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21/10/2014

Le crépuscule du mercenaire, d’André Fortin

crepuscule_mercenaire.jpgUne chronique de Paul.

 Il était seul mais il agissait dans l'ombre comme sept...

 Il suffit qu'un petit grain de sable, le retard d'un train par exemple, s'infiltre dans une journée bien programmée pour que les enchaînements qui s'ensuivent risquent d'être lourds de conséquence.

Le juge Galtier, qui attend son train en gare de Saint-Charles à Marseille afin de perquisitionner chez le comptable d'une boite d'import-export en compagnie de son policier préféré le commissaire Juston, aide une femme à se relever. Elle a été bousculée par un jeune voleur à la tire qui lui a fauché son collier. Comme le train pour Nice en provenance de Paris ne va pas être à quai avant plusieurs dizaines de minutes, Galtier lui propose de prendre une boisson après avoir déposé auprès du commissariat proche et entame une discussion sur ce qui vient de se passer. L'adolescent lui a juste subtilisé un collier, elle a donné un vague signalement en omettant un petit détail, et cela pourrait s'arrêter là sauf qu'une autre personne s'intéresse au petit malfrat.

Ange Simeoni, un vieux truand sur le retour, même si parfois il trempe encore ses mains dans des trucs louches, a repéré le manège du gamin dénommé Stanley. Il propose à Stan d'exercer ses talents en soustrayant une mallette à un conseiller du ministère de l'intérieur. Opération réussie sans aucun problème. Stanley est pris en charge, son forfait accompli, par son commanditaire en scooter. Le vol ayant eu de nombreux témoins, le spolié ne peut que déclarer le vol, une affaire qui atterrit sur le bureau du juge Galtier.

Or l'enquête de Galtier et de Juston concerne un blanchiment d'argent opéré en sous-main par une entreprise et il semblerait bien que les deux affaires soient liées. D'autant que des agents de la DGSE s'invitent dans le bal policier et judiciaire. Ce n'est que l'avis personnel de Galtier, pas celui du procureur, encore moins celui des instances parisiennes. Croyez-vous sincèrement qu'un parti politique tremperait dans une magouille de blanchiment d'argent pour renflouer les caisses ? Après tout ceci n'est qu'une fiction n'est-ce pas, et rien ne peut confirmer l'hypothèse avancée par André Fortin. Quoi que à bien y réfléchir, en creusant bien, mais cela s'est peut-être passé il y a bien longtemps, mais de nos jours la probité des hommes dirigeant des partis politiques n'est pas à mettre en cause. Mais continuons, car l'histoire non seulement n'est pas finie, mais n'est pas encore commencée.

En effet en 1987, soit environ vingt-cinq ans avant que les faits décrits ci-dessus se déroulent, Marc Kervadec est conseiller auprès de présidents africains, du Togo, du Mali, de la Haute-Volta devenue depuis le Burkina-Faso, et autres petits pays évoluant dans le giron de la Françafrique. Ce sont de petits dictateurs, mais leurs pays recèlent tant de richesse, qu'il est bon que quelqu'un les supervise, les aide de conseils avisés, ou favorisent en sous-main leurs adversaires en cas de velléités financières et la diplomatie est toujours présente les menaces à la main. Le commandant Kervadec passe ses vacances à Aix-en-Provence et il fait la connaissance de Margot, une jeune fille évaporée qui ne lui cède qu'au bout de la troisième soirée.

Kervadec, de par sa profession d'agent conseiller occulte, dont le patron le colonel Vilquin agent de la DGSE veille à ce que les objectifs soient réalisés sans encombre, Kervadec rentre en Afrique mais tous les ans il retrouve Margot. Margot qui est toujours disponible, éthérée, acceptant les départs impromptus et les retours inopinés. Ils s'aiment, sans vouloir se l'avouer, et puis la fonction de Kervadec n'autorise pas vraiment les attaches familiales. Et il leur est interdit également de communiquer. Mais un jour Margot n'est pas là à l'attendre, et Kervadec va mettre à profit ses congés pour la retrouver.

 Le début est assez lent, mais il faut bien que tout se mette en place, que l'intrigue prenne corps. Car André Fortin est méticuleux, préférant accumuler les détails au lieu de laisser des parts d'ombre dans un récit assez alambiqué. Jusqu'au moment où les deux points forts se rejoignent pour offrir un final logique dont le lecteur pressentait une partie et les explications le confortent dans son analyse.

Nous suivons les deux parcours, celui de Kervadec qui à cause d'une bavure va devenir chaotique et l'obligera à changer d'identité, et celui de Galtier et Juston dans leur enquête sur le blanchiment d'argent, en alternance. Ce roman change un peu de la production habituelle de l'auteur, s'ancrant dans une histoire de politique-fiction, tout en gardant le principe de placer ça et là quelques coups de griffes. Ancien juge d'instruction André Fortin connait son sujet, et il ne peut s'empêcher, avec raison, de critiquer quelques façons de procéder qui ne conviennent pas à son éthique. Ainsi le juge Galtier, qui s'exprime à la première personne lorsqu'il prend la parole dans le récit, déclare : Nous touchions là toute l'ambigüité de la police française. Elle dépend de l'exécutif et non du pouvoir judiciaire comme c'est le cas dans d'autres pays démocratiques. Elle est tout entière dévouée au gouvernement. Et c'est bien ce que regrette également une majorité de Français qui se sentent brimés par des policiers alors qu'ils n'ont rien à se reprocher.

Mais André Fortin revient aussi sur le problème du colonialisme en écrivant : C'est un petit pays, pauvre et peu homogène, comme la plupart de ces pays africains découpés à la va-vite par la puissance coloniale. Il ne faut pas s'étonner que de nos jours de nombreuses ethnies s'entredéchirent dans des pays construits de bric et de broc.

 Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

 

Le crépuscule du mercenaire
André Fortin
 Collection Jigal Polar; éditions Jigal.
Parution le 15 septembre 2014. 2
48 pages. 18,50€.

 

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