça me plait beaucoup.  

C.  
Votre livre s'inspire de faits divers. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez articulé votre travail? Vous avez choisi des événements puis bâti une intrigue ou les événements étaient connus de vous depuis longtemps et vous avez eu le désir d'écrire en partant d'eux ou ? Ou?

V.D. Je suis un passionné d’Histoire. Je dévore des livres d’Histoire comme si je lisais des romans. Je connaissais l’histoire Finaly depuis longtemps et le problème des enfants juifs baptisés contre leur gré. Mais le déclencheur a été un reportage diffusé aux informations il y a une dizaine d’année. L’histoire se passait en  Pologne au moment de l’ouverture des archives après la chute du mur.  Des dizaines de polonais, adoptés pendant la seconde guerre mondiale, ont apprit qu’ils étaient en réalité juifs et non catholiques comme on leur avait toujours dit. Il y avait notamment le cas d’un prêtre qui, je l’imagine a dû être traumatisé d’apprendre qu’en réalité il était juif et que ses parents adoptifs lui avait menti.  Comme dans l’affaire Finaly, baptiser des juifs était un devoir pour de nombreux catholiques. Il fallait « Ramener les brebis égarées d’Israël à la vraie religion ». Ce fut l’idée de départ de mon histoire. Je me suis dit : Et si en France,  une femme, âgée de 40 ans, apprenait que ses parents lui avaient menti sur sa naissance. Quel secret de famille ! Au départ, je voulais appeler mon livre « les voleuses d’âme ». Cela résumait très bien l’affaire mais le titre était déjà pris.

D’autres faits divers comme celle du maquis Lecoz, ce faux résistant, qui a passé plus de temps à racketter les habitants de Loches qu’à combattre les allemands. Un vrai personnage diabolique. Il y a aussi  « l’histoire de Papy Voise », cette personne âgée tabassée chez elle, à Orléans, à la veille des élections en 2002 dont on a dit que ce fait divers avait influencé les résultats. Je m’en suis servi pour le meurtre du premier chapitre. Il y en a bien d’autres histoires dans mon livre encore. Je m’en inspire et je les détourne. C’est la méthode que j’ai trouvé pour construire mes histoires. Il y a une phrase d’Alexandre Dumas que je garde toujours en tête. « On me reproche souvent de violer l’Histoire. C’est vrai mais je lui ai fait de si beaux enfants ». Génial, non ? Je ne suis pas Dumas, loin de là, mais j’essaye, avec mes pauvres moyens, de m’inspirer de son génie pour mêler Histoire et romance.

C.  Vous êtes-vous inspiré de personnes que vous côtoyez pour décrire vos personnages?

V.D.  Non, pas vraiment. Mis à part Bernard Briais qui fut mon professeur d’Histoire et qui existe vraiment, tous les personnages sont inventés. Ils sont plutôt un mélange de plusieurs personnes. Plusieurs amies se sont reconnues dans le personnage de Nathalie. Je n’ai pas su quoi répondre. Je crois que je préfère laisser les choses dans le flou. C’est bizarre, cette question me gêne. C’est un peu mon jardin secret. Ce que je peux dire c’est que j’ai plus fait attention à ce que, chaque personnage ait un caractère distinct pour apporter un point de vue différent sur l’histoire.

 C.  Qui appréciez-vous comme auteur et pourquoi?

V.D. J’ai des goûts très éclectiques. Comme je le disais, je lis beaucoup de livres d’Histoire, des biographies et des mémoires. L’année dernière, je me suis passionné pour les conquistadors. Pizarro, Cortes et Christophe Collomb que l’on pourrait classer avec. L’Histoire me fait voyager dans le temps et souvent la réalité y dépasse la fiction. La vie de Pizarro, par exemple, est un roman que nul romancier n’aurait osé imaginer tant elle est folle, aventureuse, cruelle… Sinon, j’apprécie beaucoup les classiques français. Alexandre Dumas, bien sûr, avec une prédilection pour les « trois Mousquetaires. Céline pour « Voyage au bout de la nuit », c’est ce que l’on a fait de mieux au niveau du style, de l’humour et de la noirceur. Il y a aussi un petit livre « Pêcheur d’Islande » de Pierre Loti, que je relis chaque année. Pierre Loti a un don pour décrire les paysages et notamment la mer. Une chose dont je suis incapable. Et puis, cette histoire simple, d’amour impossible me tire une larme à l’œil à chaque fois. Mon livre est assez sanglant, cruel mais au final, j’ai un côté très « Fleur Bleue ». Sinon, j’aime aussi  les histoires et pour ça, les américains sont les plus forts. Mc Carthy, Jim Harrisson et des plus classiques comme Douglas Kennedy, Grisham, Connelly…même si ces derniers ont tendance à reproduire la même histoire. Et puis Stieg Larsson forcément.  La liste est longue. J’adore être happé par un livre, dévorer les pages et être incapable de m’arrêter de lire, parfois durant une nuit entière.

C.   
Avez-vous des rituels dans l'acte d'écrire? Combien de temps avez-vous mis pour écrire votre livre?

V.D. J’aime écrire le matin, quand mon esprit est reposé. Je n’ai pas vraiment de rituel. Je relis ma page de la veille, la corrige et attaque une nouvelle. En général, je n’écris pas chez moi. Il y a toujours quelque chose pour me distraire et puis, rester à la maison, pendant une journée entière, est déprimant. Je me fixe des horaires et je vais travailler dans un web bar du quartier de la Plaine à Marseille. C’est un endroit fait de bric et de broc, comme souvent à Marseille, les ordis sont poussifs mais j’aime l’ambiance qui y règne. Il m’a fallu environ sept mois pour écrire « Maudite soit-elle » mais comme je travaillais en parallèle, cette période est à répartir sur un an et demi.

C.  
Avez-vous choisi la maison d'éditions parce qu'il existe la possibilité de compléter l'écrit par "le cahier documentaire"? Est-ce vous qui avez fait le choix de le mettre?

V.D.  Je n’ai pas choisi Scrinéo, c’est eux qui m’ont choisi. Il m’a fallu 4 ans pour trouver un éditeur. Il est très difficile de se faire éditer pour un premier roman, surtout quand on n’a pas un « nom. J’ai bien eu quelques « touches » avec des maisons d’édition mais à chaque fois cela n’aboutissait pas. Très honnêtement, je n’y croyais plus à la fin, j’étais prêt à laisser tomber. Et puis Scrinéo, à qui j’avais envoyé mon manuscrit sans vraiment les connaître, m’a répondu. Le « cahier documentaire » est leur particularité et correspond très bien à mon état d’esprit.

C.  
Avez-vous un autre roman en chantier? Part-il lui aussi de faits réels?

V.D.  Oui, j’ai un roman en chantier. Les bons retours de « maudite soit-elle » m’ont « regonflé à bloc ». Je suis quelqu’un qui doute énormément. Comme beaucoup de timides, j’ai tendance à penser que ce que j’écris est nul et n’intéresse personne. Aujourd’hui, j’ai plus confiance en moi. Mon deuxième roman s’inspire aussi de faits réels mais je n’en dirais pas plus pour garder la surprise. Je peux juste dire qu’il sera avec les mêmes personnages que le premier. Paul, Nathalie et Cloé. J’aime bien l’idée d’enquêteurs amateurs et du principe de la famille recomposée. Chacun se complète avec une manière différente d’aborder le problème. Paul de façon rationnelle, Nathalie avec passion et Cloé, de manière un peu fofolle. Sinon, j’ai un projet de roman historique qui se déroule à la fin du règne de Louis XIV. Un thriller historique, mon rêve ! Mais pour le moment, je me sens, comment dire, un peu « jeune » pour raconter une telle histoire qui demande beaucoup de documentations et peut être un talent que je n’ai pas.

C.  Aimeriez-vous que votre roman soit adapté en téléfilm? Qui verriez-vous pour jouer les personnages?

V.D.  Enormément de gens me disent qu’il verrait bien un film adapté de « Maudite soit-elle » et que mon écriture était très visuelle. Cela vient certainement de mon métier de réalisateur même si cela n’était pas calculé. Votre question m’interpelle car je n’ai absolument pas pensé aux acteurs. J’ai trop mes personnages en tête et il m’est difficile d’en imaginer d’autres. Par contre, pour la réalisation, je verrai bien Polanski, à cause de « Chinatown » ou Costa Gavras à cause de « Music box ». Et pourquoi pas Spielberg…Bon j’arrête, je vais passer pour un prétentieux.

C.  
Si je vous demande de "sauver" un mot et de l'offrir à nos lecteurs, lequel sauvez-vous et pourquoi?

V.D.  Comme ça…au hasard, je dirais « chatouilleuse ». J’aime bien la sonorité du mot et j’adore le rire de ma fille lorsque je la chatouille. C’est aussi le surnom donné à des femmes de Mayotte qui dans les années 70, montaient des commandos pour chatouiller les hommes politiques et ainsi défendre leurs idées. Cela serait une bonne idée à appliquer en France, non ?