02/05/2012
Bistouri Blues, de Kleinmann et Vinson
Une chronique de Christine.
Nous sommes toujours avides d’informations, de « bons tuyaux » que l’on s’échange presque sous le manteau.
Cela va de l’adresse du salon de coiffure branché à celle du petit primeur qui choisit ses melons exclusivement chez les producteurs de Cavaillon. De l’école maternelle qui transformera votre petit dernier en futur Einstein à la kinésithérapeute aux doigts de fée.
Ou du garagiste très pro et pas cher du tout, pas comme ce concessionnaire qui vous arnaque pour la moindre vidange.
Ou du médecin qui saura rassurer l’hypocondriaque que vous êtes sans vous envoyer illico enfiler une blouse blanche à longues manches.
Parce que la santé, c’est sacré !
En général…
Vous savez, capitaine, la médecine c’est un peu comme une enquête policière, un petit indice peut parfois donner la solution…
Un vol à main armée dans une banque, rien de que très banal.
Mais un braquage au pistolet harpon, dans une salle d’opération, et par un homme grenouille ! … avouez que même dans vos rêves les plus fous vous n’y auriez jamais pensé.
Pourtant c’est ce qui vient de se produire à l’hôpital Lariboisière, et le docteur Benjamin Chopski n’en revient toujours pas d’avoir dû remettre sous la menace la vésicule biliaire en très mauvais état qu’il était en train d’enlever.
Le commissariat du 18e charge le capitaine Cush Dibbeth de mener l’enquête. Cela tombe bien, Cush et Benjamin se connaissent depuis longtemps. Même s’ils évoluent dans des univers très différents, leur peu de goût pour les conventions et leur passion pour leur travail ont cimenté solidement une amitié de longue date.
Se demandant ce qui pourrait bien justifier le vol d’un organe normalement destiné à la destruction, Cush Dibbeth essaie de découvrir s’il y a eu des précédents. Et à sa grande surprise, oui !
Des individus opérés en urgence. Provenant pour la plupart d’Éthiopie ou du Pakistan. Tous tatoués d’un mystérieux BM en bas du dos. Des organes qui disparaissent. Ou qui révèlent, lorsqu’on en retrouve la trace, un contenu n’ayant rien à voir avec les manuels de physiologie.
Des chirurgiens qui se fréquentent via les séminaires et colloques internationaux, étroitement liés à un organisme humanitaire apparemment au-dessus de tout soupçon.
Et une carte géographique sur laquelle on peut cercler de rouge Moscou, Kaboul, Karachi ou encore Djibouti.
Il y a de quoi se poser quelques questions, non ?
L’aide éclairée de Benjamin ne sera pas de trop dans une enquête dont les éléments ressemblent à un inventaire à la Prévert : une vésicule, une poudre blanche, un origami, un transsexuel, des chats, un jus de banane-mangue. Liste non exhaustive, bien sûr.
Et le raton-laveur ? Ma foi, il blanchit l’argent d’un drôle de trafic international plus proche du terrorisme que du serment d’Hippocrate…
« C’est sûrement à toi de couper le gigot…tu es chirurgien, non ? » Benjamin entendait cette rengaine à chaque repas. Ça l’énervait. Il détestait couper le gigot. « Désolé mais moi, je ne charcute que les humaines et vivants, encore ! »…
Voilà un petit livre qui démarre sur les chapeaux de roue et qui ne connaît aucun temps mort. Entre la galerie de personnages tous plus décalés les uns que les autres, l’enquête menée tambour battant par Cush Dibbeth et son lieutenant, ou les découvertes surprenantes, tout va vite, très vite. Entrez et sortez des salles d’opération, participez aux colloques, parcourez différents manuels d’urgences abdominales ou de diagnostics, interrogez médecins ou infirmiers, le tout entre deux pliages d’origami ou deux morceaux de jazz.
L’écriture à quatre mains par Philippe Kleinmann et Sigolène Vinson est fluide, nerveuse, et donne un style jubilatoire et énergique. On sent bien que les deux auteurs ont pris un grand plaisir à la rédaction, donnant libre cours aux clins d’œil ou traits d’humour à l’enthousiasme communicatif, ou à quelques uns de leurs éléments de prédilection. (ahhh, la revue Ciel et Espace… que l’on retrouve d’ailleurs dans Double hélice ! Mais ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.)
Entre l’Éthiopie chère à l’une, et la médecine, terrain de jeu préféré de l’autre, le mélange des deux donne un résultat hybride qui fonctionne ma foi très bien.
Personnages savoureux (Cush Dibbeth au prénom de fier guerrier éthiopien qui fera sourire les nostalgiques d’Hugo Pratt, variation sur les Dupont-Dupond, j’en passe et non des moindres, la liste serait d’ailleurs intéressante à faire) intrigue trépidante et atypique, situations cocasses, autant d’éléments pleins de tonus et d’imagination qui ont tout pour séduire les lecteurs.
Quant aux passages en salle d’opération, ils allient le sérieux d’un professionnel passionné par son métier, et l’humour du carabin. Après tout, nous ne sommes qu’alliage de pièces détachées à bricoler avec toute la rigueur (et le flegme pince-sans-rire) qui se doit !
Pourquoi parler maintenant de ce petit livre paru en 2007 ?
Parce qu’il a reçu le prix du roman d’aventure, d’une part.
Parce que la suite paraîtra prochainement d’autre part et qu’il serait vraiment dommage de ne pas avoir fait au préalable connaissance avec cet improbable et merveilleux tandem que forment Cush Dibbeth et Benjamin Chopski.
« Bistouri Blues » … il y a peut-être « blues » dans le titre, mais voilà un roman sympathique qui n’engendre certainement pas la morosité !
Christine, (Blog : Bibliofractale )
Bistouri blues
Kleinmann&Vinson
Le Masque
252 p
6,20 €
15:00 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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