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25/05/2011

La chorale du diable, de Martin Michaud

La-chorale-du-diable.jpgUne chronique de Richard

La chorale du diable: satanique manécanterie de Martin Michaud

« Mais surtout, ne te fais pas de bible, les zécrits ne meurent jamais. »

« Changement de style pour « Polar, noir et blanc », l’auteur place maintenant ses extraits au début de la chronique ? »

"Et dis donc, le vilain, il met la dernière phrase du roman… Qu’est-ce qu’il nous dévoile, le mec ? On perd tout intérêt à la lecture ! A-t-on idée de révéler la fin ! "

Mais non, chers lecteurs, ce choix ne veut qu’exprimer comment la lecture de ce deuxième roman de Martin Michaud, m’a complètement viré à l’envers. J’ai beaucoup aimé. J’ai passé un excellent moment de lecture. « La chorale du diable » se mérite donc une place de choix dans mes coups de cœur de l’année.

Dès les premières pages, je me suis demandé pourquoi je n’avais pas lu son premier roman, « Il ne faut pas parler dans l’ascenseur », en me disant que j’avais passé à côté de la possible émergence d’un très bon auteur de polars québécois.

L’histoire est juste assez complexe pour accrocher l’intérêt du lecteur qui recherche quand même un défi de lecture. L’action débute par la découverte d’un drame familial : tout semble indiquer que le père a tué sa femme et ses trois enfants. Le carnage est effrayant.

Quelques jours plus tard, une jeune fille qui fait de la vidéo pornographique en direct disparaît. De toute évidence, il n’y a aucun lien entre ces deux affaires. Pour l’instant, tout ce qui les réunit, c’est la haine partagée des deux policiers qui sont chargés des enquêtes.

Victor Lessard, homme troublé par un événement de son enfance qui a marqué sa vie, se voit confier l’enquête sur le quadruple meurtre et le suicide. Les conclusions sont tellement évidentes que cette enquête ne devrait pas durer très longtemps. Mais, ce souvenir angoissant de son enfance, cet événement traumatisant lui dictera une grande prudence devant des évidences trop évidentes pour être nécessairement vraies.

Jacinthe Taillon, qui haït profondément Victor Lessard, prend charge de l’enquête sur la disparition de la jeune fille. Enquêtrice d’expérience, aux méthodes « viriles » et au langage truffé de sacres, ne craignant aucune hiérarchie, elle fonce comme un cyclone au centre de son enquête qui la projette de plus en plus vers son ennemi juré, l’inspecteur Lessard.

Et les deux enquêtes se précipitent l’une vers l’autre, au fur et à mesure des découvertes, des indices, des révélations et des corps qui jonchent leurs passages.

Le lecteur est entraîné dans les méandres du fanatisme religieux qui tourmentent plusieurs membres de la hiérarchie du catholicisme. Basée surtout à Montréal (l’auteur semble adorer sa ville, «… si laide et si belle… ») l’action se déplace à Sherbrooke, à Val-d’Or et… au Vatican, bien sûr !

Le personnage de Victor Lessard est d’une richesse et d’une complexité incroyables : une enfance difficile, un passé amoureux tumultueux, une famille dysfonctionnelle, des difficultés de santé et des démons qui le hantent. Et d’un autre côté, il nous est sympathique par sa générosité, son humanité, son quotidien et ses amours. La présence de la belle Nadja Fernandez ajoute du piquant et beaucoup de tendresse à ces histoires de violence et de crimes. Et contrairement à certains de ses confrères littéraires, il boit décaféiné, mange végétarien et s’entraîne régulièrement…

Ce roman est passionnant. Le traitement que Martin Michaud fait des dérives de certains membres du clergé, pourrait être une redite, avoir un goût de déjà-vu. Au contraire ! Ce diable d’homme nous laisse croire qu’il ne sortira pas des sentiers battus pour finalement nous mystifier avec deux fois plus d’effets de surprise.

Ce qui ne gâche rien et qui ajoute à l’intérêt du développement du récit, la structure du roman imprime un rythme entrainant avec des chapitres courts et en alternance entre les deux crimes. Tout cela supporte admirablement ce mouvement irréversible qui amène les deux enquêtes à se confronter, à se cogner violemment. Et sans oublier les extraordinaires diversions du petit Félix, regard d’un enfant avec son langage propre à lui, regard tendre posé sur la violence et l’horreur qui l’entoure mais protégé par l’amour de son père adoptif, monsieur Antoine. Félix nous laisse avec une réflexion enfantine mais tellement profonde et sa langue saura sûrement vous charmer, vous, lecteurs de «…quarantaine de couverture…».

Martin Michaud nous montre une écriture et un style percutants : chapitres courts, phrases chocs, comparaisons frappantes et imaginatives, en plus d’un récit qui se tient, une trame romanesque qui se déroule à 100 à l’heure et une intrigue qui se développe vers une finale inattendue mais tellement bien préparée. Rien n’est laissé au hasard, le lecteur devient rapidement complice dans la recherche de la solution.

Si j’avais un reproche à faire, et ce, sans pudibonderie (je suis quand même natif de Saint-Henri…), l’utilisation des sacres m’a légèrement gênée. Et je retrouve le même malaise, dans les « putains » de romans français que dans les « tabarnacs » de chez nous.

Une dernière chose, un hasard assez particulier. Je ne sais pas si Martin Michaud connait Dominique Sylvain (mes lecteurs savent qu’elle est une de mes auteures préférées…) mais j’ai trouvé une belle ressemblance entre deux personnages de policier : le « Gnome » de Martin Michaud pourrait être le pendant québécois du très Français « Nain de jardin » de la série Lola Jost et Ingrid Diesel.

Alors assurément je vous conseille la lecture de ce deuxième roman de Martin Michaud. En ce qui me concerne, je vais me reprendre et lire son premier roman, « Il ne faut pas parler dans l’ascenseur ». Et attendre avec impatience, le troisième…

À mes amis Français et Européens, je sais qu’une publication de ce premier roman est disponible en France, sous le titre « Les âmes traquées », édité chez First… disponible à la FNAC. Je vous invite à découvrir ce romancier qui parle français avec un accent québécois, qui décrit avec amour sa ville, Montréal, et qui vous raconte une histoire qui vous passionnera et vous tiendra « scotché » sur votre fauteuil préféré. La littérature qui vient de la neige vous offre une alternative intéressante si vous êtes un peu « tannés » (québécisme) de la littérature scandinave « qui vient du froid ».

Pour vous mettre en appétit, voici quelques extraits qui vous permettront de découvrir cet auteur.

«… le genre d’information qui vous fige les globes dans les orbites et qui s’incruste dans votre cerveau comme de la crasse sous les ongles d’un sans-abri. »

« Une minute s’écoule, comme une traversée du pont Champlain à l’heure de pointe : interminable. »

«… l’inconnu est d’une beauté à couper le souffle au champion du monde de plongée en apnée. »

«… un de ces endroits mal famés et lugubres, où même les constipés se retrouvent dans la merde. »

Et une dernière, pour la route, et une de mes préférées… : « … la solitude l’étreint sur son sein, lui tend ses mamelles flaccides et gercées de vieille pute sardanapalesque… »

Bonne lecture !

Richard, Polar Noir et blanc : http://lecturederichard.over-blog.com/

La chorale du diable
Les Éditions La Goélette
2011
500 pages

En attendant de lire les bouquins de Martin Michaud, je vous invite à visiter son site personnel et surtout à porter une attention particulière à sa biographie. Faites connaissance avec cet avocat qui se consacre maintenant à la littérature, pour notre plus grand plaisir.

En ce qui me concerne, Martin Michaud est un auteur à suivre ...

Site de l’auteur: http://www.michaudmartin.com/