12/10/2013
Le chat Ponsard, d’André Fortin
Une chronique d'oncle Paul.
Même si l'appellation a changé, devenant directeur financier, le travail de chef-comptable est de vérifier les factures qui sont adressées à l'entreprise où il est employé.
C'est ainsi que Lucien Ponsard relève des erreurs manifestes dans le calcul de la TVA de trois factures transmises par les établissements Floricole, une société de pépiniéristes basée à Nantes. Il veut leur téléphoner mais aucun numéro ni adresse ne sont indiqués. Il laisse le soin à sa secrétaire, Louise, d'effectuer quelques recherches. Celles-ci s'avèrent vaines, la société n'apparaît nulle part sauf sur le registre du commerce. En outre les vingt-trois arbres adultes prévus ne sont que des buissons. Immédiatement il en réfère à son patron, Bernon, le directeur de l'entreprise du même nom, qui travaille notamment dans l'immobilier et dont la plupart des marchés proviennent de la mairie de Tracy, dirigée par le sénateur-maire Rupert.
Bernon, qui fait l'ignorant devant Ponsard, alerte immédiatement son ami Rupert lequel fait appel à Cano, président-directeur général d'une société de conseil en recrutement, une couverture respectable pour des activités qui le sont moins. Rupert et Cano se sont connus durant la guerre d'Algérie, ils se sont liés d'amitiés et depuis l'un a souvent recours à l'autre pour divers petits boulots. Rupert demande à Cano de faire éliminer Ponsard qui vient de mettre des bâtons dans la roue de la fortune. Car bien évidemment les fausses factures, car il s'agit de fausses factures, permet à Rupert et consorts d'engranger des sommes rondelettes, et plus particulièrement à Rupert qui brigue un maroquin.
Ali et Léonard sont chargés de l'élimination. Les deux hommes se sont connus lorsqu'ils étaient dans un centre pour enfants, abandonnés ou ayant des problèmes avec la justice, ou encore parce que leurs parents ne pouvaient plus les élever. Un épisode vécu lors leur long passage au Mas Saint-Paul les a rapproché et depuis ils effectuent ensemble des coups de mains. Léonard est un homme renfermé, ne laissant à personne la possibilité de lire ce qu'il ressent. Ali est plus expansif, sans pour autant parler à tort et à travers. Ali conduit la moto tandis que Léonard abat tranquillement Ponsard rentrant chez lui après sa journée contrastée. Il avait remis sa démission puis après avoir réfléchi avait voulu revenir sur sa décision, mais il n'avait pu communiquer à Bernon son retour en arrière.
La mort de Ponsard affecte profondément Louise, qui aimait en secret le directeur financier. Louise travaille depuis plusieurs décennies chez Bernon, malgré un léger handicap. Elle est extravertie, s'agite beaucoup, surtout en dehors de son travail. Elle parle à la petite voix qui habite son corps et son esprit, gesticule et ne passe pas inaperçue dans la rue et pas forcément à cause de ses cheveux qui tirent sur le rose. Alors elle décide de s'introduire dans le bureau de Ponsard, qui depuis son décès est fermé à clé et photocopie le dossier gênant. Mais sa conduite n'est pas passée inaperçue de Bernon.
Ali n'est pas à l'aise car s'il est habitué des coups de main c'est la première fois qu'il participe à un meurtre envers un individu qui n'est pas un malfrat et n'a pas d'antécédents. Un meurtre inutile à son avis. Il se rend cher Ponsard et recueille le petit chat que celui-ci possédait depuis quelques temps.
La rencontre entre Louise et Ali va décider en premier lieu du sort d'Ali mais aussi de tous ces protagonistes qui pensaient avoir éradiqué l'épine que Ponsard leur avait enfoncé dans le pied. Mais aussi le sens du devoir, la conscience professionnelle de l'inspecteur Borgoni, qui contrairement au commissaire Ravier, un incapable talonné par le procureur, n'est pas inféodé aux édiles. Sans oublier l'apport précieux de Georges, obèse mais efficace, ancien condisciple d'Ali et Léonard au Mas Saint-Paul et avec qui Ali a gardé des relations.
Une fausse facture, un employé consciencieux, une secrétaire amoureuse et un peu fofolle, un tueur qui regrette son acte, il n'en faut pas plus à André Fortin pour écrire un roman sobre, rigoureux, et au combien d'actualité. Car le système des fausses factures et des édiles se servant au passage a de tout temps été une pratique illégale mais difficile à éradiquer. Tant de personnes gravitant dans des milieux politiques sont impliquées que la justice préfère fermer parfois les yeux, même si depuis quelque temps les affaires de concussion, délits d'initiés, de malversations sont plus traquées qu'auparavant. Mais André Fortin, qui connait bien son sujet, il fut lui-même juge, ne nous embarque pas dans un roman délire mais au contraire dans une intrigue solide et crédible même si cela ne parait pas évident. Revenez un peu en arrière et penchez-vous sur le cas d'un maire de père en fils de la région PACA.
André Fortin ne joue pas avec les effets de manche, pas de grandes envolées, tout est en nuance même si certains personnages peuvent sembler dérisoires. C'est ce qui leur donne ce côté attachant et André Fortin se démarque de ses confrères romanciers en livrant un récit qui ressemble presque à une biographie, tout au moins à une enquête implacable vue des deux côtés de la barrière.
Et le chat Ponsard là dedans me demanderez-vous ? Il est l'élément de la parabole de cette histoire. Recueilli par Ponsard, puis orphelin, à nouveau recueilli par Ali et délaissé pour des circonstances indépendantes de sa bonne volonté, il va se montrer faible, décharné, un SDF félin cherchant sa pitance dans des poubelles jalousement gardées par un congénère et par la suite se montrera plus associable et vindicatif que ceux auxquels il se frottait avant de devenir un nanti. Et la morale s'appliquera aussi bien à lui qu'aux être humains.
Paul (Les lectures de l'oncle Paul)
Le chat Ponsard
André Fortin
Editions Jigal,
collection Jigal Polar.
Parution septembre 2013.
248 pages. 18,00€.
16:39 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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