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30/09/2011

Meurtriers sans visage, de Hennig Mankell

meurtrierssansvisage.jpg Une chronique de Pierre

Péninsule aux côtes écorchées par une mer glaciale, la Scanie, semble vouloir tirer la Suède vers le sud. Le calme en apparence ; l'immuabilité de la campagne et des petites villes, loin du bruit de Stockholm mais pourtant à vingt minutes de ferry de Copenhague. Un vieux paysan se réveille en pleine nuit. L'instinct de la terre cette terre, qui lui déchire les mains et lui brise le dos depuis cinquante ans, ne le trompe pas : quelque chose s'est passé ou plutôt ne s'est pas passé. La jument est trop silencieuse. Le carreau de cuisine de la ferme voisine est cassé.  Horrifié, il découvre le cadavre de son voisin. La voisine, encore vivante, git au milieu du sang. Elle meurt quelques jours plus tard à l'hôpital après avoir dit un seul mot : « étranger ». Le spectacle de cet «abattoir humain», fait oublier à l'homme le vent de janvier qui lui glace les os. Quelques dizaines de minutes plus tard à Ystad, le personnage clé de l'œuvre de Henning Mankell, l'inspecteur Kurt Wallander, est réveillé.

Alors que son maitre à penser, l’inspecteur Rydberg, se meurt, Kurt doit conduire une enquête compliquée par la xénophobie qui envahit la Suède des années 90. Une fuite au commissariat d'Ystad va mettre la presse au courant de ce mot, censé désigner l'identité du ou des assassins. En plus de son enquête, l'inspecteur Kurt Wallander va désormais devoir se montrer particulièrement attentif aux débordements racistes qui ne manqueront pas de se produire.

La Suède de ce début des années quatre-vingt-dix est encore une terre d'accueil où de nombreux étrangers de Finlande ou d'Europe de l'Est attendent leur régularisation dans des camps qui leur sont réservés. Cela fait débat aussi bien dans la conscience de Wallander - doit-on accueillir toute la misère du monde ?- comme cela anime ses premières discussions avec la belle procureur, Anette Brolin dont il tombe amoureux. Car Wallander a aussi des problèmes personnels à résoudre entre son récent divorce, sa fille qui lui échappe et son père qui frise la sénilité. L'inspecteur ne dort pas beaucoup et ce sera une constante de la série dont ce roman semble bien être le premier tome.

Bien sûr, notre héros - qui justement n'en est pas un et c'est tant mieux! - se fourvoie, recommence, bute sur un nouvel obstacle, se décourage et gamberge, à l'affût du moindre détail qui fera basculer l'enquête. Kurt Wallander, est aussi noir que le quotidien du pays est de l'extérieur imaginé tout en rose. En 1991, début d'une période de crise qui aboutira à une série de réformes libérales, il met les pieds dans le plat en abordant une question très épineuse : celle de l'immigration. La question qui se pose en filigrane à travers tout le roman est celle du devenir des immigrés clandestins, parqués dans des camps où aucun avenir ne s'offre à eux.

Mankell, de retour d’Afrique, ajoute son point de vue sur l'état de la Suède dont le crime va croissant et offre à Walllander quadragénaire l'occasion de se retourner sur son passé, de faire acte d'histoire en même temps qu'acte de citoyen européen rattrapé par la crise, la montée du chômage et la violence dans un pays réputé pour sa modération. Est-ce cette allégorie que son père rend en peinture sur l'éternel paysage plat qu'il peint depuis toujours, orné selon l'humeur par un coq de bruyère?

 Pierre Mazet http://www.pierre-mazet.com/

Présentation de l’éditeur

À ce polar sur la peur de l'Autre, il fallait un héros exceptionnel. Le policier Kurt Wallander en est un, dans la mesure où il prétend simplement être un homme, rien qu'un homme solitaire et blessé, proche du désespoir ordinaire.

Ce roman noir, copieux, haletant, nous poursuit bien après l'arrestation des meurtriers. Car, dans les glaces nordiques, c'est non seulement la solution d'une énigme que l'écrivain nous dévoile, mais aussi l'âme d'une nation autrefois douée pour le bonheur et que la joie de vivre a désertée. Le constat est dur, à l'image de ce livre magnifique où les neiges éternelles du suspense se teintent d'un sang d'aujourd'hui.
La première enquête du désormais célèbre Kurt Wallander, personnage phare des romans de Henning Mankell.