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20/12/2011

Entretien avec Marie Vindy

 Photo Jérôme Monneret marie_vindy.jpeg

A l’occasion de la publication sur un polar collectif de la chronique de son roman le sceau de l’ombre, publié aux éditions Krakoen, Marie Vindy a accepté de nous accorder un entretien, que voici !
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Jacques. Marie, pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, comment vous présenteriez-vous ?

Marie Vindy. J’ai bientôt 40 ans, je vis en province, à Dijon, avec mon mari et mes deux enfants… Une vie d’apparence ordinaire. D’apparence seulement, car ma vie intérieure est, au contraire, très mouvementée, puisque s’y côtoient en permanence les héros de mes romans.

J. Et si vous deviez vous présenter en énumérant trois de vos qualités et trois de vos défauts, que diriez-vous ?

M.V.  Sociable, généreuse et déterminée. Des défauts ? Têtue, secrète et égocentrique…

J. Quelle est la place de l’écriture dans votre vie ? Est-elle au centre, ou bien une activité parmi d’autres passions ?

M.V. Depuis douze ans, l’écriture est effectivement au centre de ma vie. Quand je ne travaille pas sur un roman, j’écris pour le quotidien de ma région… J’ai toujours un projet de livre en cours ou un texte à retravailler. Mais j’ai d’autres passions, tournées vers la vie : la famille, les amis, les animaux – les chevaux, en particulier- et la nature. Sans doute pour compenser l’univers en réalité assez difficile dans lequel je suis très souvent plongée.

J. Pourquoi avez-vous choisi le genre polar ? Quel est, selon vous, l'intérêt de ce genre littéraire ?

M.V. Je ne l’ai pas vraiment « choisi ». Je suis une lectrice de polars, c’est donc ce genre qui s’est imposé quand j’ai voulu écrire à mon tour. L’humanité se rejoue à l’infini dans les polars ou les romans noirs. Je crois qu’il n’y aura jamais assez de livres pour en faire le tour.

J. En lisant votre roman « le sceau de l’ombre », j’ai eu l’impression que vous accordiez une importance toute particulière aux personnages (qui même pour les personnages secondaires sont très fouillés), ainsi qu’à la création d’une certaine « atmosphère ».Est-ce le cas ?

M.V. Les personnages sont les piliers de mes intrigues. Qu’ils soient du côté des justiciers, policiers, enquêteurs, ou de celui des criminels, leurs personnalités sont déterminantes. Les personnages secondaires sont également très importants. Je veux que le lecteur se sente proches d’eux, et ils sont la base de ce qui rend le récit vraisemblable. L’atmosphère que l’on ressent vient du regard qu’eux-mêmes portent sur leur environnement.

J. Comment construisez-vous vos histoires ? Partez-vous d’un scénario très détaillé, chapitre après chapitre, qui vous permet ensuite de savoir exactement où vous allez ? Laissez-vous au contraire une grande part à l’improvisation pendant le cours de l’écriture ?

M.V. Je pars toujours des personnages. En général du ou des criminels, ils sont le moteur. Fouiller leur personnalité, leur psychologie va donner du sens à leurs actes. La scène de crime est le point de départ de presque tous mes romans. L’intrigue se met en place à partir de cette scène. C’est ensuite le regard et les déductions de l’enquêteur qui vont orienter le récit. Je ne fais donc pas de plan, pas de construction préétablie. Juste des personnages et une scène de crime. Je crois maîtriser mieux le suspens en fonctionnant de cette manière. Je dois toujours inventer, et j’installe des situations de manière inconsciente en fonction de ce que j’ai lu ou vu, que ce soit en littérature ou dans la réalité. En fait, j’écris l’histoire en même temps que l’enquêteur la vit, et je cherche la même chose que lui… Que s’est-il passé, que va-t-il se passer. Si je m’ennuie en écrivant, si je ne suis pas moi-même tenue en haleine, j’ai le sentiment que les lecteurs auront la même réaction…

J. Pour « le sceau de l’ombre », êtes-vous partie d’un fait divers réel ?

M.V. Je me suis plongée dans une importante documentation sur les tueurs en série français, à partir de laquelle j’ai construit le profil des assassins du « Sceau de l’ombre ». Il était important pour moi que les actes de ces criminels collent à leur psychologie. C’est un couple dont les deux membres tuent en ayant des motivations différentes, voire opposées. Ils devaient être crédibles, et plus encore. Il faut ressentir ce qu’eux, les criminels, ont ressenti. S’approcher de l’engrenage psychologique qui a rendu possible que l’un comme l’autre passe à l’acte et tuent.

J. Plus généralement, pensez-vous que le fait divers permet de mieux comprendre le fonctionnement de notre société ?

M.V. Un fait divers, c’est un disfonctionnement, un fait hors normes, qui vient déranger l’ordre habituel des choses. Lorsqu’il concerne les hommes, l’accident, l’incident, la violence ou le crime provoque un basculement de l’intime au social. Il y a le fait. Ce qui est plus important, c’est de comprendre, ou mieux encore analyser, ce qui a précédé ce fait. Ce que doit faire la société, qui est également chargé d’apporter réparation aux victimes. Que s’est-il passé et comment ça s’est passé ? Qui a fait quoi ? C’est bien ce que l’on cherche à savoir. C’est aussi le moteur du roman policier.

J. A la fin du roman, à l’issue du procès, Simon Carrière dit à la journaliste qui a parlé des meurtriers dans une émission télé:« Tout ça c’est de l’édulcoré, du fait divers pour grand-mère. Le public a une image préfabriquée des tueurs, elle est forcément fausse, elle est trop superficielle. Trop romantique ». Est-ce également votre point de vue ? Si oui, le polar est-il mieux placé que la télévision pour permettre une meilleure compréhension des phénomènes de société ?

M.V. Avant d’être mon point de vue, c’est déjà celui de Simon Carrière. En comparaison du drame dont il a été un des premiers témoins, très impliqué, une émission ne peut qu’être très éloignée de sa propre vision de l’affaire. En étant moi-même chroniqueuse judiciaire, je sais comment les médias auraient traité cette affaire. Ils n’auraient pas manqué de mettre en avant l’histoire d’amour. Or, Carrière n’est pas dupe, et il le dit : il n’y avait pas d’amour entre les deux assassins. Pour lui, il s’agit d’une histoire de violence, de pulsion morbide, pas d’amour… On peut comprendre ses sentiments. Il ne peut donc se satisfaire des comptes rendus des médias. Les faits sont décortiqués, certes, mais de l’origine de cette violence, que sait-on au juste ? Le roman policier est sans doute le support le plus à même de l’explorer. En utilisant la fiction, on peut dire plus de choses, on peut approcher l’inconscient de ce type de criminel, on peut leur donner une voix. Dans le roman, plus encore que dans un film, parce que la place laissé à l’introspection est plus importante et plus libre.

J. J’ai vu sur votre site (http://www.marievindy.com/ )qu’au mois de mars prochain votre cinquième roman allait sortir chez Fayard Noir : « une femme seule ». Retrouverons-nous l’attachant Simon Carrière dans ce nouveau roman ?

M.V. Simon Carrière revient dans « Nirvana transfert » paru en 2010 chez Krakoen. Ensuite, il prend quelques vacances !« Une femme seule » inaugure une nouvelle série de romans. Cette fois, l’enquêteur est un gendarme, et je vous livre la quatrième de couverture :

Un petit matin de janvier, au lieu-dit de L’Ermitage, Marianne Gil est réveillée par une pluie de coups frappés à sa porte. Son ami Joe a fait une macabre découverte : le corps sans vie d’une jeune fille sur la propriété. Ils préviennent aussitôt les autorités.
Le gendarme Francis Humbert, de la brigade de recherche de Chaumont, prend la tête des opérations. La victime a été étranglée, mais rien ne permet d’établir son identité. Qui est-elle ? Que faisait-elle en plein hiver dans les bois ?
Marianne vit cachée et porte un secret que ni le silence ni la solitude n’ont su consoler. Écrivain de renom, cette femme à la beauté sauvage dégage un charme trouble et une fragilité auxquels Humbert sent confusément qu’il ne peut résister. Divorcé, englué dans une vie de caserne qui ne lui convient plus, le gendarme va tout faire pour la protéger de son passé.