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08/11/2011

Entretien avec Natacha Calestrémé

Un polar collectif (Jacques).      Bonjour Natacha Calestrémé. Laissez-moi d'abord vous dire le grand plaisir de lecture que m'a procuré votre roman, remarquablement écrit, intelligent, au suspense  sans faille et dont l'intrigue est aussi astucieuse que bien construite. Une vraie réussite pour un premier roman, qui en appelle d'autres !

Le testament des abeilles est votre premier roman. Qui êtes-vous ? Quel est votre parcours ? Quels sont vos centres d'intérêts dans la vie ?

 Natacha Calestrémé. J’ai commencé à travailler à l’âge de 17 ans en tant que mannequin, pour payer mes études, un BTS publicité et communication. Je voulais m’épanouir dans les médias. Ma passion pour la nature m’a fait bifurquer vers une autre voie. J’ai 21 ans lorsque je commence à écrire le concept d’une collection de documentaires « Les héros de la nature », des films sur les hommes et les femmes qui consacrent leur vie à sauver une espèce animale en danger. Cela devient ma priorité, mais je n’ai aucune légitimité, ni sur les sujets nature, ni en réalisation de documentaires. Je monte à Paris pour apprendre et je cumule les métiers. Je vends des espaces publicitaires la semaine pour vivre, je lis et j’étudie tous les sujets autour de la nature, le soir et le week-end. Forte de cette expérience, et aidée par mes intuitions que j’écoute, j’ose proposer des sujets liés à l’environnement dans des quotidiens, hebdomadaires et des mensuels. Et ça marche, on m’en redemande. Je prends confiance en moi, et en l’écriture. Je quitte le métier de commerciale pour lequel on me dit très douée et je me forme à la réalisation du documentaire. J’ai le sentiment de repartir à zéro, tant sur le plan du salaire que de l’expérience. Alors, pour vivre, là encore, j’intègre le service « Jeux » de TF1 grâce à un ami qui connaît mon goût immodéré en ce domaine. En parallèle, production, montage, documentation, techniques de l’interview, écriture du commentaire, j’apprends sur le tas. En 2000, je vois enfin mes rêves se réaliser. Mon synopsis pour la collection « Héros de la nature » convainc un producteur. J’en signe la réalisation pour France 3 et France 5. J’ai 34 ans et je viens de me transformer en oiseau. Pour la première fois de ma vie, je me sens libre.


J.      Vous êtes une réalisatrice reconnue, quel est le déclic qui a été déterminant pour vous lancer dans l'aventure de l'écriture romanesque ? Ce désir d'écriture, que vous manifestez  à travers ce premier roman, est-il ancien ?      
 

N.C. En 2002, je co-écris avec mon mari Stéphane Allix « Carnet Afghans », un livre sur ses douze années en Afghanistan. C’est cette nouvelle expérience qui achève de me donner confiance en l’écriture. Alors que je poursuis mon chemin de réalisatrice (17 films à ce jour), j’écris « héros de la nature » (Robert Laffont) un document sur l’histoire des ces personnages fabuleux rencontrés de Bornéo au Pérou, de la Tanzanie, en Ouganda, de l’Australie aux Féroé. A cette époque, pourtant, je n’imaginais pas que j’écrirai un jour un polar.


J.      Ce thème présent dans votre livre du rapport de l'homme à la nature, vous l'avez abordé à travers une intrigue policière. Pourquoi ce choix ? Comme lectrice, avez-vous des affinités anciennes avec le genre polar ?


N.C.  Je lis beaucoup de polars. En réalisant des films documentaire, j’ai appris à découper une histoire, à trouver des ressorts dramatiques. Je ne peux pas envisager un film policier, un thriller, sans désigner au bout de 15 minutes, le criminel, les fausses pistes, la fin. Très souvent, je tombe juste. Ce qui a amené mon mari à me dire (d’une manière un peu exaspérée !) alors que nous regardions « unbreakable » de Night Shyamalan dont je venais de deviner la fin, « Montre nous ce que tu sais faire. Trouve une intrigue bien ficelée que personne ne devinera ». Je l’ai pris au mot et j’ai commencé à réfléchir à une idée de polar dès le lendemain. Je dois beaucoup à mon mari !


J.       Plus généralement, quelles sont vos influences littéraires et vos rapports à la littérature ?


N.C. En polar, je vénère Fred Vargas et ces personnages géniaux, Michael Connelly pour ses intrigues fabuleuses. Sinon, j’apprécie énormément Romain Gary, Michel del Castillo, Carlos Castaneda, Tolstoï, Luis Sepulveda, Anna Gavalda, Madeleine Chapsal ou Katherine Pancol.


J.   Zola, journaliste et romancier comme vous, avait justifié l'écriture de son roman l'Assommoir, en disant qu'il aurait plus d'impact sur le public [ pour sensibiliser celui-ci au lien entre la misère et l'alcoolisme ] que des articles de presse. Il semble qu'il ait eu raison. De nos jours, submergés que nous sommes par des torrents d'image télévisuelles qui semblent émousser notre sensibilité, pensez-vous que l'écriture romanesque conserve toujours le même impact pour aborder les problèmes de notre société ?


N.C.  C’est avec le même objectif que j’ai conçu « Le testament des abeilles ». Je pense que cela peut effectivement être impactant, auprès de ceux qui lisent…


J.      Vos personnages, très réussis,  sont un des points forts du roman. Je pense en particulier au jeune Nathan, à sa mère Alisha mais aussi au flic, Yoann Clivel, fragile, meurtri par une blessure d'enfance, à la fois attiré par les femmes et effrayé par l'amour.  Quelle place accordez-vous aux personnages dans votre roman ? Et comment avez-vous « construit » vos personnages ?


N.C.  Merci beaucoup. Cela me touche parce que mes personnages ont longtemps été le point faible de ce livre. A un moment donné, un déclic s’est produit et j’ai décidé de le réécrire en entier, en utilisant le « je » du personnage principal, et en me prenant pour un homme (le héros). C’est ainsi que les personnages ont commencé à exister complètement, avec leur qualité, leur histoire personnelle, et surtout leurs faiblesses. Car ce sont les faiblesses qui rendent un personnage attachant.


J.      Vous avez réuni pour écrire le testament des abeilles une documentation scientifique importante. Comment avez-vous travaillé ? L'articulation entre l'histoire policière et la documentation a-t-elle  été difficile à mettre en place ?


N.C. Sur le plan scientifique, je me suis rapprochée de chercheurs du CNRS et d’Orsay Paris sud notamment, et j’ai effectué des recherches sur différentes pistes pendant plus d’un an (en parallèle de mon travail de réalisation de films). Puis j’ai intégré un service de police judiciaire, toujours afin de coller au mieux au réel. C’est là que j’ai appris que ce ne sont jamais les bonnes personnes qui sont représentées dans les films et polars. On parle toujours d’inspecteur mais le grade n’existe plus, ou de commissaire, qui en réalité ne sort pas sur le terrain. C’est pourquoi mes personnages sont major, brigadier ou gardien de la paix, comme dans la vie réelle.


J.      Votre livre est « très visuel ». Je me suis surpris à imaginer des scènes d'un film qui en serait l'adaptation.  Y avez-vous également pensé en écrivant cette histoire ?

 N.C.  C’est le plus beau compliment que vous pouviez me faire. Je l’ai écrit en imaginant le film. J’espère pouvoir l’adapter un jour.


J.      Concrètement, comment avez-vous travaillé ? Avez-vous établi un scénario détaillée, précis, chapitre par chapitre avant de commencer l'écriture ?  Si oui, vous y êtes-vous tenu ?

 N.C. J’écris un scénario, chapitre par chapitre. Il tient sur une dizaine de pages. Ensuite je m’attelle aux personnages, une page pour chacun d’eux. C’est lorsque j’ai achevé ces deux étapes que j’écris. Je commence en général par des scènes qui me bouleversent et que je vais avoir plaisir à relire, pour aider à l’inspiration. Pour celui-ci, le hasard a fait que le prologue est la première de toute. J’ai dû la réécrire trente fois. Celle où Nathan dépose son serpent sous les feuilles d’arbre est une des suivantes, ainsi que celle ou Alisha raconte à son fils le parcourt de son père, jardinier, avant qu’il ne devienne guérisseur. Concernant la structure, j’ai refait la fin, sinon, tout est resté à l’identique.


J.    Votre livre vient juste de sortir en librairie. Comment vivez-vous ce moment, qui doit être très particulier pour un auteur qui publie son premier roman ?

 N.C. Je suis euphorique. J’ai l’impression d’avoir un peu grandi.


J.  Quels sont vos projets immédiats ? Un autre livre en cours d'écriture ? Un documentaire ?

 N.C.  Je travaille à l’écriture de 6 nouveaux films documentaire pour Bonne Pioche TV et M6. J’ai fini d’écrire cet été un livre, mi-polar, mi-roman d’amour, qui sortira plus tard pour lequel je me suis bien amusée. Et j’attends d’avoir un peu de temps pour me mettre à l’écriture de la suite des aventures de Yoann Clivel. J’ai déjà les personnages, l’histoire, il ne me manque la fin pour commencer à écrire.


Merci Natacha d'avoir accepté de répondre à mes questions. Je souhaite un grand succès public et critique à votre roman, qui le mérite amplement !

  
N.C.  Merci à vous pour vos encouragements chaleureux.

 Et à bientôt pour un autre livre ?

N.C.  Oui, c’est certain.


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Natacha Calestrémé répond au questionnaire de Proust

1 - Le principal trait de mon caractère.
La joie de vivre, l’écoute, l’équité (désolée, un seul, c’est trop difficile)
2 - La qualité que je préfère chez un homme.
Son intelligence, son charme, sa douceur, son érudition
3 - La qualité que je préfère chez une femme.
Le fait qu’on se comprenne.
4 - Ce que j'apprécie le plus chez mes amis.
Tout ce qu’ils ont de différent de moi.
5 - Mon principal défaut.
Je dis un peu trop haut ce que je devrais penser tout bas.
6 - Mon occupation préférée.
Dévorer un bon livre, en plein soleil.
7 - Mon rêve de bonheur.
Une grande maison, avec ma famille, quelques amis, entourée de nature.
8 - Quel serait mon plus grand malheur ?
Y penser est déjà une erreur.
9 - Le pays où je désirerais vivre.
J’ai parcouru nombre de pays et j’aime par dessus tout revenir en France.
10 - La couleur que je préfère.
Le jaune orangé quand je réalise, le bleu vert quand j’écris.
11 - La fleur que j'aime.
Le myosotis parce qu’il se traduit « forget me not » (ne m’oublie pas) en anglais et que c’est déjà tout un poème.
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2 - L'oiseau que je préfère.
Le grand corbeau, parce qu’il est intelligent, capable de parler, aussi majestueux qu’un aigle, mais plus humble.
13 - Mes auteurs favoris en prose.
Fred Vargas pour ses personnages plus vrais que nature, Michael Connelly pour la force de ses intrigues.
14 - Mes poètes préférés.
Nicolas Bouvier
15 - Mes héros dans la fiction.
« L’homme qui plantait des arbres » de Jean Giono; Morel dans « Les racines du ciel » de Romain Gary.
16 - Mes héroïnes favorites dans la fiction.
Natacha, Hôtesse de l’air (je plaisante).
17 - Mes compositeurs préférés.
J’aime autant la pop, la chanson française que la musique classique.
18 - Mes peintres favoris.
Les impressionnistes et les modernes contemporains (Basquiat)
19 - Mes héros dans la vie réelle.
Les héros de la nature, ceux pour qui j’ai réalisé une collection de documentaires pour France 3 et France 5, mais aussi un livre, éponyme.
20 - Mes héroïnes dans l'histoire.
Jane Goodall, la première femme à avoir commencé sa vie par l’étude des chimpanzés et avoir consacré les 60 dernières années de sa vie à les protéger et Dian Fossey, le même engagement mais pour les gorilles.
21 - Mes noms favoris.
Peu de gens m’impressionnent en dehors de ceux qui se battent pour la nature.
22 - Ce que je déteste par-dessus tout.
Le mensonge.
23 - Personnages historiques que je méprise le plus.
Les exterminateurs.
24 - Le fait militaire que j'admire le plus.
Vaincre sans combattre… Sun Tzu (l’art de la guerre).
25 - La réforme que j'estime le plus.
Celle qui fera évoluer la société pour qu’il y ait moins de pesticides dans la nature.
26 - Le don de la nature que je voudrais avoir.
Parler aux arbres.
28 - Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence.
Celles qui ont motivé un pardon sincère.
29 - Ma devise.
Prendre ses rêves au sérieux.