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01/11/2011

Le chinois, de Henning Mankell

le_chinois.jpgUne chronique de l'oncle Paul.

Bizarrement, je ne sais pas si vous réagissez comme moi, je possède des à-priori en ce qui concerne la littérature, et principalement celle qui englobe les pays nordiques. Par exemple, Henning Mankel, encensé par bien des critiques et chroniqueurs, ne m’attirait pas particulièrement et je n’avais pas l’intention de me plonger dans son univers. Trop d’éloges, trop de louanges. Et la possibilité de lire Le Chinois, grâce à Babelio et les éditions du Seuil, constituait pour moi comme un pensum obligé. Et j’avoue qu’au début je rechignais, relisant les phrases plusieurs fois avant de pouvoir m’en imprégner la substance. Et puis d’un seul coup la magie a opéré, comme un voile de brume qui se déchire.

Un photographe qui pense réussir de bonnes photos dans le nord de la Suède arrive dans un petit village qui parait désert. Mort même, car aucun de ses habitants daigne répondre lorsqu’il frappe aux portes des habitations. Un village fantôme qui bientôt livre son secret. Il aperçoit à travers une fenêtre une jambe qui traine à terre. Il fracture l’huis et se trouve devant un cadavre. Il appelle immédiatement les secours, mais cette rencontre inopinée lui est fatale. Alors qu’il quitte le village à bord de son véhicule, il décède d’une crise cardiaque. Arrivés sur place les policiers et les secours ne peuvent que constater une véritable hécatombe. Dix-neuf personnes ont été tuées, égorgées, coupées en deux, et autres blessures mortelles infligée par un couteau ou une épée. Dix-neuf cadavres dont celui d’un gamin, qu’un couple de rescapés ne connaissait pas.

Vivi Sundberg, une policière imposante et expérimentée, est en charge de l’enquête et procède aux premières constations, tandis que son supérieur, un jeune qui n’a jamais mis les mains dans le charbon assiste à une conférence. Les journalistes sont soigneusement écartés, mais de redoutables chasseurs d’infos sont aux aguets.

En compulsant la liste des défunts, Vivi est interloquée par un lien existant entre toutes ces personnes. Ils portent les noms de Andrén, Andersson, Magnusson. Seul le gamin reste sans identité. Un policier découvre non loin, dans la neige, un ruban rouge.

Beaucoup plus au sud du pays, la juge Birgitta Roslin est surprise en lisant un journal. Une photo représente l’une des maisons du drame, or cette maison, elle l’a connait. Sa mère orpheline y a été élevée, et Birgitta se rend immédiatement dans ce petit village de Norrland. La policière Vivi lui permet de découvrir l’intérieur de cette maison et en fouillant Birgitta aperçoit dans un tiroir des lettres et des carnets. Sur l’un des carnets, écrit d’une patte de mouche tremblotante, figure le nom de Nevada. Or cet état des USA lui rappelle quelque chose, un massacre qui s’est déroulé quelques temps auparavant. Malgré l’interdiction de la policière, Birgitta s’introduit de nuit dans la maison et s’empare des papiers qui l’intriguent au plus au point. Elle dépouille tout ce fatras à l’hôtel et se rend compte qu’entre les lettres et le carnet intime, signé d’un certain J.A. Andrén, existent des divergences. L’homme était dans les années 1860 contremaître dans une société chargée de la construction d’une ligne de chemin de fer. Mais elle doit rendre son larcin à Vivi qui s’est aperçue de la disparition des écrits. Elle retourne chez elle mais cette histoire la poursuit. Fatiguée, mise au repos forcé avec en poche un congé de maladie, elle repart pour le nord. Elle mange dans un restaurant chinois dans une petite ville sise non loin du lieu du massacre. Elle découvre que la lampe posée sur sa table possède des rubans, mais il en manque un, et elle suppose qu’il s’agit alors du ruban découvert dans la neige. Elle interroge la serveuse qui se souvient qu’en effet la veille du drame un client chinois avait mangé à cette même place. En face un hôtel minable se dresse et elle s’adresse au propriétaire qui confirme la présence d’un Chinois dans son établissement. Mieux, il possède un enregistrement vidéo de l’homme dont on peut voir nettement le visage. Elle fait part de ses découvertes à Vivi et au procureur Robertsson, mais ceux-ci ne semblent pas vraiment intéressés par ses découvertes. D’ailleurs ils sortent de leur chapeau, ou plutôt de leur képi, un suspect, un coupable vivant dans un village proche.

La deuxième partie du roman, qui en comporte quatre, intitulée Négros et Chinetoques (1863), qui aurait pu être à lui seul le sujet d’un roman, concerne les aventures des trois jeunes frères chinois, expulsés de chez eux par la volonté d’un contremaître de leur âge, et qui sont obligés de quitter leur province. Leurs parents maltraités se sont pendus. Ils se rendent à Canton et se font enlever, deux d’entre eux car le troisième, malade, est assassiné, et emmenés à bord d’un navire à destination de l’Amérique. San et Guo Si survivent malgré les privations, ce qui n’est pas le cas de tous les passagers embarqués de force, et quelques mois plus tard ils participent dans le Nevada à la construction d’une ligne de chemin de fer. Mais le contremaître, un certain J.A., est un homme ignoble, répugnant, raciste, qui n’hésite pas à humilier, à sacrifier les hommes qui travaillent sous sa coupe. San parviendra, après de multiples et avilissants périples à s’affranchir du joug de cet homme. Mais ses déboires ne sont pas terminés, car rentré en Chine, après une traversée à bord d’un navire sur lequel voyagent également deux missionnaires, San connaitra encore de nouvelles désillusions.

Cette deuxième partie éclaire non seulement le lecteur grâce aux extrapolations qu’il peut envisager sur les événements qui se sont produits dans le petit village, mais surtout jette un regard sur des pratiques opérées par les Blancs envers des ouvriers considérés comme des esclaves. Noirs, Chinois, mais aussi Irlandais, sont ravalés au rang de bêtes de somme, les exactions sont nombreuses, et pourtant personne ne s’élève, ou ne peut s’élever, contre les abus que ces travailleurs subissent. Cette histoire dans l’histoire me fait penser à Une étude en rouge (republié sous le titre Ecrits dans le sang chez Anatolia) de Conan Doyle, dont la genèse de l’intrigue réside dans un voyage au pays des Mormons. Mais le rigorisme obsessionnel des missionnaires est également mis en exergue, le fondamentalisme, le traditionalisme, l’intolérance de ces religieux est aussi dénoncé, ainsi que leur fourberie onctueuse.

Verdict : Il me semble, j’en suis même persuadé, que si l’occasion m’est donnée de découvrir un autre roman d’Henning Menkel, je le lirai avec plaisir.

Paul Maugendre (oncle Paul), son blog !

 

Henning MANKEL 
Le Chinois. (Kinesen – 2008).
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne.
Seuil Policiers, éditions du Seuil.
576 pages. 22€.