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02/04/2011

Cinq secondes, de Jacques Savoie

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                       Une chronique de Richard


Tout d’abord, j’aimerais vous parler de l’auteur qui est déjà tout un personnage en lui-même. Diplômé en sciences politiques et en lettres modernes, il délaisse sa thèse de doctorat pour fonder un groupe de musique traditionnelle folklorique du nom de «Beausoleil Broussard». Après quelques années de tournée, il troque «la cuiller» pour le stylo et se lance dans l’écriture. Depuis ce temps, il connaît de multiples succès comme scénariste de télévision et de cinéma et également comme auteur pour la jeunesse.

Mais ici, dans mon propos, j’aimerais vous parler de l’auteur qui vient de remporter le Prix de Saint-Pacôme, récompensant le meilleur roman policier de l’année 2010 pour son livre «Cinq secondes». En ce qui me concerne, je connaissais Jacques Savoie pour le magnifique film «Les portes tournantes» et les séries télévisées «Joseph-Armand Bombardier», «Les Orphelins de Duplesssis», «Ces enfants d’ailleurs» et «La famille Lavigueur». Aussi, j’avais entendu son nom comme auteur pour la jeunesse. mais comme auteur de romans pour adulte, je n’avais lu aucun de ses romans.

L’attribution du Prix de Saint-Pacôme ayant aiguisé ma curiosité, j’ai profité de cette occasion pour découvrir ce ... romancier ! Et ce roman !

Je vous le dis tout de suite, j’ai adoré ce roman et je vous le recommande d’emblée; sa lecture vous comblera que vous soyez amateur de romans policiers ou non, Québécois ou Européens. «Cinq secondes» est un roman magnifique, un classique du genre avec une touche d’originalité singulière !

Dès le premier chapitre, l’auteur nous présente la brigade policière responsable des enquêtes sur les homicides. Jérôme Marceau vient d’être nommé, par intérim, enquêteur principal. Victime de la thalidomide, mulâtre et homme très discret, cette promotion semble mal acceptée par les autres membres de la section des homicides. Tout un  chacun, irrespectueusement, le surnomme «Aileron», surlignant ainsi ce «petit défaut de fabrication», un petit bras flasque qui attire les regards.

Cette surprenante nomination est provoquée par le départ en vacances de la patronne du service, Lynda Léveillé, une femme dans un corps d’homme. Crainte et respectée, elle laisse Jérôme et son équipe avec une enquête qui semble bien facile.

Une jeune femme tue quatre personnes lors de son procès, procès presque inutile car les avocats se sont entendus pour régler la majorité des accusations hors cours. Cependant, de façon complètement incompréhensible, l’accusée vole l’arme de l’agent de sécurité, tire sur le juge, son avocat et deux témoins, puis retourne le pistolet vers elle, met le canon dans sa bouche, se brûle les lèvres, hésite et finalement, tire un coup qui la plonge directement dans un coma profond. Dès ce moment, elle vit une expérience de «mort imminente» de «Cinq secondes» où elle revivra sa vie et surtout,  les étapes importantes qui l’ont amenée à poser ce geste qui apparaît si insensé, incompréhensible et excessif.

L’enquête pourrait être facile mais Jérôme Marceau doute. Qu’est-ce qui a pu pousser cette superbe femme à poser un tel geste? Et à contre courant, au détriment d’un appareil judiciaire qui voudrait bien étouffer l’affaire, il se mettra à la recherche de cette vérité que personne ne veut voir.

Alors, le lecteur se verra emporter par un tourbillon en deux temps, un aller-retour entre l’enquête de l’inspecteur Marceau et la découverte progressive de ce qui s’est passé réellement dans les dernières années de la vie de l’accusée.

Je vous le dis d’avance, «Cinq secondes» est ce genre de roman que l’on ne peut plus quitter; dès les premières pages, l’auteur nous accroche par cette histoire bien racontée, une construction romanesque créative et par la qualité du traitement des personnages. L’idée de raconter l’histoire de Brigitte Leclerc par le biais d’une expérience de mort imminente est originale et extrêmement bien exploitée. On y croit ! Et cette histoire nous enveloppe et nous accroche jusqu’à la fin, jusqu’au moment où enfin, nous connaîtrons le dénouement.

L’enquêteur Jérôme Marceau est un personnage fort intéressant. Malgré son handicap, malgré son manque de crédibilité et à cause de ses méthodes très peu orthodoxes basées sur l’intuition, il attire la sympathie du lecteur et on espère sa réussite. Les quelques moments où nous le voyons avec sa mère, rongée par la culpabilité,  tracent un portrait troublant des thématiques de ce récit: le  pardon, la trahison et la vengeance.

L’auteur nous présente aussi un autre personnage important, personnage qui influence de façon majeure le déroulement de l’enquête: la ville de Montréal, sa vie souterraine et le climat nordique. Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement entre «Cinq secondes» et le roman pour la jeunesse «Toute la beauté du monde» où le personnage du capitaine Souterre, gardien des canalisations d’une usine de filtration, consacre sa vie à la symbolique de «magnifiques fleuves éphémères». Bref, on se régale de ces incursions furtives dans les méandres du sous-sol montréalais et on peste avec les personnages, sur les aléas des tempêtes de neige et de verglas qui hantent habituellement nos hivers québécois.

Jacques Savoie a écrit un excellent roman policier que je vous conseille grandement. Il représente dignement l’image de qualité de notre littérature policière et vous verrez rapidement pourquoi ce roman a été choisi par la Société de Saint-Pacôme ( http://www.st-pacome.ca/polar/f_quoi.html ) comme meilleur roman de littérature policière québécois, pour l’année 2010.

Et permettez-moi un petit excès d’orgueil chauvin ... Jacques Savoie, André Marois, Martin Michaud, Andrée A. Michaud, André Jacques, François Barcelo, Patrick Senécal, Chrystine Brouillet et Mario Bolduc, tous finalistes ou gagnants des Prix de Saint-Pacôme depuis quelques années, tous ils méritent grandement que nous les lisions, que nous encouragions l’excellente qualité du polar et du roman policier québécois. La lecture de ces romanciers est un pur plaisir et on serait perdant de ne pas les encourager.

En terminant, j’aimerais remercier les organisateurs du Prix de Saint-Pacôme. Nous avons tellement peu d’occasions de souligner l’excellence de nos auteurs et de notre culture québécoise, que l’on doit les féliciter de nous donner, à chaque année, l’occasion de venir à la rencontre de nos auteurs et auteures. Merci à vous !

Et il me reste une petite question pour l’auteur: reverrons-nous Jérôme Marceau, son équipe et Sonia Ruff, la charmante greffière ? En ce qui me concerne, une suite serait sûrement bienvenue.



Au plaisir de la lecture.

 Cinq secondes
Jacques Savoie
Libre Expression
2010
311 pages

Richard, Polar Noir et blanc : http://lecturederichard.over-blog.com/