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24/12/2013

Entretien avec Janis Otsiemi

otsiemi2.jpg  Après avoir chroniqué African tabloïdle dernier roman de  l’écrivain gabonais Janis Otsiemi, Cassiopée a décidé de poser à celui-ci quelques questions sur son travail d’auteur de polars.

Vous trouverez  sur le collectif plusieurs chroniques sur Le chasseur de lucioles : celle de Cassiopée ; celle de Paul, celle de Christine ; celle de Paco.

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 Cassiopée.  Vous vivez et travaillez au Gabon et l'écriture n'est pas votre principale source de revenus. Pourquoi vous êtes vous mis à écrire? Vouliez-vous "célébrer" votre pays d'une autre façon?

 Janis Otsiemi. Je travaille à Libreville comme Assistant des ressources humaines dans une compagnie d’aviation d’affaires. Je crois que c’est la passion de l’écriture qui m’a poussé à écrire. J’ai commencé par lire les romans à l’eau de rose tels que les Harlequin et les romans-photos. Mais le texte qui m’a donné l’envie d’écrire est un poème de Lamartine, Le lac. Toutefois, j’ai découvert la littérature policière tardivement. Mais du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu l’envie de raconter des histoires, de coucher mes émotions, mes pensées, mes rêves sur le papier. D’ailleurs, je me considère plus comme un raconteur d’histoires qu’un écrivain. Dans mes romans, c’est la trajectoire des personnages qui m’intéresse le plus.

Libreville, la capitale du Gabon, est l’une des villes que je connais le plus et que j’adore beaucoup. Je ne pense pas vivre ailleurs un jour. C’est pourquoi je situe les intrigues de mes romans dans cette ville. Je ne sais pas si en le faisant, c’est une façon pour moi de célébrer mon pays mais je crois plutôt que c’est pour moi une manière de lui faire avouer ses propres tares telles que la corruption, le détournement des deniers publics ou le népotisme.

 Cassiopée.   Vous avez été reconnu écrivain dans votre pays (prix du roman gabonais), quand, comment et pourquoi vos romans ont-ils été édités en France? Etait ce un souhait de votre part?

 Janis Otsiemi.  Mes romans trouvent ici un accueil chaleureux. Et c’est très important pour moi d’être lu dans mon pays bien que j’édite mes romans en France. Au Gabon, il n’existe pas une industrie culturelle. On compte quelques éditeurs et libraires. Et la distribution est assez difficile. J’ai publié mon premier roman « Tous les chemins mènent à l’autre » en 2000 aux Editions Raponda Walker de Libreville. Quand j’ai décidé d’écrire des polars, j’ai été contraint de chercher un éditeur français car le polar est un genre peu connu au Gabon.

 Cassiopée.   Vos livres s'accompagnent d'un franc-parler du cru qui apporte un autre regard pour le lecteur qui se prend à sourire. Est-ce une façon pour vous de dédramatiser le propos ?

 Janis Otsiemi.  Il existe partout en Afrique un français parlé ou des expressions locales qui sont antipodes du français qu’on enseigne à l’école. Au Gabon, on appelle ces expressions locales les « gabonismes ». Je n’utilise pas ces gabonismes pour faire « couleur locale » comme on pourrait le penser. Bien au contraire, ces gabonismes sont le français que j’utilise tous les jours dans mes conversations au quartier comme au travail. Mais derrière cette utilisation des gabonisme se cache aussi une volonté de réfléchir et d’enrichir la langue française car l’avenir de cette langue se trouve en Afrique. On estime qu’en 2050, plus de 500 millions d’Africains parleront le français.

 Cassiopée.  Pensez-vous que vous prenez des risques avec vos écrits? Les situations évoquées ne risquent-elles pas de ressembler fort à certains événements de la vie à Libreville ?

 Janis Otsiemi.  Je n’ai jamais été inquiété pour mes romans. Mais j’aime bien être fidèle à la réalité que je décris dans romans. Aussi, il m’arrive souvent  de visiter  des commissariats de la ville pour voir comment travaillent les policiers. Pour écrire Le Chasseur de lucioles, je me suis rendu à la Gare routière, le plus gros bordel à ciel ouvert de Libreville, pour discuter avec des prostituées.

 Cassiopée.  Avez-vous des rituels d'écriture, un rythme qui vous est nécessaire pour trouver le bon équilibre?

 Janis Otsiemi.  J’écris le plus souvent la nuit. La journée, je suis pris par mes occupations professionnelles. J’écris toujours au stylo dans cahiers comme un écolier. J’aime l’odeur de l’encre et du papier.

Cassiopée
.  Pourquoi écrire des polars?

 Janis Otsiemi.  J’ai l’habitude de dire que je suis venu au polar par effraction car le premier roman que j’ai publié n’était pas un polar. C’était plutôt un récit sur le thème de l’altérité. Quand je l’ai fait lire à mes copains au quartier, ils ne s’y sont pas retrouvés car j’ai grand dans l’un de plus gros bidonvilles de Libreville. C’est comme ça que j’ai décidé d’écrire des polars pour faire plaisir à mes copains. Mais pour cela, il fallait que je lise des auteurs qui avaient écrit des romans policiers ou des polars. J’ai donc commencé par Agatha Christie, San Antonio, André Héléna, A.D.G…tous des auteurs dont en vendait des romans à même le sol dans la rue. Ensuite, j’ai découvert d’autres auteurs dont je me sens plus proche aujourd’hui tels que James Ellroy, Fajardie, Abass Ndione et bien d’autres.

Cassiopée
.   Si je vous demande de parler de Libreville en trois mots, lesquels choisissez-vous et pourquoi?

 Janis Otsiemi.  Trois mots caractérisent assez bien Libreville : cosmopolitisme, mer et soleil. Libreville est une ville constituées e plusieurs ethnies et nationalités. Sa côte est baignée par la mer et le soleil est toujours au rendez-vous. Mais c’est une ville mystérieuse qui ne se donne pas à voir au premier regard. Il faut aller à sa quête. Et c’est peut-être ce dernier attrait qui me fascine en elle.

 Cassiopée.  Avez-vous un autre roman en route?

 Janis Otsiemi.  J’ai pas mal de projets en ce moment. Des polars et des essais politiques aussi.


Cassiopée
.  Voulez vous partager autre chose avec nos lecteurs?

Janis Otsiemi.  On existe parce que les autres existent. Alors que serait un auteur sans ses lecteurs ?