31/03/2019
Dans la brume écarlate, de Nicolas Lebel
Une chronique de Cassiopée
Ex nihilo nihil
Nicolas Lebel fait partie de ces auteurs qui se bonifient avec le temps. Son dernier roman est un modèle du genre tant sur la forme que sur le fond. De plus, son écriture est plus affirmée, toujours teintée d’un peu d’humour et d’ironie. Son style et son phrasé en adéquation avec les différents protagonistes qui s’expriment. Les chapitres alternent en présentant des situations diverses et variées (qui auront forcément à un moment ou un autre un point commun) avec des courriers, des poèmes, des écrits … cela permet de changer de « registre », de maintenir l’attention du lecteur en éveil tout en insufflant un rythme très intéressant.
Qu’on le connaisse ou non (il a été présent dans les romans précédents de Nicolas Lebel), le capitaine Mehrlicht devient vite un familier pour le lecteur. Peu importe son mauvais caractère, sa toux de fumeur, son mépris du conformisme, ses difficultés relationnelles, sa laideur – pardon - son physique qui sort de l’ordinaire, on sent que c’est un policier qui ne lâchera rien et c’est pour ça qu’on l’aime. Il y a également son côté atypique, sa passion pour « Questions pour un champion », ses sonneries de téléphone (que lui installe son fils et diablement bien choisies ; -), ses décisions imprévisibles, ses tenues surprenantes…. Bref un homme atypique auquel on s’attache très vite. Il est accompagné de ses fidèles coéquipiers, Sophie Latour et Mickael Dossantos pour les principaux.
Tout va se jouer sur quelques jours, dans un Paris enveloppé de brouillard, ce qui crée une atmosphère humide, désagréable, trouble. On a une mère inquiète pour sa fille majeure, Lucie, une jeune gothique, qui n’est pas rentrée à la maison. Pas de quoi fouetter un chat, d’autant plus qu’à son âge elle peut vivre sa vie … Mais on s’aperçoit très vite qu’il s’agit d’une disparition inquiétante et bizarre, encore plus quand une flaque de sang, correspondant à son ADN est retrouvée près d’une tombe au Père Lachaise (ah les joutes oratoires des employés de ce lieu : un vrai régal ;- ). Il y a Taleb et Noura, deux réfugiés syriens qui ont fui leur pays, plein d’espoir, et qui vivent dans un camp de réfugiés, s’en sortant avec des petits boulots. Un soir, Noura ne rentre pas et son frère cherche sa trace.
Y-a-t-il un lien entre ces disparitions ? Pourquoi ? Comment ? L’équipe d’enquêteurs va se pencher sur le sort de Lucie dans un premier temps mais sera vite entraînée dans d’autres situations, notamment à cause du sang découvert dans le cimetière. Il va falloir composer avec toutes les connaissances de l’étudiante à interroger et elles ne sont pas forcément sur la même longueur d’onde, quelles personnes fréquentait Lucie, que faisait-elle avec elles ?
J’ai beaucoup apprécié les divers aspects et thèmes de ce roman : le mouvement gothique, la place et la vie des réfugiés, le lien avec la Roumanie, la façon dont est gérée la justice et les choix personnels de chacun pour l’appliquer… Je pense que Nicolas Lebel a écrit là un de ces meilleurs romans. Au-delà de l’enquête policière assez linéaire, tous les à-côtés sont détaillés, et ils trouvent leur place dans l’intrigue. Le « côté politico-social » est également intéressant, avec Jebril, le compagnon de Sophie, les expatriés et ceux qui les rejettent, l’immunité diplomatique et les dérives que ça peut entraîner, les travers du net etc… En outre, l’auteur ne se pose pas en censeur, il ne nous donne pas de leçons, il énonce des faits, les analyse avec finesse, nous ouvre éventuellement les yeux et permet à chacun de se faire sa propre opinion.
C’est une histoire vraiment aboutie qui se lit avec grand plaisir !
NB : Nicolas, je connais un médecin très bien pour soigner Mehrlicht, n’hésitez pas à m’appeler !
Éditions : Marabout (27 Mars 2019)
390 pages
Quatrième de couverture
Une femme se présente au commissariat du XIIe et demande à voir le capitaine Mehrlicht en personne. Sa fille Lucie, étudiante, majeure, n'est pas rentrée de la nuit. Rien ne justifie une enquête à ce stade mais sait-on jamais... Le groupe de Mehrlicht est alors appelé au cimetière du Père Lachaise où des gardiens ont découvert une large mare de sang. Ils ne trouvent cependant ni corps, ni trace alentour….
18:37 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |