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05/12/2015

Du sang sur ses lèvres, de Isabelle Gagnon

 du-sang-sur-les-levres.jpgUne chronique de Richard

 Vous aimez l’étrange, l’inédit, le « pas comme les autres » ? Vous aimez commencer un roman d’une auteure que vous ne connaissez pas, vous laisser happer par son talent et son écriture ? Vous adorez sortir des sentiers battus, découvrir l’inattendu, laisser de côté (pour un temps seulement, bien sûr !) les gros noms et les best-sellers pour vous lancer vers le nouveau, l'insolite ? Vous aimeriez vous dire, dans cinq ou dix ans, cette auteure, je l’ai lue et j’avais tellement apprécié ?

Vous êtes de ces personnes ? Oui, j’en suis certain, car les lecteurs de Polar, noir et blanc adorent ce genre d’expérience. Je le sais, je vous connais depuis bientôt six ans. Vous avez sûrement répondu oui à toutes ces questions, alors n’hésitez pas et partez à la découverte d’Isabelle Gagnon et de son dernier roman, « Du sang sur les lèvres ».

Lisez cette première phrase, l’incipit qui donne le ton à ce roman noir de très haute qualité : « J’ai toujours été attirée par le vide. » Tout de suite, le lecteur averti sait que l’abyme qui attire le personnage l’attirera, lui aussi, dans ce vortex sans fond, cette toile tissée pour … lui faire passer un excellent moment de lecture !

L’action se passe à Pohénégamook. Déjà, le choix du lieu est assez intrigant. Alix est Française ; elle arrive au Québec pour retrouver son frère. Par l’entremise d’un détective privé, la Fouine, elle sait que Paul se cache dans le Témiscouata, cette région bordant le Bas-du-Fleuve. Pour s’y rendre, elle loue une voiture et se cherche une arme. Et ça ne semble pas pour chasser ! En tous cas, pas des animaux.

Paul et Alix sont jumeaux. Et dans leur enfance bourgeoise, ils ont vécu un événement qui les a marqués et qui les hante encore. La réponse à leur question, la délivrance, le soulagement se situe pas loin de ce petit village du Québec, à quelques kilomètres de la frontière américaine. Les voilà réunis, deux jeunes Français, dans ce village où tout le monde se connaît et où la présence d’étrangers est toujours suspecte.

Le visage de leur tourment porte un nom, Mark Fosr. Depuis longtemps, ils lui ont donné un surnom : Monster. Il vit dans le Maine. Et il doit expier les fautes qu’il a commises. Alix et Paul, dans un climat de tension à couper à la hache, préparent leur vengeance, à grands coups de haine, trempée dans l’alcool.

Inutile de dire que la finale sera terrible. La vérité éclatera …dans toute son horreur. Et comme lecteur, nous serons collés aux dernières pages comme si elles étaient baignées dans un miel amer.

Avec ce récit, Isabelle Gagnon élabore une excellente mise en scène qui monte graduellement en tension. Dès les premières pages, nous sommes envahis par une fébrilité intense. Ses personnages sont crédibles malgré toute l’horreur qu’ils projettent. On y croit, du début à la fin ! Et justement, rendu à la finale de ce court roman, après avoir été subjugué par les événements, après avoir repris connaissance, on retourne aux premiers mots de ce roman pour s’en délecter. Puis, quand notre réalité reprend le dessus, quand Alix et Paul redeviennent des personnages de roman, on espère le moment où Isabelle Gagnon nous offrira un prochain roman.

Avant de vous donner un avant-goût de son talent et de son style d’écriture, j’aimerais vous parler de cette auteure. Isabelle Gagnon est originaire du Québec, elle est née dans un petit village près de Saint-Jean-Port-Joli. En 1999, Isabelle part pour la France, s’installe à Paris et dirige la Librairie du Québec, sur la rue Gay-Lussac dans le Ve arrondissement. « Du sang sur les lèvres » est son quatrième roman. Fait inusité, l’année dernière, son roman pour adolescents, « La fille qui rêvait d’embrasser Bonnie Parker » a remporté le Prix des lycéens allemands.

Je crois qu’Isabelle Gagnon prendra une place importante dans le monde du polar et du roman noir québécois. Je vous recommande grandement ce roman et vous ne tarderez pas à en être convaincu.

Bonne lecture et bonne découverte !

Quelques extraits :

« Très tôt, tu as compris que Dieu n’était pas là pour nous, mon frère. Comme toi, je ne crains pas l’enfer et n’espère rien du ciel. »

« - J’ai jamais eu de couilles, je te signale. Le jour de notre conception, le petit Jésus en avait qu’une paire sous la main et c’est toi qui en as hérité. »

« Les yeux rivés sur l’immensité du fleuve, elle lutte pour canaliser la violence qui l’envahit. Elle connaît bien cette agressivité qui déferle en elle, chaque fois que les souvenirs refont surface. Paul est atteint du même mal. Seulement lui ne maîtrise rien du tout. »

Richard ( Polar Noir et blanc)

 

Du sang sur les lèvres
Isabelle Gagnon
Éditions Héliotrope Noir
2015
130 pages

 

 

 

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