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28/04/2011

Le jaguar sur les toits, de François Arango

lejaguarsurlestoits.jpgUne chronique de Jacques

François Arango publie son premier roman aux éditions Métailié, une maison connue du grand public pour avoir publié le best-seller de Luis Sepúlveda, le vieux qui lisait des romans d’amour, et qui a créé une collection de romans noirs comptant une quinzaine de titres dans laquelle on trouve aussi bien Serge Quadruppani que Zelda Popkin ou le portugais João Aguia.

Le jaguar sur les toits mise délibérément sur l’exotisme et le dépaysement, puisqu’il nous fait  voyager dans le Mexique contemporain  tout en nous plongeant dans la grande tradition des Indiens aztèques et de leurs terrifiantes coutumes.

Les deux personnages principaux, le journaliste français Alexandre Gardel et l’anthropologue mexicaine à la beauté ravageuse Catarina Marin, sont confrontés à un meurtre d’une rare cruauté faisant appel aux meilleures et plus émoustillantes traditions des sacrifices des anciens aztèques. D’autres meurtres identiques vont suivre peu de temps après. Le but du jeu est clair : nos deux héros, aidés par une partie (celle qui n’est pas corrompue) de la police mexicaine, vont tenter d’élucider les raisons profondes de ces crimes en voyageant dans différentes parties du pays, depuis Mexico jusqu’à San Cristobal et le Chiapas, en résolvant au passage des mystères dont l’obscurité aurait effrayé Sherlock Holmes en personne.

Je me garderai de vous livrer la clé de l’énigme finale. Tout ce que je peux vous dire c’est qu’elle tourne autour de l’industrie pharmaceutique et des propriétés d’une certaine plante connue des Indiens depuis une époque fort reculée. L’essentiel du roman ne se situe pas là en effet, mais plutôt dans la façon dont François Arango va jusqu’au bout de son récit, de ses personnages et du suspense indispensable à ce type d’histoire.

Premier point : sans être bouleversante, l’écriture est habile et même plaisante. « L’œillade qu’elle lui décocha l’atteignit comme une gifle. Sèche et glaciale. Pourtant, ses yeux gris tempête étaient plus troublants que jamais. Gardel se dit que les yeux les plus beaux, chez une femme, étaient ceux de la tristesse ou de la colère, ce qui lui apparaissait comme un énorme gâchis.

Elle lui tendit la main sans un sourire. Une main longue et fine, où un chapelet de bagues en or faisait écho à la laque de ses ongles : rayon féminité, Catarina Marin avait passé la surmultipliée ».

De la même façon, l’intrigue est bien construite, amenée avec doigté et, comme souvent dans les thrillers bien faits, le suspense va croissant lorsqu’on approche de la fin du récit. Enfin, la documentation de François Arango sur les indiens Aztèques et le Mexique est fouillée, précise, intégrée avec habileté à l’histoire sans que le lecteur ait l’impression d’un placage artificiel et hâtif.

Avec toutes ces qualités, il est dommage que l’auteur se soit montré par moments si bavard, sans véritable nécessité narrative. Le suspense qu’il a cherché à créer aurait été amplifié si, à chaque page, des descriptions ou considérations inutilement longues ne venaient casser le rythme du roman : « à cette heure, une foule dense coulait dans les artères de Mexico, comme une hémorragie entraînant des millions de particules humaines. Il erra un long moment et dériva, sans trop savoir comment, jusqu’à l’avenue du 20 novembre. Là, une gargote proposait des jus de fruits à l’angle de San Jeronimo, comme un saint-bernard avec son tonneau. Son immense costume d’arlequin chatoyait sur un pan entier de mur, une explosion de taches multicolores et, en se rapprochant, autant de noms juteux inscrits à la craie : naranja, toronja, limoni… etc. ».

Non seulement ces longueurs jouent contre le suspense, mais elles agissent aussi sur les personnages et leur caractère, décrits à trop grands traits, sur leurs rapports qui auraient gagné à être plus approfondis. Ainsi, l’histoire d’amour qui mûrit entre Alexandre Gardel et Catarina Marin reste évoquée de façon superficielle au fil des pages, alors qu’elle aurait pu nous révéler une part de la vie intime de ces deux personnages qui les aurait rendus plus attachants, plus « vrais ».

Mais cette critique est presque secondaire si on considère le résultat final. François Arango nous livre là un premier roman bien construit, à la lecture plaisante, qui maintient le suspense, et dont l’histoire tient la route. Le journaliste Alexandre Gardel, a tout ce qu’il faut pour devenir un héros récurrent populaire si l’auteur le décide et s’il parvient à lui donner un peu plus de densité dans les romans qui vont suivre.

Un nouvel auteur à découvrir, donc. N’hésitez pas !

Jacques

Présentation de l'éditeur

Le cœur de l'homme d'affaires enlevé a été restitue a sa famille. Il a été arraché de sa poitrine selon la tradition des sacrifices aztèques, il est posé sur un socle portant le dessin d'une feuille mystérieuse. Des messages arrivent qui utilisent le calendrier aztèque et les vers d'un roi-poète pour annoncer les meurtres à venir. Des hommes politiques sont enlevés et sacrifiés. Le suspect boiteux porte le nom d'un botaniste mort depuis des siècles, les autorités du pays font preuve d'une mauvaise volonté manifeste... La police ne mettant pas toute l'énergie nécessaire à la résolution de ces énigmes, les recherches sont menées par un trio d'enquêteurs. Dans un gigantesque jeu de piste à travers la ville de Mexico et ses sites archéologiques, ils vont croiser un hippie spécialiste des plantes médicinales de la forêt lacandone, un vieil Américain qui dit avoir connu Zapata, et des Indiens qui ne vieillissent pas. Ce magnifique thriller qui plonge dans les racines de la culture mexicaine nous révèle les secrets de la mort programmée des cellules, parle de la nécessité de protéger les savoirs et les patrimoines botaniques indiens et nous fait vivre des aventures ébouriffantes sous la conduite d'un nouvel auteur, au style solide et brillant, fin connaisseur et amoureux du Mexique.

Le jaguar sur les toits
François Arango

Editeur : Editions Métailié (10 février 2011)

Collection : Noir
Prix : 19 €