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18/09/2011

Installation, de Steinar Bragi

iinstallation.jpgUne chronique de Cassiopée.

Le monde était en train de se dissoudre….

 Nordique ? Vous avez lu  Nordique  ?

 Effectivement, les éditions Métaillé ont créé une sous-rubrique  Bibliothèque Nordique….

Là on s’attend au polar nordique classique avec une enquête, des personnages atypiques accompagnés en filigrane de quelques détails sur les régions, villes « du froid et de l’humidité », d’une ambiance où les sentiments ne sont pas exprimés de la même façon que dans les pays plus au Sud…Et bien, vous avez tout faux !

 On est bien en région nordique, à Reykjavick, l’auteur est Islandais mais toute ressemblance s’arrêtera là….

Il s’agit d’un thriller, pas d’un roman policier.

Pas d’enquête à proprement parler, mais une ambiance qui monte en puissance, qui met mal à l’aise (et réussir cela par le biais de l’écriture, sans image, c’est très fort….), qui vous noue le ventre, qui vous oblige à tourner les pages de plus en plus vite en espérant que tout cela va retomber comme un soufflé et que l’on va mieux respirer, apaisé….

Et bien, non, pas du tout ….

L’auteur réussit habilement à faire monter la pression.

L’angoisse s’installe chez Eva, comme elle s’installe chez le lecteur….

 Tout avait pourtant démarré tranquillement. Voulant suivre son fiancé qui l’a quittée, Eva Einarsdóttir s’installe dans un appartement qu’on lui a prêté. Le genre de logement, lisse, aseptisé, assez neutre, presque sans humanité, où tout est, en principe, conçu pour que le locataire soit en sécurité …. presque trop …..

Elle s’y établit …. caméras de surveillance, gardiens en permanence, nourriture à disposition, salle de sport, ascenseur « privé » …. En échange de tout ce « confort », elle doit arroser les plantes, nourrir le chat et faire un peu de ménage sauf que ….. les pièces sont toujours propres, elle cherche le chat et les plantes ….

Faut-il dans ces cas-là se poser des questions ou se laisser vivre ? …

Eva est une jeune artiste, les excès ne lui font pas peur, l’alcool est à disposition dans la cuisine et elle a une blessure secrète à évacuer …. C’est tellement plus facile d’oublier, de ne pas lutter …..

 Et puis, tout bascule….

Tout semble se dérégler autour d’elle, elle ne sait plus à qui faire confiance, se sent traquée, espionnée, suivie, manœuvrée …..

« Rappelle-toi seulement de ne pas trop penser, ne laisse pas tes pensées creuser des trous dans lesquels tu tombes et tu te perds. »

 Alcool, drogue, manque de sommeil etc … provoquent-ils des visions ? Est-elle dans la vie réelle, dans des rêves provoqués par des hallucinogènes ?

N’est-elle qu’une artiste qui part à la dérive, qui souffre de claustration (le traducteur a d’ailleurs un peu abusé de ce mot à mon goût)?

« Le monde était en train de se dissoudre, elle ne comprenait plus où il commençait ni où elle finissait. »

 Et nous pauvres lecteurs, sommes nous manipulés pour croire que … alors que … ?

Où se trouve la réalité du roman, où se trouve la part de fiction ? Et surtout que cherche à nous dire Steinar Bragi ? Je pense que ce roman peut ouvrir sur plusieurs sujets de discussion :

 Le premier sera la vie en Islande, la place du pouvoir, les relations entre les habitants.

«Les islandais étaient de piètres papoteurs, et même encore plus mauvais dans la pratique du cloisonnement des classes sociales, peut-être parce qu’il n’avait jamais pu reconnaître son existence dans le pays ; ils étaient incapables de mélanger l’humeur avec les gens qui avaient du pouvoir sur eux…… »

 Le deuxième sera la place de la femme dans la société et son rôle dans l’approche de l’art. (Ceci remarquablement illustré par une série d’articles introduits dans le roman).

« En ce qui concerne les femmes, cette moitié de l’humanité, je prétends que l’art sans les hommes ne serait rien devenu de plus que l’artisanat. »

 Le troisième sera de savoir quelles sont les limites de l’art. Peut-on tout se permettre au nom de l’art ? Avec des animaux, des êtres humains ?… L’art « excuse » t-il les excès, les explique-t-il ? Jusqu’où peut aller l’artiste pour obtenir « l’œuvre » nouvelle qui attirera le visiteur ?

 L’auteur a su, avec moi, atteindre son but, j’ai été mal à l’aise pour certains passages (peut-être qu’un homme sera moins touchée). Je n’aimais pas le regard porté sur la femme, j’avais envie de me révolter, les événements décrits me troublaient, me bouleversaient.

Je peux donc écrire que ce livre est réussi et qu’il en surprendra plus d’un s’ils ne lisent pas la fin…

 J’émettrai simplement un petit bémol : il me semble que la traduction n’est pas excellente, certaines longues phrases alambiquées ne sonnent pas « correctement ». Le choix des mots n’a peut-être pas été le meilleur.

Cassiopée

 

Titre : Installation
Auteur : Steinar Bragi
Traduit de l'islandais par Henry Kiljan Albansso.
Editeur : Métaillé
Collection : Bibliothèque Nordique
Parution: Mars 2011

 

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