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06/11/2014

Metzger voit rouge, de Thomas Raab

metzger_voit_rouge.pngUne chronique de Jacques.

Football, racisme, argent et pouvoir chez Thomas Raab

Après Metzger sort de son trou, voici le deuxième volet de la série de l’autrichien Thomas Raab. Nous y retrouvons notre restaurateur de meubles anciens et enquêteur (presque) malgré lui, le grassouillet Willibald Adrian Metzger, anti héros philosophe, sympathique et bien souvent en décalage avec une société autrichienne très proche de la nôtre par bien de ses aspects.

Quels aspects ? Prenons un exemple au hasard : le football, ses supporteurs d’extrême droite racistes, son côté dégoulinant de fric, ses attaches avec le monde politique et les paillettes médiatiques et, très marginalement, le côté sportif de la chose. Quand il est dans son état normal, Willibald n’apprécie guère ce spectacle... mais justement, « normal », il ne l’est plus depuis qu’il est amoureux. Or la femme qu’il aime, la plantureuse et joviale concierge croate Danjela Djurkovic dont nous avons fait la connaissance dans Metzger sort de son trou, est une fan de foot. Le hasard de l’amour et la volonté de l’auteur font bien les choses, et Metzger assiste donc à la rencontre-derby entre le Kicker Saurias et le SK Athlétik-Sud et au drame qui va s’ensuivre : le talentueux gardien de but africain, qui accomplit des prouesses pendant le match, passe l’arme à gauche après avoir subi les huées et insultes racistes de spectateurs qui avaient entreposé leur cerveau imbibé de bière à l’entrée du stade afin d’éviter de trop l’user pendant la rencontre. Accident ou crime ? C’est vite vu, puisque nous sommes dans un polar. Mais s’il y a crime, est-ce un crime raciste comme peut le laisser penser le contexte, ou bien... ?  

D’autre part, Danjela pourrait-elle être liée à l’affaire ? Après la tentative d’assassinat dont elle est l’objet, qui va la plonger dans un coma profond pendant l’essentiel de l’histoire, le prudent et pacifique Metzger se retrouve embarqué dans l’enquête, habile prétexte choisi par l’auteur pour nous faire partager ses réflexions (via Willibald) sur les choses de l’amour, le travail, les relations humaines, la vie, la mort et plein d’autres choses... à découvrir ! Heureusement pour les lecteurs, l’humour de Metzger et sa vision décalée du monde rendent plaisants une lecture qui dans un autre contexte aurait pu être lourdingue. Ce qui s’impose au final, par la grâce de l’écriture de Thomas Raab, c’est l’originalité de ses personnages, leur humanité, les liens qu’ils tissent, les conflits qui les opposent, plus importants qu’une intrigue policière que je me suis surpris parfois à oublier.    

Humanité des personnages ? Metzger, profondément marqué dans son enfance par l’exemple – qu’il a vécu négativement – de son séducteur de père, prend le contre-pied du comportement de celui-ci et entretient avec les femmes et la sexualité des rapports compliqués que la générosité et l’amour que lui porte Danjela risquent de modifier au fil du temps. Chez Thomas Raab, les sentiments amoureux s’avèrent capables  de changer les êtres, ou en tout cas certains aspects de leurs comportements, ce qui témoigne de la part de l’auteur d’un optimisme forcément revigorant pour le lecteur. Rien de fleur bleue cependant, aucune mièvrerie non plus dans les rapports humains : Metzger a peu de véritables amis, et il lui arrive d’entrer en conflit avec eux quand il estime que l’enjeu le justifie. De la même façon, les rapports sociaux de la société autrichienne, conflits culturels ou conflits de classe, affleurent-ils parfois au gré des rencontres et des réflexions de Danjela ou de Willibbald.

Ce second opus de l’auteur (il y en a déjà six parus en Autriche), publié en France par Carnets Nord, est un bon cru. Nous y retrouvons les caractéristiques de Thomas Raab : humour, finesse d’analyse des rapports humains, réflexions pertinentes sur la société et son évolution, pas de recherche forcenée de suspense, mais au contraire un roman qui prend son temps avec le lecteur et, en bonne réciprocité, demande au lecteur de prendre son temps pour le lire, avec tranquillité et plaisir.

Jacques (lectures et chroniques)

Metzger voit rouge
Thomas Raab
Éditions Carnets Nord (23 octobre 2014)
383 pages ; 19 €


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