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07/01/2012

Petit papa Noël, de François Cérésa

petit-papa-noel.jpgUne chronique d'oncle Paul

On trouve de tout dans les caves d’immeubles. De la poussière, des toiles d’araignées, de vieux objets dont on ne se débarrasse pas par sentimentalisme, des rats crevés, des ramas entreposés à la va-vite, des bouteilles, le plus souvent vides, et parfois même il arrive que l’on débusque un squatteur.

Pour une vague histoire de passage de câbles, Jacques Villeneuve descend à la cave, mais l’employé asthmatique ne veut pas continuer, une grosse pierre fichée dans le sol l’empêchant de travailler. Plus tard Jacques arrive à desceller ce qu’il croit être un gros caillou, et quelle n’est pas sa surprise de découvrir qu’en réalité il s’agit d’un coffre contenant dix petits sacs, une fortune en pièces d’or. Sa voisine Ludivine le surprend et après une petite gâterie qui fait du bien aux deux protagonistes, il ne peut s’empêcher de vendre la mèche. Du coup il lui faut bien faire part de sa trouvaille aux autres copropriétaires de l’immeuble.

Mais présentons ce microcosme : Jacques Villeneuve, qui oscille entre la cinquantaine et la soixantaine, sans travail, amoureux de Mozart auquel il a consacré une étude qui a connu un succès inespéré et continue dans l’écriture. Il absorbe régulièrement ses verres d’huile afin de se graisser les neurones. Ondine, sa compagne, sa cadette de vingt ans, est quelque peu folâtre, et sans aucun complexe, surtout lorsqu’il s’agit de dépenser l’argent de Jacques. Ludivine, rousse flamboyante, très portée sur la fellation, ce qui est peut-être la cause de sa propension à employer un mot pour un autre, et mère de Greg, un gamin qui veut à tout prix se fourrer la tête dans une bonbonnière et dont la conversation se limite à des aga, aga. Aurore possède un chien, un chowchow nommé Mao, un chat qui répond au nom de Tsé Toung, un perroquet, et n’est pas franchement affriolante avec sa tête de gargouille. Ensuite, Gérard, qui habite la loge de concierge, ancien typographe à la retraite et s’amuse à tirer sur les pigeons se nichant dans le marronnier du jardinet. Cédric, prof de lettres, ancien maoïste, pince-sans-rire, citant à tout propos Baudelaire, appréciant les boissons fortes et les films d’horreur. Le docteur Schlick est un cas lui aussi : affligé d’une coquetterie oculaire, les cheveux gominés, le stéthoscope en bandoulière, affublé d’une blouse blanche, débordant de vitriol avec une tête pleine de clochettes, il a une bonne (à tout faire ?) nommée Mélia. Enfin le seul couple officiel de l’immeuble, les Benabid, surnommés avec ironie Benaventre par Schlick. Ils ont recueilli leur petite fille Nébia à la mort de ses parents dans un accident, Nébia qui aime grimper dans le marronnier au grand dam de Gérard qui a peur de toucher la gamine de dix ans en tirant sur les pigeons.

Maintenant que tous les personnages principaux vous ont été présentés, introduisons-nous subrepticement dans l’appartement du docteur Schlick qui organise un repas afin de réunir tous ces copropriétaires face à cette manne tombée de la cave. Seulement le cochon de lait et le lapin prévus au programme des réjouissances gustatives ne sont pas exactement les animaux servis dans les assiettes des convives. C’est ce que Mélia découvre en tournant de l’œil en ouvrant sa cuisinière. Figurez-vous son étonnement, et son horreur, en se retrouvant nez à nez avec les têtes de Mao (le chien) et de Tsé Toung (le chat) les animaux d’Aurore qui n’avaient aucunement besoin de se réchauffer mais se retrouvent refroidis par la malice d’un petit malin qui se joue des nouveaux millionnaires en herbe (de Provence). Un coup de froid pour Aurore qui perd la raison et est hospitalisée. Quand la bague de Gérard, qui n’a pas donné de ses nouvelles depuis quelque temps, est retrouvée dans le ventre d’un poisson acheté sur le marché, l’inquiétude grandit. Ce n’est pas encore l’affolement mais tout le monde se pose des questions. D’autant plus que les décès, accidentels apparemment, se succèdent. Les optimistes se consolent en se disant que moins de monde il y aura à se partager la galette, plus les parts seront conséquentes.

 Petit papa Noël, dont le titre trouve sa justification dans le déroulement du récit, nous emmène un peu sur les traces d’Agatha Christie et à son célèbre roman Les dix petits nègres. Un hommage mais en même temps une œuvre personnelle, avec une trame humoristique, comprenant de très nombreuses références cinématographiques et littéraires. Ce qui n’empêche pas l’auteur, au contraire, de placer des coups de griffes qui trouvent leur justification dans un contexte actuel. Ainsi Cédric, prof de lettres je le remémore, se positionne en se posant des questions fondamentales : « S’il ne pouvait pas donner ses cours sans risquer des insultes et même des coups, il se sentait en droit de demander des comptes à la République. Tous ces politiques, syndicalistes et intellectuels qui s’exprimaient à la place des profs, des gens de terrain, il les maudissait ».

Mais restons philosophes, quelles que soient les circonstances. Et si comme Jacques Villeneuve, le héros de ce roman et non l’ancien champion automobile de formule 1, vous demandez à votre compagne lorsqu’elle se rend à un rendez-vous : « Et tu vas y aller comme ça, en mini et en string ? », ne vous étonnez pas si elle vous rétorque : « Le string, personne ne le voit. La mini, c’est la mode », il est évident que vous aurez posé la mauvaise question, au mauvais moment.

 Les lectures de l'oncle Paul

 

Petit papa Noël
François CERESA
Pascal Galodé éditeurs. 1
84 pages.
17 €.

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