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18/09/2015

Dust, de Sonja Delzongle

dust.jpgUne chronique de Richard

Il faut lire absolument « Dust » de Sonja Delzongle.

Voilà ! Cette phrase dit tout et résume parfaitement ma pensée à la suite à la lecture de ce magnifique roman. Mais comme je vous connais, lecteurs et lectrices de Polar, noir et blanc, vous êtes exigeants et vous avez besoin de bons arguments pour vous laisser convaincre. Alors, le blogueur range donc sa paresse dans le placard, remet dans les rayons de sa bibliothèque le livre qu’il veut commencer et vous écrit ceci :

Il faut lire absolument « Dust » de Sonja Delzongle. (hi hi hi !!!)

J’ai lu, il y a quelques mois, « Le hameau des purs » de cette auteure que je ne connaissais pas. Et j’avais beaucoup aimé ! Malheureusement, par manque de temps, je n’avais pas publié de chronique pour ce roman qui le méritait grandement.

Mais aujourd’hui, je me reprends avec ce dernier opus de Sonja Delzongle qui est tout à fait extraordinaire. Un récit prenant, un contexte et un environnement tellement bien décrits, des personnages que l’on prend plaisir à aimer et une écriture littéraire et factuelle qui donne des ailes à cette histoire. « Dust » s’avère un régal pour les amateurs de polars, mais aussi, pour tous les autres lecteurs.

Prenez ce livre entre vos mains, assoyez-vous confortablement et prenez l’avion avec Hanah Baxter, vers le Kenya. Hanah (je me permets cette familiarité, car j’adore le personnage … et espère qu’elle nous reviendra !) est une profileuse de réputation mondiale. Elle est appelée en renfort par Ti Collins, du Criminal Investigation Department (genre de FBI) du Kenya, avec qui elle a déjà collaboré.

Depuis deux ans, régulièrement, on a trouvé des croix faites de sang, assez de liquide écarlate pour conclure que la personne exsangue n’a pas pu survivre. Pas de corps ! Pas de traces autres que ce sang, cette croix, grande comme un humain.

La profiler part donc vers Nairobi en traînant avec elle un passé trouble, un présent tumultueux et des questions sur son avenir, personnel et amoureux. Assise, le visage collé au hublot, elle repense avec ravissement à sa dernière nuit avec Karen, celle avec qui elle a partagé trois ans de sa vie. Elle combat sa peur de l’avion avec quelques mignonnettes de whiskey et en vérifiant si les quelques grammes de cocaïne demeurent toujours bien en place !

L’enquête ne sera pas facile. En plus de la complexité des scènes de crime, le machisme des agents du CID semble mettre quelques bâtons dans les roues de la profileuse, en particulier Juan Mendoza, dit le Mexicain, l’adjoint de Ti, pas du tout entiché à l’idée de travailler avec une femme. Cependant, comme Collins l’apprécie beaucoup, il lui parle d’un autre problème qui frappe le pays : le massacre des albinos.

L’auteure plonge ses lecteurs dans les racines du Mal en nous immergeant dans une mer profonde de violence, de cupidité où les croyances inhumaines côtoient les pires expressions de folie. Qu’est-ce qui se cache dans ces croix dessinées à grands traits de sang humain ? Comment contrer cette envie de charcuter de pauvres humains parce qu’ils sont considérés comme des talismans magiques par certaines populations ? Deux étaux serrent la tête et le cœur de la profileuse : un tueur en série qui parsème le Kenya de croix dessinées avec le sang de ses victimes et un réseau organisé de trafiquants de corps humains ayant des ramifications dans tous les paliers de la société.

Sonja Delzongle réussit à nous offrir un très grand roman sur ces infamies, ces actes d’inhumanité. Superbement écrit, « Dust » nous présente le côté noir de l’humain sans jamais tomber dans le « spectaculaire » ou le gore , sans jamais abuser de descriptions scabreuses. Son style journalistique, son écriture sensuelle et précise, sa construction fluide de l’intrigue, tout facilite la lecture du récit. On s’y laisse glisser au fil des événements qui bouleversent, mais qui servent la description d’une réalité encore bien présente. L’auteure choisit les mots, les phrases et les images pour nous décrire le climat et l’atmosphère d’une Afrique qui nous est inconnue; elle nous transporte dans ces lieux, on y ressent la chaleur, l’humidité et la tension qui subtilement nous entourent.

« Dust » se révèle comme un grand roman sur l’Afrique, la culture africaine et sur les gens qui l’habitent. Je vous le recommande grandement. Si vous avez déjà lu Sonja Delzongle, vous savez déjà qu’elle vous envoutera dans cette histoire sordide. Et si vous ne l’avez jamais lu, et bien, « Dust » est une excellente porte d’entrée pour sa découverte.

Plaisirs de lecture garantis !

Quelques extraits :

« L’Afrique n’était pas seulement un Disneyland destiné aux amateurs de safaris proprets, c’était ça aussi, les mouches pondant leurs œufs sur la barbaque pourrissante au soleil, le dard des anophèles vecteurs du palu ou de la fièvre jaune, les hordes de gosses dépenaillés sniffeurs de trichlo et tueurs à la petite semaine, les lépreux exhibant leurs moignons nécrosés au coin des rues, les ethnocides à l’origine des massacres les plus sanglants, le paradis des mercenaires et des aventuriers, la terre du diamant mortifère, les mines d’or, le pétrole, la drogue, la corruption à haut niveau, le sida endémique, les gangs et les dictateurs sanguinaires, la haine du Blanc, les croyances fêlées et meurtrières. »

« Ainsi équipée, les épaules mates et luisantes au soleil, le visage en feu, le maillot moulé sur une poitrine ferme et les muscles tendus, Hanah avait tout d’une guerrière. Une amazone armée d’un fusil mitrailleur à la place d’un arc. Ce continent aussi rude qu’envoûtant la révélait à elle-même. Aux prises avec ce qu’il pouvait y avoir de pire en l’être humain, avec une barbarie sans nom, elle devenait comme cette terre, dure, sauvage et sans pitié. »

« … jamais elle n’aurait connu l’expérience existentielle de loger au quarante-deuxième étage d’une de ces tours qui grattent le cul de Dieu. »

« Oh Dieu, qu’as-tu fait à notre peau ? Pourquoi lui as-tu volé sa couleur, lui donnant celle de la lune ? Qu’as-tu cherché ? À nous faire ressembler à l’homme blanc ? À des spectres errants ? Des fantômes d’Afrique ? Oh Dieu, vois comme tu nous as condamnés !

Ni noirs ni blancs, âmes tristes et damnées …

Tu as fait de nous des ombres fragiles à la peau de papier, brûlée par le soleil et rongée par les tumeurs. »

Avant de terminer, si la thématique de ce roman accroche votre intérêt et que vous vouliez lire un autre excellent roman sur le sujet, je vous conseille de lire « La nuit des albinos » de Mario Bolduc.

Bonne lecture !

Le blog de Richard : Polar, noir et blanc

Dust
Sonja Delzongle
Denoël
Sueurs froides
2015
510 pages