16/07/2019
L'affaire Perceval, de Pascal Martin
Une chronique de Cassiopée
L’apparence de la vérité est-elle la vérité ?
A la télévision, tout fout le camp, on ne sait plus qui croire, que croire et tout peut basculer du jour au lendemain, l’élu d’hier devenant le paria de demain. On le sait mais le plus souvent, on regarde ça d’un œil extérieur, un peu goguenard. Pascal Martin nous emmène de l’autre côté du miroir. Gérard Lavaux dit Perceval est chroniqueur à la LGT, La Grande Tchate, là où il est de bon ton d’écorcher les hommes politiques ou autres célébrités qui se mettent sur le devant de la scène. La force de Perceval c’est de trouver les bons mots. La saillie qui fait mouche et qui apporte des éclats de rire. Être caustique en équilibrant les risques pour ne pas se mettre trop de monde à dos, trouver le dosage adéquat et prendre un air narquois mais pas trop moqueur, voilà son travail quotidien. Il réussit et les taux d’audience sont bons…. Jusqu’au grain de sable… Un banal accident de moto et un remplaçant choisi par la « Reine mère » (qui d’ailleurs, partage la vie de Perceval). Ce devrait être l’affaire de quelques jours … Mais il n’en est rien. L’intérimaire s’en sort plutôt pas mal et semble plaire au grand chef et au public. Perceval ne se sent pas à l’aise face à tout cela. D’autant plus que d’autres incidents arrivent et le déstabilisent. Est-il en train de sombrer dans la paranoïa ou fait-il un burn-out ? Qui tire les ficelles de tout ça ? Sandrine, sa compagne et productrice de l’émission ? Un collègue jaloux ? Une chaîne concurrente ?
Le lecteur, impuissant, assiste à la dégringolade de Perceval. Est-il victime d’un coup monté ou se pose-t-il en victime pour attirer l’attention ? Pascal Martin nous démontre combien l’interprétation des faits peut modifier la perception de chaque individu. Chacun voit-il ce qu’il souhaite observer ou son jugement est-il modifié par l’approche qu’il en fait à l’instant T ? L’auteur nous montre l’envers des médias où tout est manipulation, calcul réfléchi le plus souvent. Il nous rappelle que le but est de gagner des points d’audimat à n’importe quel prix.
Perceval donne une image de lui, celle que lui demande sa productrice mais qui est-il réellement ? Il a un sacré égo… « Il déteste l’idée de s’aimer autant lui-même, d’adorer à ce point le regard des autres, leurs yeux qui brillent d’admiration et d’envie lorsqu’ils se posent sur lui, mais c’est plus fort que tout. » Jusqu’où est-il prêt à aller pour garder son « aura » ? Est-il manipulé ou manipulateur ? Les faits sont là mais quel sens leur donner ?
Un journaliste d’investigation, Malone, qui a côtoyé Perceval, va se lancer dans une « enquête » pour comprendre ce qui se passe. C’est un homme bien, il donne des documents à Médiapart quand son rédacteur en chef manque de courage pour le faire. Mais se lancer dans de telles recherches est peut-être un peu risqué ? Que va-t-il découvrir ?
Pascal Martin ne néglige aucun aspect de cette télévision qui n’est plus (beaucoup) fiable. Coups bas, lutte de pouvoirs, mensonges, trahisons, c’est celui (ou celle) qui attire le plus la lumière qui gagnera. C’est un peu comme en politique : tous pourris et ce n’est pas Médiapart qui me contredira ; -)
Le style et l’écriture sont mordants, teintés d’ironie et d’humour noir. Les phrases rebondissent, les scènes se succèdent, quand on croit avoir cerné l’essentiel, nos convictions s‘écroulent et ça repart comme dans un bon feuilleton télévisé. C’est captivant car la vérité n’est jamais celle qu’on imagine. Finalement nous aussi, on se laisse embobiner et ceci pour notre plus grand plaisir !
Éditions : Jigal (15 Mai 2019)
258 pages
Quatrième de couverture
Perceval est au top, adulé, reconnu, jalousé ! La Grande Tchatche, son émission en prime time, est un succès colossal. Le public adore, l'audimat est au sommet, la productrice est comblée... Pourtant, quelqu'un veut la peau de Perceval et s'acharne sur lui. Pourquoi ? Pauvre clown effrayé sur la piste du grand cirque médiatique, Perceval se voit contraint de quitter la scène et de prendre la fuite
22:37 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |