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25/04/2012

J'étais tueur à Beckenra City, de Hugo Buan

  hugo buan,tueur,beckenra city,luth,millerUne chronique de Christine.

Entre les voisins sans-gêne, les employeurs tyranniques, la guichetière qui est partie depuis deux heures prendre son café et le malotru qui vient de vous chiper sous le nez la dernière place libre du parking alors que vous aviez consciencieusement mis votre clignotant, avouez, mes p’tits loups, qu’il y a de quoi s’énerver certains jours.
Et je ne parle même pas de votre meilleure amie qui ne vous téléphone que pour vous emprunter votre cachemire préféré.
Ni de Michel-Gustave qui vient de renverser votre bouteille de Grands Échézeaux 1959…
Que celui ou celle qui n’a jamais eu envie de connaître l’adresse perso d’un tueur à gages lève le doigt !
Personne ?

Je m’en doutais un peu…

« J’avais acquis tellement de connaissances dans les Forces Spéciales, que ça aurait été un gâchis de ne pas les utiliser. Je ne défendais aucune cause précise si ce n’est celle de l’argent… »

Qui peut se targuer de connaître réellement Leonard ? Découvert à l’âge de seize ans inanimé sur un trottoir de Beckenra City, orphelin sans mémoire ni passé devenu pupille du Roi, il a servi son pays pendant quinze ans avant de redevenir un anonyme dans la foule.

Mais un anonyme ayant une connaissance parfaite des armes, doté d’un sang froid à toute épreuve et d’une capacité d’analyse sans faille. Aucun état d’âme, aucune passion connue. À part le frisson que donne la sensation d’avoir une cible en ligne de mire.

Leonard est un tueur à gages.
Et rien ne peut le détourner des missions qu’on lui confie.

C'est une qualité très appréciée par son employeur, le juge Laupper, qui se fait fort d’utiliser la main armée de Leonard pour nettoyer la ville de la racaille qui y pullule. Ou des notables qui ne partageraient pas son sens du devoir.

Prochain contrat : éliminer Luth Miller. Pas une criminelle, pas n’importe qui.

Luth Miller, la bourgmestre de Beckenra City !

La tâche ne s’annonce pas aisée. L’approcher, déjà, n’est pas si simple. La villa de Luth est sous haute protection. Ses bureaux aussi. Et par le biais de son mari, pas mieux.

Peut-être que le prochain « Bal des débutantes » serait l’occasion idéale pour se trouver face à elle ? Faire un peu connaissance, trouver la faille, peaufiner une stratégie.
Mais voilà que les obstacles surgissent de tous les côtés.
Luth Miller est aussi belle que manipulatrice.
Beckenra City, sous ses allures de fière cité lisse et sûre, cache une fange aussi traîtresse que le Fleuve qui la coupe en deux.

 Leonard va rapidement réaliser que de tueur à gages il est en train de devenir cible. Pourtant, pas question de renoncer. Un contrat est un contrat, celui-ci sera mené à bien comme tous les autres. Quoi que cela puisse en coûter.
« J’avais fait mien le précepte : « Pour être heureux il faut vivre caché ». On me rétorquera que ce n’est pas en allant bousiller un maximum d’individus que je mets en principe cet adage, mais qu’est-ce que vous voulez, on a tous nos failles et nos faiblesses… »

Hugo Buan met entre parenthèses les aventures du commissaire Workan pour proposer ici un roman à part.  Plus noir, plus dense, et un héros qui ne l’est pas moins. Qui évolue dans une cité créée de toute pièce avec un incroyable sens du détail. Histoire, contexte géographique, social, ou politique, sans oublier l’urbanisme ou l’architecture.

Et dans cet univers de fiction mais pourtant ô combien proche de certaines réalités, Leonard. Un personnage qui a tout pour inciter méfiance et répulsion. Et auquel on s’attache malgré tout.

Car Hugo Buan a le chic pour rendre attachant le pire des individus grâce à un dialogue, un élément surgi du passé, une réflexion, un petit rien ou un danger, tous ces éléments partagés avec le lecteur et qui font que la lecture n’est jamais passive.

Ici comme partout ailleurs, il ne faut pas se fier aux apparences. Leonard est un colosse aux pieds d’argile, la belle cité repose sur des marécages, et celui qui croit maîtriser la situation trouvera toujours plus retors que lui.

Un roman plus sec, plus nerveux, plus direct, que l’auteur veut complètement à l’opposé de ce qu’il proposait habituellement, mais dans lequel on retrouve son style ainsi que son sens du dialogue. Percutant, bien sûr. Parce que chassez le naturel…

Et ne cherchez pas la petite bête dans le récit. Hugo Buan en maîtrise les rouages, soigne les détails, emboîte tous les éléments qui s’enchaînent de manière implacable.

La base de l’intrigue, celle du tueur qui devient proie, a été maintes fois utilisée.

Classique ? Vous pensiez être blasé ?

Ne pariez pas un caramel mou là-dessus, vous seriez perdant.

Corruption, traquenards, manipulations, héroïnes fatales et héros acculé, tout ceci est revisité de manière énergique et ne laisse guère de répit jusqu’au point final.

Ne vous fiez pas à la quatrième de couverture, aussi peu réussie et alléchante qu’une tranche napolitaine oubliée en plein soleil.

Fiez vous plutôt à votre instinct qui vous avait fait aimer les livres précédents de Hugo Buan. nCelui-ci vous surprendra, et vous l’aimerez aussi. Depuis son premier roman, Hugo Buan construit une œuvre, une bibliographie qui n’a rien à envier à personne.  

C’est du bon boulot, c’est bien écrit, c’est prenant du début jusqu’à la fin, et on en redemande.

 

Christine, (Blog : Bibliofractale )

 

 

 

J’étais tueur à Beckenra City
Hugo BUAN
Pascal Galodé éditeurs
263 pages ; 20 euros