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07/10/2011

Entretien avec Jean-Claude Kella

kella.jpgEntretien avec un ancien truand, Jean-Claude Kella
 

"Vingt cinq ans en tout…(en plusieurs fois…) Je dis souvent que les prisons françaises ressemblent à des pensionnats de jeune fille comparés aux prisons américaines. Jean-Claude Kella"

Suite à la sortie de son dernier livre, "Hold-up", Jean-Claude Kella a accepté de donner suite à ma requête, à savoir un entretien avec lui, sur sa vie, sur ses romans.


Jean-Claude Kella est né en 1945 à Toulon, où il a passé sa jeunesse. Cet ex-truand, qui a passé 25 ans derrière les barreaux, a gravi petit à petit les échelons de la délinquance - vols, braquages, etc - et deviendra l'une des figures clée de la "french Connection", important trafic de drogue entre la France et les Etats-Unis. Pour plus d'informations, une page Wikipédia lui est dédiée. 

  Paco : Jean-Claude Kella, comment allez-vous ?

Jean-Claude Kella : très bien merci.

Paco : je sais que vous écrivez, que vous avez eu un passé mouvementé constitué de délits/crimes en tout genre, non négligeables, et que vous avez passé de longues périodes en tôle. Mais sinon qui êtes-vous ? Que faites-vous mis à part l’écriture qui doit, je le conçois, prendre pas mal de votre temps ?

Jean-Claude Kella : je travaille dans une société de domotique.(Ensemble des techniques qui permettent l’automatisation de la maison : confort, sécurité, énergie. PK).

Paco : est-ce que le passé vous rattrape parfois ou vous avez pu tirer un trait définitivement ? Tremper avec la mafia et organiser des trafics importants d’héroïne et ensuite de « poudre », ça laisse des traces non ?

Jean-Claude Kella : oui, ça laisse des traces mais je m’efforce de les effacer de ma mémoire.

Paco : comment avez-vous vécu votre période d’incarcération ? vingt ans c’est bien ça ? Je crois que les prisons américaines ne sont pas trop recommandables… ?
 
Jean-Claude Kella : vingt cinq ans en tout…(en plusieurs fois…) Je dis souvent que les prisons françaises ressemblent à des pensionnats de jeune fille comparés aux prisons américaines.
 
Paco : le fait de finir en prison, c’est frustrant ? c’est un échec ? ou alors, pour vous, c’est simplement la règle du jeu.
 
Jean-Claude Kella : c’est, pardon, c’était la règle du jeu.
 
Paco : vous avez écrit un livre «souvenirs » en 2009, « L’affranchi », qui retrace votre parcours impressionnant qui vous mène (malgré vous ?) dans les plus hautes sphères du Milieu. Pourquoi ? Une sorte de rédemption ? Un besoin ?
 
Jean-Claude Kella : non, ce n’est pas du tout une rédemption. J’ai écris ces « souvenirs » lors d’un séjour en prison. J’ai fait six ans de QI (Quartier d’Isolement) et je me suis mis à écrire pour passer le temps. J’y ai ensuite passé mon DEA, j’avais déjà passé mon BAC en anglais aux USA… un prof de philo a demandé si l’un de nous (les élèves) avait écrit des poèmes ou des nouvelles, j’ai levé le doigt, je lui ai, timidement, montré mes écrits, ça lui a plut, il m’a encouragé à continuer. Puis un jour, un écrivain Monsieur René Frégni est venu faire un cours de lecture, je lui ai montré mes écrits, il les a fais passer à un éditeur et voilà comment ça a commencé.
 
Paco : en fait, pourquoi « Le Diable » ?
 
Jean-Claude Kella : c’est un surnom, parmi tant d’autres, que des amis vous donnent au fil des années…

Paco : pour en venir enfin à votre dernier roman « Hold up », comment cette aventure a-t-elle débutée ? Vous parlez de hasard… Comment l’idée vous est venue de choisir une victime et son « bourreau » comme narrateurs interposés ?
 
Jean-Claude Kella : j’ai connu l’instigateur de « l’affaire » qui avait reçu plusieurs demandes de journalistes pour en faire un roman, il avait toujours refusé. Il a accepté que je l’écrive en insistant sur le fait que des protagonistes de l’affaire étaient, bien que reconnu par des employés de la banque, innocents. C’est ce que j’ai fait, avec plaisir. Ensuite un ami m’a présenté Manu, le vigile qui s’est volontiers prêté à l’aventure. Lorsqu’il a lu le bouquin, il a semblé revivre car il avait plus souffert du comportement de la banque que celui des braqueurs. Il était ravi.
 
Paco : vous avez choisi de raconter ce fameux braquage de la Banque de France perpétré en décembre 1992. Pourquoi ce fait divers ? il vous fascine ?
 
Jean-Claude Kella : non pas du tout, mais c’est vrai que c’est le rêve de tout truand que de réussir un coup pareil, sans les conséquences…

Paco : Marc et Manu, vous les connaissiez ? Comment avez-vous fait pour obtenir leurs témoignages respectifs ? Comment cela s’est-il passé ?
 
Jean-Claude Kella : réponse ci-dessus.
 
Paco : Manu, le vigile de la Banque de France, est certainement une victime marquée à vie suite à sa galère de 1992. Jean-Claude Kella, est-ce que le fait de recevoir son témoignage – j’imagine poignant – vous a fait réfléchir ? Il y a beaucoup de psychologie dans votre roman, de ressentis. Quel est le votre après cette expérience ?
 
Jean-Claude Kella : en effet, lorsque l’on fait un braquage et qu’il n’y a pas eu de sang versé on ne se soucie pas de la banque, nous savons que les assurances paieront et de plus comme beaucoup de citoyens nous considérons les banques comme des profiteurs pour ne pas dire plus…mais l’histoire de Manu m’a sincèrement bouleversé.
 
Paco : je ne vais aucunement vous juger – pas mon rôle et je n’en ai aucune envie - mais le fait de se rendre compte qu’il y a des victimes face à vous, que ce soit lors de braquage ou même au niveau de la drogue, ça vous pèse ? Est-ce que cela vous préoccupe ?
 
Jean-Claude Kella : réponse ci-dessus en ce qui concerne les braquages. Pour ce qui est de la drogue, à l’époque, dans les années 60-70 la drogue n’était, en France, pas un problème. A vrai dire c’était les années « Sex-drug and rock an roll », je n’étais pas du tout au courant des ravages que cela faisait aux USA, surtout après le retour des GI du Viêt-Nam où l’armée ou plutôt la CIA leur fournissait l’héroïne à bas coût pour affronter les combats. En France on leur donnait du gros rouge pour monter au front.
 
Paco : et Marc ? Comment l’avez-vous « ressenti » lorsque vous avez recueilli son témoignage ? A-t-il rapidement accepté d’être un des narrateurs de votre roman ? Au fait, a-t-il lu « Hold-up » ? Et Manu ? 

Jean-Claude Kella : les deux se sont prêtés au « jeu » ils ont lu ensuite le roman et en sont satisfaits.
 
Paco : je dois admettre que votre livre est remarquablement bien écrit. D’une part, au niveau de la façon de raconter ce braquage, mais aussi au niveau des personnages, de leurs profondeurs, également le style d’écriture qui est brillant. Avez-vous l’âme d’un écrivain Jean-Claude Kella ?
 
Jean-Claude Kella : Non, pas du tout, j’écris sans aucune prétention littéraire, je suis un auteur qui prend son pied à écrire…

Paco : connaitre le milieu vous a aidé pour écrire ce livre ? Vous estimez que c’est essentiel ?
 
Jean-Claude Kella : bien sûr, on écrit bien que de ce que l’on connait.

Paco : l’avenir, pour vous, ressemble à quoi ? Quel est votre but à présent que vous êtes libre ?
 
Jean-Claude Kella : continuer à travailler, bien que j’approche les 70 printemps. Et, continuer à écrire, je suis sur un troisième bouquin qui intéresse mon éditeur…il paraitra l’année prochaine. Et moi qui avais horreur d’écrire des lettres…j’écris pratiquement tous les jours…

Paco : vous entretenir avec le flic que je suis, ça vous « dérange » d’un côté ? (Je me suis posé la question désolé :-) )
 
Jean-Claude Kella : non pas du tout j’ai toujours respecté les flics qui m’ont respecté.
 
Paco : dernière question, est-ce que vous allez encore nous écrire un bouquin ? Franchement, il faut répondre oui…

Jean-Claude Kella : je suis en train de le faire…

Paco : Jean-Claude Kella, je vous remercie infiniment d’avoir répondu à ces quelques questions. Je le répète encore, je trouve cela respectueux envers les personnes qui vous lisent.
 
Pascal, c’est moi qui vous remercie de prendre le temps de me lire. Bien des choses à vous aussi, ainsi qu’à mes lecteurs (ça me fait tout drôle quand je dis « mes lecteurs… ».