30/11/2024
L'Alpha & l'Oméga, d'Estelle Tharreau
Voici la définition d’une meute, chez les loups :
Au moins un loup mature avec un louveteau sur une contrée où ils cherchent leur nourriture et marquent leur territoire en commun.
Une meute, c’est au moins deux individus, le plus souvent l’un domine, est le chef, l’autre obéit, grandit et apprend à son contact. Puis parfois, le second veut devenir le plus fort et les combats arrivent, les égos surdimensionnés prenant le dessus. Que se passe-t-il alors ? Peuvent-ils s’entendre, communiquer ou entament-ils une lutte sans concession pouvant aller jusqu’à la mort d’un des protagonistes ?
Quant à L’Alpha et l’Oméga, les deux sont liés pour l’éternité puis qu’ils sont le commencement et la fin…
C’est avec ces principes que Nadège Solignac élève Cédric, son fils bien-aimé. Un lien fusionnel, étouffant. Elle veut qu’il devienne comme elle, qu’il soit puissant, intouchable, dominateur, tyrannique mais en toute discrétion. Le visage présenté aux autres doit être lisse, convivial, presque empathique.
Cédric va-t-il se couler dans ce moule ou aller à l’encontre des désirs maternels ? Qu’en est-il de la part d’hérédité ? De celle de l’éducation ? De ce que de veut réellement être la personne ? Peut-on s’opposer, lorsqu’on est petit à ce qu’on nous inculque ? Comment faire la différence entre le bien et le mal lorsqu’on n’a rien vécu ?
D’ailleurs, comme le montre le texte, c’est beaucoup plus subtil que ça. Ces deux là s’aiment, à leur manière, de façon bestiale, emportée, sans nuances, en se surveillant, en se jouant l’un de l’autre, en se cherchant. Cédric agit-il pour plaire à sa mère ? Nadège souhaite-t-elle armer son fiston contre la violence, contre les autres, contre ceux qui ne l’aimeront jamais autant qu’elle ? Mais pourquoi porte-t-elle cette noirceur au plus profond d’elle-même, qu’est-ce qui l’anime, l’habite ? Qu’a-t-elle vu ou vécu ? Qu’est-ce qui l’a forgée ?
Pourtant, en apparence, Nadège est une enseignante appréciée, à l’écoute de ses élèves. Il lui est arrivé d’être au mauvais endroit au mauvais moment mais, chaque fois, aucune preuve contre elle. La faute à pas de chance, sans doute…
L’auteur explore les tréfonds de l’âme humaine. Ce qui incite les hommes et les femmes à repousser les limites, à se reparaître des humiliations imposées aux autres, à choisir de faire souffrir et la satisfaction qu’ils peuvent en retirer.
Peu de personnages dans ce récit, des gens atypiques, particuliers, dont on se demande souvent ce qui les guide dans leurs choix, dans leurs relations humaines, dans leur vie.
Le lecteur assiste impuissant à une forme de torture mentale, de manipulation. C’est très bien décrit, amené petit à petit. Les éléments du passé sont donnés au fil des pages afin de nous apporter des éclaircissements sur ce qui unit ou divise les uns et les autres.
L’écriture est comme l’histoire, sèche, abrupte, dure, sans pathos (il n’y a pas de place pour ce sentiment). Chacun des principaux protagonistes s’exprime à tour de rôle, donnant sa version des faits, ses ressentis. Les propos révoltent, font froid dans le dos, nous aspirent et on ressort essoré, vidé.
Estelle Tharreau s’essaie à tous les genres. Avec ce dernier opus, elle réussit un roman noir, psychologique qui interroge et questionne sur la part d’acquis et d’inné dans la destinée ….
Éditions : Taurnada (7 Novembre 2024)
ISBN : 9782372581394
252 pages
Quatrième de couverture
Cédric est l'enfant non désiré de Nadège Solignac, tueuse en série. Au fil du temps, il découvre son passé familial et tente de grandir sous l'ombre meurtrière de sa mère. Mais un tel monstre peut-il aimer ? Peut-on seulement lui survivre ?
20:25 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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