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03/02/2021

La loi des lignes, de Hye-Young Pyun (선의 법칙) (Seoneui Beopchik)

41mDjv0jhML._SX195_.jpgUne chronique de Cassiopée

Une couverture en clair-obscur, comme les personnages qui oscillent entre ombre et lumière. Après son titre « Le jardin », un roman remarquable et atypique, j’attendais de l’auteur qu’elle se renouvelle et me fasse découvrir une autre facette de son talent. C’est réussi.

Ici, les hommes et les femmes présentés sont des gens ordinaires, qui se sont trouvés, par un concours de circonstances mal maîtrisé, dans une situation délicate.  Ils sont seuls pour faire face et se doivent de réagir ou de se laisser couler. Le lecteur suit surtout le quotidien de deux protagonistes fait de moments de révolte, ou de lâcheté, voire de désintérêt quand tout semble se liguer contre eux.

Sae-oh vivait avec son père. Agoraphobe (on découvrira pourquoi au fil des chapitres), elle ne sortait pratiquement pas sauf en cas de nécessité. Ce jour-là, au retour des courses, elle découvre la maison brûlée. En réfléchissant, elle pense qu’un collecteur de dettes a suffisamment déstabilisé son père pour que ce dernier choisisse de se suicider. Une fois le choc encaissé, la colère grandit en elle et elle décide de se venger de cet homme qui a détruit sa vie.

D’un autre côté, Ki-jeong, une enseignante, est en mauvaise posture. Dans l’établissement où elle enseigne, un élève a abusé de sa candeur pour la déstabiliser, la discréditer. Se voyant prise au piège, la colère gronde en elle. En outre, elle apprend le décès de sa demi-sœur et veut mener une enquête pour comprendre ce qu’il s’est passé.

Ces deux femmes ont leur rage et leur désir d’éclaircir le passé comme points communs. Elles sont tributaires des autres, de leurs réponses, de leurs relations. Leur vie n’existe plus qu’à travers leurs recherches, leur besoin de savoir. Hye-Young Pyun nous démontre que la frontière entre le bien et le mal est bien mince, que l’on ne maîtrise pas tout et qu’un grain de sable peut enrayer le plus beau des mécanismes. Chacun doit alors puiser en soi pour rebondir, avoir de la ressource et essayer d’avancer coûte que coûte.

« A partir de quel moment l’intention malveillante devient-elle le mal ? Est-ce au moment où elle naît ou bien au moment où on la met à exécution ? Et au cas où l’on n’y parvient pas, le mal est-il absent ? »

Sae-oh et Ki-jeong ont été blessées par la vie, défaites. Pas aidées, ni soutenues, elles n’ont presque plus rien mais mues par une surprenante volonté, elles restent vivantes, droites. Quelle forme de vie quand tout semble se liguer contre vous ? Où aller chercher la force de croire encore en quelque chose ?

Dans ce recueil, les deux femmes évoquées nourrissent leur colère en se penchant sur ce qui a mal fonctionné dans leur passé, les pièges qui se sont refermés sur elles et qu’elles n’ont pas vu venir. Nourrir leur colère est ce qui les rend plus fortes. Malgré tout, elles restent terriblement solitaires, ne se fiant à personne, ne voulant pas montrer leurs failles. Elles observent, se taisent, réfléchissent, pèsent chaque décision.

L’écriture est détachée, pointilleuse, analysant chaque détail. Le rythme peut donner des apparences de lenteur mais il n’en est rien, tout est décortiqué pour que chaque fait soit replacé dans son contexte en lien avec les autres. L’évolution des différents individus est traitée avec finesse, c’est intéressant de voir comment des gens effacés peuvent devenir des lions sans avoir l’air.

Vraiment un écrivain à suivre de près !

Traduit du coréen par Lim Yeong-Hee avec la collaboration de Catherine Biros
Éditions : Payot & Rivages (3 Février 2021)
ISBN : 978-2743652111
240 pages

Quatrième de couverture

Sae-oh, une jeune femme vivant recluse chez son père, doit affronter son agoraphobie après que leur maison a été anéantie par les flammes. Sae-oh soupçonne un collecteur de dettes d’être à l’origine de l’incendie et prépare sa vengeance. En parallèle, Ki-jeong, une enseignante, apprend que sa demi-sœur s’est suicidée.

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