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Entretien avec Janis Otsiemi

otsiemi2.jpg  Après avoir chroniqué African tabloïdle dernier roman de  l’écrivain gabonais Janis Otsiemi, Cassiopée a décidé de poser à celui-ci quelques questions sur son travail d’auteur de polars.

Vous trouverez  sur le collectif plusieurs chroniques sur Le chasseur de lucioles : celle de Cassiopée ; celle de Paul, celle de Christine ; celle de Paco.

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 Cassiopée.  Vous vivez et travaillez au Gabon et l'écriture n'est pas votre principale source de revenus. Pourquoi vous êtes vous mis à écrire? Vouliez-vous "célébrer" votre pays d'une autre façon?

 Janis Otsiemi. Je travaille à Libreville comme Assistant des ressources humaines dans une compagnie d’aviation d’affaires. Je crois que c’est la passion de l’écriture qui m’a poussé à écrire. J’ai commencé par lire les romans à l’eau de rose tels que les Harlequin et les romans-photos. Mais le texte qui m’a donné l’envie d’écrire est un poème de Lamartine, Le lac. Toutefois, j’ai découvert la littérature policière tardivement. Mais du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu l’envie de raconter des histoires, de coucher mes émotions, mes pensées, mes rêves sur le papier. D’ailleurs, je me considère plus comme un raconteur d’histoires qu’un écrivain. Dans mes romans, c’est la trajectoire des personnages qui m’intéresse le plus.

Libreville, la capitale du Gabon, est l’une des villes que je connais le plus et que j’adore beaucoup. Je ne pense pas vivre ailleurs un jour. C’est pourquoi je situe les intrigues de mes romans dans cette ville. Je ne sais pas si en le faisant, c’est une façon pour moi de célébrer mon pays mais je crois plutôt que c’est pour moi une manière de lui faire avouer ses propres tares telles que la corruption, le détournement des deniers publics ou le népotisme.

 Cassiopée.   Vous avez été reconnu écrivain dans votre pays (prix du roman gabonais), quand, comment et pourquoi vos romans ont-ils été édités en France? Etait ce un souhait de votre part?

 Janis Otsiemi.  Mes romans trouvent ici un accueil chaleureux. Et c’est très important pour moi d’être lu dans mon pays bien que j’édite mes romans en France. Au Gabon, il n’existe pas une industrie culturelle. On compte quelques éditeurs et libraires. Et la distribution est assez difficile. J’ai publié mon premier roman « Tous les chemins mènent à l’autre » en 2000 aux Editions Raponda Walker de Libreville. Quand j’ai décidé d’écrire des polars, j’ai été contraint de chercher un éditeur français car le polar est un genre peu connu au Gabon.

 Cassiopée.   Vos livres s'accompagnent d'un franc-parler du cru qui apporte un autre regard pour le lecteur qui se prend à sourire. Est-ce une façon pour vous de dédramatiser le propos ?

 Janis Otsiemi.  Il existe partout en Afrique un français parlé ou des expressions locales qui sont antipodes du français qu’on enseigne à l’école. Au Gabon, on appelle ces expressions locales les « gabonismes ». Je n’utilise pas ces gabonismes pour faire « couleur locale » comme on pourrait le penser. Bien au contraire, ces gabonismes sont le français que j’utilise tous les jours dans mes conversations au quartier comme au travail. Mais derrière cette utilisation des gabonisme se cache aussi une volonté de réfléchir et d’enrichir la langue française car l’avenir de cette langue se trouve en Afrique. On estime qu’en 2050, plus de 500 millions d’Africains parleront le français.

 Cassiopée.  Pensez-vous que vous prenez des risques avec vos écrits? Les situations évoquées ne risquent-elles pas de ressembler fort à certains événements de la vie à Libreville ?

 Janis Otsiemi.  Je n’ai jamais été inquiété pour mes romans. Mais j’aime bien être fidèle à la réalité que je décris dans romans. Aussi, il m’arrive souvent  de visiter  des commissariats de la ville pour voir comment travaillent les policiers. Pour écrire Le Chasseur de lucioles, je me suis rendu à la Gare routière, le plus gros bordel à ciel ouvert de Libreville, pour discuter avec des prostituées.

 Cassiopée.  Avez-vous des rituels d'écriture, un rythme qui vous est nécessaire pour trouver le bon équilibre?

 Janis Otsiemi.  J’écris le plus souvent la nuit. La journée, je suis pris par mes occupations professionnelles. J’écris toujours au stylo dans cahiers comme un écolier. J’aime l’odeur de l’encre et du papier.

Cassiopée
.  Pourquoi écrire des polars?

 Janis Otsiemi.  J’ai l’habitude de dire que je suis venu au polar par effraction car le premier roman que j’ai publié n’était pas un polar. C’était plutôt un récit sur le thème de l’altérité. Quand je l’ai fait lire à mes copains au quartier, ils ne s’y sont pas retrouvés car j’ai grand dans l’un de plus gros bidonvilles de Libreville. C’est comme ça que j’ai décidé d’écrire des polars pour faire plaisir à mes copains. Mais pour cela, il fallait que je lise des auteurs qui avaient écrit des romans policiers ou des polars. J’ai donc commencé par Agatha Christie, San Antonio, André Héléna, A.D.G…tous des auteurs dont en vendait des romans à même le sol dans la rue. Ensuite, j’ai découvert d’autres auteurs dont je me sens plus proche aujourd’hui tels que James Ellroy, Fajardie, Abass Ndione et bien d’autres.

Cassiopée
.   Si je vous demande de parler de Libreville en trois mots, lesquels choisissez-vous et pourquoi?

 Janis Otsiemi.  Trois mots caractérisent assez bien Libreville : cosmopolitisme, mer et soleil. Libreville est une ville constituées e plusieurs ethnies et nationalités. Sa côte est baignée par la mer et le soleil est toujours au rendez-vous. Mais c’est une ville mystérieuse qui ne se donne pas à voir au premier regard. Il faut aller à sa quête. Et c’est peut-être ce dernier attrait qui me fascine en elle.

 Cassiopée.  Avez-vous un autre roman en route?

 Janis Otsiemi.  J’ai pas mal de projets en ce moment. Des polars et des essais politiques aussi.


Cassiopée
.  Voulez vous partager autre chose avec nos lecteurs?

Janis Otsiemi.  On existe parce que les autres existent. Alors que serait un auteur sans ses lecteurs ?

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24/12/2013 | Lien permanent

African Tabloïd, de Janis Otsiemi

african_tabloid.jpgUne chronique de Cassiopée 

Janis Otsiemi est un auteur africain qui vit et travaille à Libreville. Il est donc en contact permanent avec cette ville qu’il décrit si bien dans son ambiance particulière.

S’il s’est inspiré de James Ellroy, pour le titre, toute ressemblance avec l’Amérique s’arrête là. Chacun son style !

Celui de Janis Otsiemi est percutant, pas de temps mort, pas d’analyse psychologique des personnages, beaucoup de dialogues et une atmosphère haute en couleurs. Quelques mots ou expressions sortis tout droit du pays (mais sans jamais forcer le trait) installent un climat de temps à autre débridé qui contrebalance la gravité du propos.

« Boukinda était un vrai Gabonais. Il pensait comme la plupart de ses compatriotes qu’un homme viril doit avoir une plantation et un jardin. Entendez par là, une femme légitime et un deuxième bureau* en cas de coup dur ». (*une maîtresse)

 Nous sommes donc au Gabon, dans la capitale, deux hommes de la direction générale de la recherche enquêtent sur le meurtre d’un journaliste (son corps a été trouvé sur la plage), bien connu pour les articles qu’il écrivait. Dans ses écrits il ne manquait pas d’« écorcher » le gouvernement. Parallèlement, les employés de la police judiciaire cherchent à retrouver un chauffard qui a causé la mort d’une femme et de son bébé, un pédophile qui attire les jeunes et belles collégiennes pour les filmer ainsi que toutes les affaires quotidiennes qu’il faut traiter vite et bien.

 Evidemment, toutes ces intrigues finiront par se croiser, s’entrecroiser et accessoirement se résoudre. Car ce n’est pas l’essentiel. Le récit de l’auteur nous montre le quotidien d’une police sans ordinateur, sans modernisme, obligée de prendre les moyens du bord (forcément plus lents) pour essayer de démêler les fils… Une pléthore d’individus qui fait avec les moyens du bord, qui sont, disons-le, un peu archaïques….

 Corruption, secrets plus ou moins bien gardés, misère sociale, trafic, insécurité, sont aussi des «membres » à part entière du texte, tout comme Libreville dont on sent la présence presque à chaque page.

L’auteur décrit les situations que nous suivons mais alimente aussi son propos de petits événements quotidiens nous permettant d’avoir un aperçu de la vie là-bas.

Les mœurs sont différentes de celles de la France et c’est surprenant parfois (notamment la place des maîtresses qui, je l’espère, n’est pas une généralité.)

 La plume de l’écrivain gabonais est abordable, fluide, agrémentée de nombreux dialogues qui donnent du mouvement. De plus, les événements s’enchainent très vite et tout cela est très vivant.

Les protagonistes sont à l’image du pays où ils vivent : parfois nonchalants, parfois vifs, mais attachants et attachés viscéralement à leur terre même s’ils leur arrivent d’exprimer d’autres envies. A ce sujet, Janis Otsiemi décrit avec finesse le pan politique qu’il a choisi de présenter.

 C’est un très bon roman et je trouve que l’auteur se bonifie avec le temps, le bon vin ou l’expérience ?

 Ayant lu « Le chasseur de lucioles » du même auteur, je me permets une parenthèse. Ce dernier roman est plus « sage » plus « posé » que « Le chasseur de lucioles ». Il y a moins d’argot et j’ai trouvé que le « dosage était meilleur ».

Janis Otsiemi manie toujours le verbe avec humour mais il semble assagi, à moins que le contexte, politique, mis en avant dans ce récit, lui ait imposé indirectement une certaine réserve.

 NB: pour sourire: "être aussi long que son crayon" ne signifie pas être grand et mince mais avoir fait des études universitaires...

 

Titre : African Tabloïd
Auteur : Janis Otsiemi
Éditeur : Jigal (Septembre 2013)
Collection : Polar
Nombre de pages : 208
ISBN : 979-1092016079

 

Quatrième de couverture

 Libreville. 2008. Un an avant les élections, un type est retrouvé mort sur une plage de Libreville, près du palais de la présidence de la République, une balle dans la gorge et deux doigts de la main gauche coupés.

La victime est un journaliste d'investigation connu pour ses enquêtes très sensibles sur le pouvoir dont il dénonçait la corruption et la main mise sur les affaires du pays.

Pour la corporation, la société civile et les associations de défense de la presse, il s'agit là, à l'évidence, d'un assassinat politique.

Mais à Libreville, comme partout ailleurs en Afrique, les apparences sont souvent trompeuses...


 

 

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14/10/2013 | Lien permanent

Le chasseur de lucioles, de Janis OTSIEMI

casseur_de_lucioles.jpgUne chronique de Cassiopée.

 Qui lira ce polar découvrira la sombre Afrique....

L’Afrique, le Gabon, Libreville, ce n'est pas seulement le soleil, une certaine nonchalance parfois doublée de volupté, une vie avec ses hauts et ses bas, ses riches et ses pauvres...

Non, l'Afrique, ce n'est pas seulement cela...

Il y a à Libreville, des hommes corrompus jusqu'au cou, des tricheurs, des menteurs, des violents, des conflits d’intérêt, des pots de vin...

Bon, d'accord mais dans d'autres pays aussi, alors à quoi bon lire ce roman ?

D'abord pour le style de l'auteur, langage imagé, proverbes (typiquement africains) jetés de ci, de là (et surtout en début de chapitre) : « Deux villages n’ont pas une fontaine commune », ironie mordante empêchant le lecteur de s’arrêter sur les scènes un peu plus difficiles. Il faut d’ailleurs remarquer que l’auteur ne s’appesantit aucunement dans les détails, ne donnant pas dans le « gore ». Il plante le décor, décrit les faits sans en rajouter. Son écriture est incisive, précise mais tempérée de pointes d’humour de façon régulière.

Ensuite, pour l'envers du décor, les enquêtes conjointes servant de prétextes pour explorer au plus profond une partie de la population, ses douleurs, ses faiblesses, ses problèmes, ses angoisses, ses peurs face au chômage, découvrant ainsi les ethnies qui se côtoient parfois avec difficulté, les personnes dont on ne sait pas si on peut leur faire confiance, leur donner plus parce qu’elles sont en situation irrégulière ou parce que leur comportement ne semble pas « clair » …. . Le tout dans une ambiance chaude, sableuse, poussiéreuse, aride, sèche … A tel point qu’on en vient à se demander si les faits ne pourraient pas être différents si l’air était moins lourd, si une légère brise soufflait … On dirait presque que la chaleur accentue le mal-être, étouffant toute possibilité de prendre du recul ….

Tout n'est pas rose (sans jeu de mot ;-) mais très sombre.

Chômage, corruption, propagation du SIDA, vivre sans papiers sont le lot quotidien de beaucoup plus de personnes qu'on ne l'imagine dans cette ville.

Quelquefois, il est plus facile de gagner l'équivalent de plusieurs mois de salaire avec un tout petit trafic qui ne fera pas forcément de vous un gros délinquant qu’en cherchant en vain une activité rémunérée… Comment résister à l’appât du gain ? Comment rester intègre ? La frontière est parfois bien mince...

Dès le début « on sait » (même pas besoin de lire les dernières pages) : un homme tue...Qu'est ce qui pousse un individu à basculer du jour au lendemain dans la sauvagerie, l'horreur et la barbarie ? Se dire que l'on n'a plus rien à perdre suffit-il à justifier l'inconcevable ?

J'aurais souhaité que les raisons qui ont poussé Georges à « passer de l'autre côté de la barrière » soient développées un peu plus même si on peut mettre ses actions sur le compte d’une certaine impulsivité accompagnée de colère.

Les personnages esquissés assez rapidement sont intéressants dans l’ensemble.

Georges qui aime la mer, aurait pu être attachant s’il n’avait pas commis l’irréparable. Les différents enquêteurs ont le mérite de vouloir comprendre, souhaiter aller plus loin que la simple découverte des fautifs. Ils essaient de comprendre les motivations pour mieux cerner les individus et de ce fait les arrêter.

Les dialogues sont vifs, alertes, écrits avec la « langue de là bas » ce qui nécessite de temps à autre une traduction en bas de page.

Une bonne lecture, un auteur qui se démarque par son style donc une excellente découverte.

Qui fermera ce polar aura un auteur de plus à mettre sur ses listes …

 

Cassiopée

 

A lire : une autre chronique sur ce roman, celle de Christine.

 

Le chasseur de lucioles
Janis OTSIEMI
Editions Jigal (Polar)
(et quelle très jolie première de couverture!!)
204 pages ; 16 euros

Présentation de l'éditeur

À Libreville, une prostituée est découverte sauvagement assassinée dans un motel de la périphérie. Les agents de la PJ - de fidèles abonnés des bordels de la capitale - pensent tout d'abord à un crime de rôdeur... Quand une seconde fille est retrouvée égorgée dans un autre hôtel du quartier, les policiers sont encore loin d'imaginer qu'ils ont affaire à un client bien décidé à nettoyer la ville de toutes ses lucioles... Celui qui te veut du mal la nuit a commencé à t'en vouloir le jour. C'est dans ce climat de psychose générale que les gendarmes de la DGR enquêtent de leur côté sur le braquage d'un fourgon de la Société Gabonaise de Sécurité dont le butin de plusieurs millions de francs CFA attise bien des appétits...

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25/03/2012 | Lien permanent

Le chasseur de lucioles, de Janis Otsiemi

casseur_de_lucioles.jpgUne chronique d'oncle Paul.

 Il me semble que, en premier lieu, je dois vous préciser ce qu’est une luciole. Contrairement à ce que vous pourriez penser, la luciole n’est pas un insecte, de son nom latin Lampyridae. Ce n’est pas non plus une chanteuse française, un personnage de manga ou encore le nom du service de transport circulant uniquement de nuit dans l’agglomération nantaise.

La luciole est une tuée-tuée, une katangaise, en parler imaginé local gabonais. En France, on dirait, si l’on veut faire montre de courtoisie, une respectueuse, une hétaïre, une courtisane, une fille de joie, une belle-de-nuit ou une belle-de-jour, une péripatéticienne, si on emprunte à la langue verte, une gagneuse, une tapineuse, une morue, une greluche, une pétasse, une horizontale, une catin, en un mot une prostituée. Le résultat est le même mais le prix diffère selon les appellations, c’est comme tout, le haut de gamme et le bas de gamme, le produit de marque, le produit distributeur et l’économique.

La découverte du corps d’une prostituée dans un motel de Libreville ne pourrait être qu’un incident mais la façon dont elle a été tuée pose de sérieux problèmes au capitaine Koumba et à son adjoint Owoula. La fille a été salement amochée et une bouteille sectionnée enfoncée dans son vagin. C’était, selon les informations recueillies auprès de ses consœurs, une free-lance, c’est-à-dire qu’elle n’avait aucun compte à rendre à un maquereau quelconque. Mais il est difficile de découvrir son identité car toutes se font appeler par des prénoms d’emprunt. Les deux hommes et les policiers affectés à l’enquête n’ont pas le bout d’un commencement de début de fragment d’embryon de petit peu de pas grand-chose de morceau de piste sur les motivations du tueur et par la même d’en définir le profil. D’autant que quelques jours plus tard, un deuxième meurtre est perpétré dans les mêmes conditions, dans un autre motel, puis un troisième. Ils établissent des recoupements et réussissent à mettre en évidence que toutes ces défuntes sont d’origine camerounaise. S’agirait-il d’une vengeance ethnique ? Ils ne sont pas loin d’envisager cette hypothèse. Toutefois cette avalanche de meurtres instille un début de panique, de psychose générale parmi la population locale.

Pendant ce temps, suite à la découverte d’un corps masculin sur la plage, la Direction Générale des Recherches est elle aussi confrontée à un autre problème. L’homme faisait partie de l’armée, il était en retraite, mais il trainait derrière lui une casserole, une affaire de vols d’armes dans laquelle il pourrait être impliqué. Un peu plus tard, un fourgon de transport de fonds est braqué, et une grosse somme d’argent est subtilisée. Boukinda et Envame, les enquêteurs, n’ont eux aussi guère de grain à moudre, sauf peut-être lorsque le corps d’un nommé Sisko est retrouvé quelques balles dans le corps, balles provenant d’une des armes volées. Il leur faut mettre quelques indics sur le coup, afin de retrouver les voleurs et surtout le butin.

Janis Otsiemi se plonge avec délices dans cette double enquête qui nous renvoie aux bons vieux polars français qui maniaient l’argot avec bonheur, mais également dans certains romans noirs américains écrits par les petits maîtres du genre. Mais il apporte sa touche personnelle en incluant maximes et aphorismes imagés en tête de chapitre ou dans le corps même du récit. Ainsi Si des chèvres lient amitié avec une panthère, tant pis pour elles. Mais Otsiemi ne se contente pas de narrer une histoire. Il montre du doigt des problèmes qui ne sont pas réservés au Gabon, mais à une grande partie des pays africains et que l’on pourrait étendre à l’Europe. Le Sida (Syndrome inventé pour décourager les amoureux) est présent. Autre thème encore plus réaliste qui suinte dans tous les esprits et se trouve à l’origine de bien des homicides : les rivalités ethniques. Le tribalisme doublé du népotisme, du clientélisme et de l’allégeance politique est ici un sport national, tout comme le football l’est au Brésil. Plus qu’une chasse aux sorcières, l’épuration ethnique est légion dans toute l’administration gabonaise. Certains ministères étaient même réputés être la propriété d’une certaine ethnie. Vive la république tribaliste !

Comment voulez-vous qu’un pays qui connait des divisions internes à cause de l’appartenance de certains à des peuplades différentes connaisse la paix intérieure et extérieure ? Et on pourrait étendre ces réflexions à des partis politiques qui placent leurs hommes liges aux postes clés indépendamment de leurs qualités. Sans oublier les dissensions religieuses qui pourrissent les relations entre les hommes.

A lire, du même auteur : La vie est un sale boulot et La bouche qui mange ne parle pas chez le même éditeur.

 

Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

 

Une autre chronique a été publiée sur ce roman. Celle-ci est de Christine.

Le chasseur de lucioles
Janis OTSIEMI
Editions Jigal (Polar)
(et quelle très jolie première de couverture!!)
204 pages ; 16 euros

Présentation de l'éditeur

À Libreville, une prostituée est découverte sauvagement assassinée dans un motel de la périphérie. Les agents de la PJ - de fidèles abonnés des bordels de la capitale - pensent tout d'abord à un crime de rôdeur... Quand une seconde fille est retrouvée égorgée dans un autre hôtel du quartier, les policiers sont encore loin d'imaginer qu'ils ont affaire à un client bien décidé à nettoyer la ville de toutes ses lucioles... Celui qui te veut du mal la nuit a commencé à t'en vouloir le jour. C'est dans ce climat de psychose générale que les gendarmes de la DGR enquêtent de leur côté sur le braquage d'un fourgon de la Société Gabonaise de Sécurité dont le butin de plusieurs millions de francs CFA attise bien des appétits...

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14/03/2012 | Lien permanent

Les voleurs de sexe, de Janis Otsiemi

les voleurs de sexe,janis otsiemi,Une chronique de Cassiopée.

 Une fiction ? Oui…mais….

 Vous voyez la couverture ? Le fond qui ressemble à un feu d’artifice avec au centre une zone plus sombre ?

Et bien, c’est l’écriture et le style de Janis Otsiemi.

 Les mots pétillent  comme autant de petites touches de couleur mais malgré tout, il ya une émergence sombre.  Pour faire vivre les mots, l’auteur manie la langue avec un doigté qui lui est propre. « L’homme écrit comme il est ». Et moi, j’aime imaginer Janis Otsiemi, habillé de façon assez neutre avec une touche de fantaisie qui relève l’ensemble. Ses livres sont des « polars ovnis » et l’on doit cette découverte aux éditions Jigal. Où les responsables vont-ils  les chercher ? Comment les rencontrent-ils ces écrivains qui sortent du lot et qui aiment à jouer avec les mots, les émotions et les situations, ces hommes qui aiment à surprendre le lecteur?

Libreville, le Gabon, il connaît Janis alors forcément, il sait de quoi il parle. La vie n’est y pas simple, les jeunes claquent très vite ce qu’ils gagnent de manière licite ou pas. Les policiers ne sont pas toujours nets et apprécient quelques petites magouilles pour arrondir les fins de mois. Et les hommes se doivent d’être virils …. sauf que, parfois une mauvaise rencontre et s’impose la chanson du grand Dick: « Il avait un tout petit z…. »mais on est en Afrique et là-bas, encore moins qu’ailleurs,  il ne faut pas perdre la face (enfin ce qui se trouve plus bas ;-)

Alors la police est en alerte pour comprendre comment fonctionnent les voleurs de sexe. Sauf qu’ils n’ont pas que ça à gérer et puis ce ne sont pas tous des « foudres de guerre »…

 Un accident de voiture a fait un mort. Jusque là, c’est triste mais que peut-on y faire ? Trois potes traînaient par là, plutôt désœuvrés alors ils ont regardé dans l’automobile et là, surprise un max de fric dans une mallette et des photos qui pourraient rapporter gros…pas tous d’accord sur le comment faire et avec qui négocier mais l’appât du gain l’emporte et « qui ne tente rien n’a rien » alors ils essaient d’en obtenir un maximum….  Dans un autre coin de la ville, trois autres « amis » préparent un braquage qui semble facile à gérer…

 Ça se sont les faits…. Au-delà des actes , de ce qui se déroule là bas, il y a toute la richesse de l’écriture de Janis Otsiemi avec ses « gabonismes »  (ah bon, ce mot n’existe pas ?)

« Comme quoi, quand les éléphants maigrissent, les gazelles meurent ».

 puis de l’atmosphère qu’il décrit, fait vivre comme une immense scène de vie sous nos yeux.

« Une heure plus tôt, le ciel avait vomi un torrent d’eau sur le quartier. Il se dégageait une odeur pestilentielle qui camembérait comme un œuf pourri. »

 Sur fond d’ambiance franc maçonnique avec le lot de secrets que ça suggère, les trois enquêtes se mêlent, s’entremêlent et nous pénétrons au cœur d’une ville, d’une population, qui, de temps à autre, exprime sa souffrance, même à mots couverts. Les jeunes qui ne savent pas quoi faire, qui tournent, boivent et jouent aux cartes en refaisant le monde. Ceux qui attendent, en vain, l’étincelle… Ceux qui ont déjà choisi la mauvaise solution.

 Janis Otsiemi  a fait sa place dans le monde des auteurs de romans policiers. Il ne doit rien à personne et aucune comparaison ne peut lui être attribuée. Il assume sa verve colorée, « fleurie », son phrasé qui détonne et surprend. Il apporte au lecteur un souffle d’originalité loin des clichés africains qui sont parfois légion. Il nous offre un autre regard, cru, réaliste mais « aimant » sur son pays.

  Les voleurs de sexe
Auteur : Janis Otsiemi
Éditions : Jigal (Septembre 2015)
Collection : Polar
200 Pages
ISBN 979-10-92016-48-2

 

Quatrième de couverture

 À Libreville, une folle rumeur envahit la ville et crée la psychose… Dans la rue, tout le monde marche les mains dans les poches en évitant soigneusement d’approcher des inconnus… Il semblerait en effet que d’une simple poignée de main, de louches individus détroussent les passants de leurs « bijoux de famille » ! On les appelle les voleurs de sexe… C’est dans cette atmosphère électrique que, parallèlement, les gendarmes de la Direction générale des recherches mènent leur enquête sur un trafic de photos compromettantes touchant le président de la République… De son côté, la police recherche activement les auteurs du braquage qui a mal tourné d’un homme d’affaires chinois, laissant trois morts sur le carreau… À Libreville, la vie n’est pas tous les jours un long fleuve tranquille

 

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25/09/2015 | Lien permanent

Le Chasseur de lucioles”, de Janis Otsiemi (chronique 2)

chasseur_de_lucioles.jpgUne chronique de Paco.

Avant d'ouvrir ce bouquin, je me suis un peu renseigné sur l'auteur. Dans les toutes grandes lignes - c'est bien de le préciser -, Janis Otsiemi est un écrivain né en 1976 à Franceville, au Gabon. Poète, essayiste et romancier, Janis Otsiemi s'est mis aux polars depuis quelques années et je dois admettre que c'est assez particulier de suivre un polar évoluant dans cette région d'Afrique.

On a plutôt l'habitude de suivre des enquêtes se développant en Europe, aux Etats-Unis - en Afrique du Sud même - mais au Gabon, franchement, j'ai été surpris! Je ne savais même pas que la police du Gabon avait des moyens techniques pour pallier à la criminalité. Et ce n'est pas étonnant, car ils ont en pas! Je charrie un peu, mais c'est pourtant bien le cas. Alors bien entendu, il faut compenser par d'autres moyens.

C'est à ce niveau-là que j'ai trouvé ce roman intéressant. Janis Otsiemi nous raconte son pays, nous immerge dans une ville dépravée, Libreville, la capital du Gabon, respectivement le chef-lieu de la province de l'Estuaire, où se trouve la grande partie de la population. Ce livre n'est pas qu'une intrigue policière, mais c'est aussi je pense, pour Janis Otsiemi, un très bon moyen de communication pour nous parler de sa région, la merde qui s'y trouve, le trafic qui s'y passe, la maladie qui ravage, la corruption et la perversion politique qui sévit sur le dos déjà bien cassé de la population. L'auteur nous fait défiler diverses images, diverses scènes de la société qui représentent son pays, et pas les plus belles. 

Je dis à ce niveau-là car en ce qui concerne l'intrigue en elle-même, bien qu'elle se tienne et qu'elle évolue d'une manière linéaire et logique, elle n'est pas forcément exceptionnelle. Moi qui apprécie les enquêtes qui sortent des sentiers battus (pas au sens propre du terme!), j'ai placé mon intérêt sur d'autres valeurs. Et ce roman en regorge, comme les personnages d’ailleurs. J'ai parlé de l'attrait positif du cadre, parlons à présent de l'écriture.

Janis Otsiemi écrit d'une manière franchement particulière. Il utilise un vocabulaire extrêmement riche en mots et expressions du cru, soit de son pays; c'est très exotique et parfois à mourir de rire ! Janis Otsiemi a une subtile maîtrise de la langue française, c'est indéniable. C'est frais, c'est très parlant, intelligent, franchement ça a de la gueule! Heureusement que l'auteur nous traduit (plus d'une centaine de fois quand même!) les mots et expressions qu'il utilise avec habilité et astuce. Bien des fois, il n'aurait même pas eu besoin de traduire tellement c'est parlant! 

"Après ce que vous venez de nous dire, mon commandant, nous partageons votre bouche..." traduction: être du même avis que lui.

"Pourtant Georges n'était pas un cascadeur." traduction: homme qui entretient des relations sexuelles avec plusieurs femmes.

"Ni avec l'une ni avec l'autre, il n'avait eu des relations sexuelles à balles réelles." traduction: sans préservatif.

"Lui et ses gars allaient chier dans la bouteille." traduction: passer un mauvais quart d'heure.

"Le colonel Essono était un emprofitosituationniste mais il n'était pas du genre à laisser camembérer une situation." traduction: ambitieux.

Deux affaires nous occupent dans ce polar. Le lieutenant Louis Boukinda et le sergent Hervé Envam, de la Direction Générale des Recherches, enquêtent sur la mort par balles d'un homme retrouvé sur une plage à Libreville. Un flic, un retraité qui semble avoir été  impliqué dans une affaire de vol d'armes commis à la Préfecture de police. L'affaire se gonfle lorsque les flics constatent que ces mêmes armes ont été utilisées pour l'attaque d'un fourgon blindé qui vient d'être perpétrée en pleine ville. Boukinda et Envam, flics consciencieux, se donnent corps et âmes pour cette affaire.

Parallèlement, des prostituées camerounaises sont sauvagement poignardées et écorchées dans des motels dégueu du quartier Nzeng-Ayong. Alors que la continuelle guéguerre des diverses ethnies gabonaises fait rage au sein même de l'administration, police y compris, la PJ s'organise pour retrouver l'auteur de ses abominations en série. Koumba et Owoula iront de leurs méthodes peu orthodoxes! Coincer un tueur en série... C'est quoi le mode d'emploi chef? J'exagère, mais pas trop!

Les moyens et mesures d'enquête n'ont pas grand chose à voir avec les méthodes que nous avons l'habitude de suivre par chez nous. Médecins légistes, police scientifique et ADN n'existent pas. Tout fonctionne au flair, à la connaissance de la rue, le milieu, les indics et le renseignement tout de même un peu hasardeux, parfois.

Une info, une simple rumeur, un bruit, un nom, et voilà un suspect. On le "travaille" un peu, quelques baffes d'abord, un peu de torture ensuite; si c'est le bon, il parlera de toute façon et avouera. Réglé. S'il n'avoue pas sous la contrainte, euh pardon! lors de l'interrogatoire je voulais dire, il sera clairement mis hors de cause et on pourra aller en chercher un autre. L'ex d'une des victimes de Nzeng-Ayong en fera d'ailleurs les frais! Voilà un peu ce que j'ai compris des procédures gabonaises; et je pense avoir bien compris! 

Mais voilà, toutes les pistes se fissurent sous le soleil aride du Gabon et ne mèneront malheureusement nulle part pour le moment.

Dans cette double intrigue, aucun secret pour le lecteur qui connaît dès le départ tous les acteurs qui défrayent cette chronique judiciaire et qui donnent tant de fil à retordre aux forces de l'ordre. L'auteur nous place dans les deux camps, ce qui nous permet de bien comprendre, en live, les causes, les intérêts, les enjeux, soit les motivations des protagonistes. Concernant les tueries en série, Janis Otsiemi, par les motivations de son personnages, nous donnera l'occasion de nous faire quelques réflexions. Vous comprendrez en lisant.  

Pas de très grandes surprises concernant l'intrigue, pas de grands rebondissements non plus, mais un contexte passionnant et, surtout, une écriture hors pair.

 

Bonne lecture. 

Paco (passions romans)

A lire : la chronique de Christine sur ce roman

Le chasseur de lucioles
Janis OTSIEMI
Editions Jigal (Polar)
204 pages ; 16 euros

Présentation de l'éditeur

À Libreville, une prostituée est découverte sauvagement assassinée dans un motel de la périphérie. Les agents de la PJ - de fidèles abonnés des bordels de la capitale - pensent tout d'abord à un crime de rôdeur... Quand une seconde fille est retrouvée égorgée dans un autre hôtel du quartier, les policiers sont encore loin d'imaginer qu'ils ont affaire à un client bien décidé à nettoyer la ville de toutes ses lucioles... Celui qui te veut du mal la nuit a commencé à t'en vouloir le jour. C'est dans ce climat de psychose générale que les gendarmes de la DGR enquêtent de leur côté sur le braquage d'un fourgon de la Société Gabonaise de Sécurité dont le butin de plusieurs millions de francs CFA attise bien des appétits...

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03/10/2012 | Lien permanent

Le chasseur de lucioles, de Janis Otsiemi (chronique 1)

casseur_de_lucioles.jpgUne chronique de Christine

Les femmes sont nombreuses dans le paysage polardeux.
En tant qu’auteurs *, en tant que lectrices.
Et en tant que personnages.
Que de femmes fatales, d’intrigantes. De beautés vénéneuses ou naïves. D’enquêtrices, de journalistes, d’espionnes ou de femmes comme vous et moi. Enfin... quand je dis « vous », vous comprenez ce que je veux dire.
Toutes mes excuses par avance aux individus de sexe masculin s’ils se sentent exclus. Mais je sais que mes amis, les vrais, ne m’en voudront pas.

Et puis, il y a les victimes.
Aujourd’hui, 8 mars, journée de la Femme.
Ce sera pour moi « la journée des lucioles ».

Au décès d’un chien, la chèvre ne porte pas le deuil… **

Nous sommes à Libreville, au Gabon. On découvre le cadavre d’un ancien policier. Crime crapuleux ? À moins que ce ne soit en rapport avec un important vol d’armes, non élucidé, lorsqu’il était encore tout récemment en poste à la Préfecture de police ?
En parallèle, des prostituées (ou de leur joli surnom : des lucioles) sont sauvagement assassinées. Puis mutilées. Ce sont plusieurs cadavres que l’on trouve, de semaine en semaine, dans des hôtels de passe des quartiers chauds de la ville.
Et puis nous avons, comme dans toute grande ville, quelques malfrats. Petits caïds roulant des mécanique ou truands beaucoup plus dangereux. L’un d’eux, Sisco, a vraiment sale réputation. Champion des coups tordus, malhonnête même avec ses partenaires. Et muet quant à la provenance des armes qu’il compte utiliser pour son prochain braquage.

Sur le terrain, plusieurs équipes d’enquêteurs afin d’élucider toutes ces affaires.
Les différentes enquêtes finiront par se croiser.
Mais est-ce que justice et honnêteté feront bon ménage ?
Rien n’est moins sûr…

Une seule dent pourrie empeste la bouche… **

Il y a, à la base, une trame classique de vols et de meurtres. Puis le lecteur se fait très rapidement une idée à propos de l’identité des coupables. Mais alors, me direz-vous en écarquillant les yeux, pourquoi poursuivre la lecture ?
Parce que justement, l’intérêt se niche ailleurs que dans une « simple » enquête. Celle-ci ne sert que de prétexte à l’auteur pour attirer notre attention sur tout autre chose.
Sur les personnages, sur leur parcours, leur moralité ou absence de moralité, sur leur vie.
Sur une ville peuplée de nombreux habitants venus de pays frontaliers pour tenter de mieux vivre.

Janis Otsiemi brosse le tableau d’un pays gangréné par la corruption, où petites débrouilles pour survivre riment souvent avec magouilles plus ou moins violentes, où certains fléaux tels que le SIDA pèsent sur toutes les têtes, pouvant pousser au désespoir.

Il le fait d’une plume alerte, lapidaire et savoureuse, sans une trace de misérabilisme, mais sans concession non plus. De même que la littérature nordique nous a fait plonger ailleurs que dans des fjords limpides et sereins, ce roman nous immerge dans une Afrique bien loin des cartes postales et des clichés.

Un roman noir - parce que misère et criminalité sont universelles - et pourtant coloré, exotique, dépaysant, d’un auteur à découvrir.

_______________________________

* Non, non, et non, je ne mettrai pas de « e ». Le talent n’a pas de sexe, et je préfère les combats contre les violences faites aux femmes, à un ajout de voyelle qui ne fait pas avancer le débat d’un micron. Et puis c’est tout !

** Deux des nombreux proverbes gabonais à découvrir en tête des chapitres de ce roman.

Christine, (Blog : Bibliofractale )

 

A lire : la chronique de Paco sur ce roman.

 Le chasseur de lucioles
Janis OTSIEMI
Editions Jigal (Polar)
(et quelle très jolie première de couverture!!)
204 pages ; 16 euros

 Présentation de l'éditeur

À Libreville, une prostituée est découverte sauvagement assassinée dans un motel de la périphérie. Les agents de la PJ - de fidèles abonnés des bordels de la capitale - pensent tout d'abord à un crime de rôdeur... Quand une seconde fille est retrouvée égorgée dans un autre hôtel du quartier, les policiers sont encore loin d'imaginer qu'ils ont affaire à un client bien décidé à nettoyer la ville de toutes ses lucioles... Celui qui te veut du mal la nuit a commencé à t'en vouloir le jour. C'est dans ce climat de psychose générale que les gendarmes de la DGR enquêtent de leur côté sur le braquage d'un fourgon de la Société Gabonaise de Sécurité dont le butin de plusieurs millions de francs CFA attise bien des appétits...

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08/03/2012 | Lien permanent

Le festin de l’Aube, de Janis Otsiemi

le_festin_de_l_aube.jpgUne chronique de Cassiopée

Qui lit un bon Otsiemi découvre le Gabon et sa vie….

Ce n’est pas le premier titre de Janis Otsiemi que je découvre aux éditions Jigal mais c’est pour moi le meilleur de cet auteur. Assez court (peut-être que les dernières pages auraient mérité un peu plus de développement), percutant, il vous fait, une nouvelle fois, découvrir un pan de l’Afrique et plus précisément le Gabon.

Avec pour l’immersion humoristique, une citation africaine en exergue de chaque chapitre,  Janis Otsiemi nous emmène à sa suite dans un coin qu’il connaît bien. Il gratte, l’air de rien, les politiques, les policiers, les militaires mais tout est fait sous couvert de l’intrigue et il n’est, évidemment, pas question d’y voir une quelconque similitude … quoique …..

C’est après un mariage copieusement arrosé que le lieutenant Boukinda et son épouse rentrent chez eux, sous une pluie battante, les sens un peu embrumés par les excès de la fête.  Les voilà pas loin d’une zone industrielle lorsque quelque chose heurte les roues de leur voiture. Grommelant, Boukinda sort sous l’averse voir de quoi il retourne. Une désagréable surprise l’attend : une jeune femme blessée. Avec sa chère et tendre, ils vont à l’hôpital où ils confient l’accidentée aux bons soins des médecins. Tout cela les a déstabilisés et ils ne sont pas au mieux de leur forme moralement.  D’autant plus que le lendemain, ils apprennent que la blessée est décédée dans des circonstances mystérieuses et particulières. Pas très loin de là, des armes sont volées dans un camp militaire ainsi qu’un gros stock d’explosifs… Aucun rapport, en apparence, entre ces événements, si ce n’est que les enquêteurs (d’un côté la police, de l’autre la gendarmerie)  ne comprennent pas ce qu’il s’est passé et pourquoi de tels faits.  Qu’est-ce qu’il se prépare dans l’ombre ? qui fomente des troubles ou de mauvais coups ? Qui agit dans l’ombre  pour ou contre le pouvoir en place ?

Avec un franc parler délicieux,
« Koumba se leva pour serrer l’os à ses hôtes avant de leur désigner deux sièges dans lesquels ils posèrent leurs croupions. »
émaillé de quelques expressions ou mots gabonais, l’auteur ne nous laisse pas souffler. Les différents protagonistes agissent, cherchent, fuient, mentent, trichent etc mais ne restent pas inactifs. Pendant ce temps, le lecteur, lui tourne les pages et ne s’ennuie pas. Pourtant, cette histoire, sur fond de période pré électorale, est sombre, triste parfois, douloureuse pour quelques uns. On sent la guerre des clans, les problèmes d’ethnies, les difficultés pour trouver du travail (et de ce fait, les dérives et petites magouilles), la volonté pour certains de trouver la vérité mais pour d’autres de ne pas tout remuer …  d’ailleurs, le ministre, lui, souhaite le moins de vagues possibles… Alors si tout cela pouvait se régler en douceur, vite et bien et surtout se faire oublier….

 Tout ceci est évoqué avec finesse par celui qui est en train de devenir un excellent écrivain. Depuis ses premiers textes, son écriture a gagné en élégance, en modération. Son phrasé me semble plus posé, moins explosé et de ce fait encore plus porteur de sens … Il pose un regard teinté d’une forme de sagesse sur son pays et il faut lire entre les lignes tous les messages qu’il nous transmet sur son pays où la vie est loin d’être idyllique….  En lisant ses romans, nous nous imprégnons de l’atmosphère de Libreville, des images et des sons surgissent, des odeurs, donnant vie aux actions qui se dévoilent petit à petit à la manière d’un film qui se mettrait à exister sous nos yeux …..

Le festin de l’Aube
Auteur : Janis Otsiemi
Editions :  Jigal  (Mars 2018)
ISBN : 978-2-37722-031-1
272 pages

Quatrième de couverture

En pleine nuit et sous une pluie tropicale, une femme surgie de nulle part vient se jeter sous les roues de la voiture du lieutenant Boukinda. Bouleversé par ce tragique accident, il veut savoir d’où sort cette inconnue, d’autant que son décès semble suspect… Au même moment, à quelques kilomètres de là, plusieurs individus pénètrent dans un camp militaire et s’emparent de nombreuses armes et d’un stock d’explosifs.

 

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30/04/2018 | Lien permanent

Yeruldelgger, de Ian Manook

9782226251947g[1].jpgUne chronique de Jacques.

Le polar, phénomène quasi mondial, permet mieux que d’autres genres littéraires d’appréhender les cultures, les sensibilités et les problèmes sociaux et politiques des différents pays du monde, tout en nous offrant un dépaysement et un exotisme qui sont une valeur ajoutée incontestable au plaisir que peut procurer un bon roman. Entre Johan Theorin et Janis Otsiemi, entre la Suède et le Gabon, l’amateur de polars vit avec bonheur un grand écart intellectuel et littéraire qui le fait naviguer imaginairement entre le Gabon et la Suède, tout comme il peut voyager entre l’Écosse et la Chine en passant de Ian Rankin à He Jiahong. Et quand la qualité de l’écriture est au rendez-vous, cette incroyable diversité n’est que du bonheur pour le lecteur.

Avec son Yeruldegger, dont la qualité de l’écriture est indiscutable, Ian Manook nous entraine lui aussi dans un univers mal connu de la majorité des lecteurs français : la Mongolie. Entre Oulan-Bator et les steppes sauvages et lointaines, il semble si bien connaître la géographie, la culture, les mœurs, les traditions ancestrales et même les problèmes politiques de ce pays que l’on pourrait croire que le roman a été écrit par un véritable Mongol. C’est le premier tour de force de l’auteur (qui est français)... mais pas le seul, comme nous allons le voir.

Yeruldelgger est le nom du héros, un flic d’Oulan-Bator envoyé loin de la capitale pour démarrer une enquête qui semble, au départ, d’une importance secondaire : une main d’enfant a été découverte dans un coin perdu de la steppe par des nomades. Cette enquête il va la mener en parallèle avec une autre, sanglante : l’assassinat de trois Chinois et de deux prostituées dans la banlieue de la capitale. Les deux enquêtes semblent sans lien apparent, mais est-ce vraiment le cas ?

Yeruldegger est un personnage hors du commun. Pleinement inscrit dans la modernité, il est confronté à travers son métier aux aspects les plus troubles et les plus violents de la vie de son pays qui, après l’éclatement de l’URSS, subit maintenant d’autres influences, en particulier chinoises et coréennes. Il manifeste aussi la volonté de conserver les traditions mongoles millénaires, sans doute liées à l’éducation qu’il a reçue dans un monastère bouddhiste. Il est aussi un homme brisé par la folie dans laquelle sa femme a sombré après l’assassinat de leur fille quelques années plus tôt, et reste hanté par la culpabilité de n’avoir pu la protéger.

Les différents personnages, y compris secondaires, sont aussi forts qu’originaux, aussi riches que complexes. Yeruldegger en tout premier, naturellement. Mais aussi son amie Oyun, la policière qui va mener l’enquête avec lui. Ou encore son beau-père, le richissime et puissant Erdenbat, redoutable manipulateur qui corrompt les flics comme les hommes politiques pour parvenir à ses fins. Ou bien sa fille ainée Saraa, qui le provoque constamment et le déteste, car elle estime qu’il est responsable de la mort de sa sœur, Kushi. Ou enfin Solongo, la jeune femme médecin légiste qui est amoureuse de lui et auprès de qui il va tenter de retrouver une vie affective.

Mais les personnages ne sont pas la seule qualité de ce roman, loin de là ! L’intrigue policière va se révéler être d’une redoutable complexité, en lien avec la géopolitique (relations entre la Mongolie et la Chine ou la Corée), mettant en évidence des intérêts économiques puissants à travers la découverte de certaines terres rares qui permettent d’extraire des Lanthanides (praséodymes, néodymes...) de plus en plus utilisés dans certains composants électroniques. Ceux-ci constituent un atout majeur pour les pays producteurs, peu nombreux dans le monde, et sont source d’une richesse potentielle énorme... et donc de convoitises diverses.

Un autre aspect du roman qui rend sa lecture passionnante, c’est la représentation, à travers certains des personnages du roman, de la culture traditionnelle mongole. Nous voyons comment celle-ci cohabite avec la modernité d’une façon parfois baroque. Ainsi, Yeruldegger arrivant en pleine steppe chez les nomades qui ont découvert le corps enterré de la petite fille s’entend-il expliquer qu’ils ont remis le corps en place en attendant l’arrivée de la police pour ne pas « bouleverser la scène de crime », comme ils l’ont vu faire dans la série télé américaine les experts de Miami qu’ils regardent régulièrement dans leur yourte.

Enfin, l’écriture de Ian Manook a une force et une précision, une intensité, qui lui permet d’être à l’aise dans les scènes d’action comme dans les descriptions de la steppe et des quartiers mal famés d’Oulan-Bator, ou dans les scènes plus intimistes que sont les moments d’introspection de Yeruldegger. Une écriture qui n’est pas non plus dépourvue d’un lyrisme qui sonne juste, dans des passages où celui-ci est le bienvenu :

« Yeruldelgger eut soudain le sentiment étrange que le vieil homme n’était plus avec eux. Il était juste là, comme la steppe, comme les collines à l’horizon, les rochers épars et le vent qui les érodait depuis des millions d’années. Le petit vieux n’était plus un homme, c’était un roc. Plein. Dense. Solide. Chacun s’était arrêté et demeurait immobile dans l’attente de quelque chose, mais lui ne bougeait pas. Le temps semblait suspendu. Puis une brise les frôla, se glissa entre eux, chahuta les herbes bleues, et s’enfuit soudain dans un galop joyeux sur la steppe. Yeruldegger reçut comme un coup au cœur toute cette liberté de la plaine sauvage aux herbes irisées où couraient des chevaux fous. Quand il sentit la main du petit vieux sur sa manche, ce fut comme s’il tombait d’un rêve ».

Avec Yeruldegger, les éditions Albin-Michel nous permettent de découvrir un très grand auteur, qui nous livre là un premier roman d’une exceptionnelle qualité. Le livre se termine sur un point d’interrogation, ce qui nous permet d’attendre (avec impatience !) le deuxième volet de cette série éponyme que nous promet l’éditeur. 

Je ne prends pas trop de risque en vous disant que nous allons entendre parler de Ian Manook dans les mois et les années à venir !

Jacques, lectures et chroniques

 

Yeruldelgger
Ian Manook
Éditions Albin-Michel (octobre 2013)
400  pages ; 22 €

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19/12/2013 | Lien permanent

Entretien avec Jimmy Gallier

Depuis 1989, date de sa création, les éditions JIGAL ont permis la découverte de nombreux auteurs de polars ou romans noirs. Cassiopée a posé quelques questions à Jimmy Gallier, le fondateur de JIGAL.

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Bonjour Jimmy et merci d’accepter de répondre aux questions du blog « Un polar Collectif ». Je me suis promis de ne pas tomber dans les questions classiques mais il y en aura malgré tout quelques unes ;-)

J’ai lu qu’au départ « Jigal », c’était d’abord la musique et que les livres étaient venus par la suite. Mais la création a été faite à deux alors…

Jimmy Gallier
jimmy_gallier.jpgOui, nous avons tout d’abord édité pendant une vingtaine d’années Le Guide de la Musique, le guide annuaire de tous les professionnels du show-biz et du spectacle. Une véritable bible. Puis en 1998 nous avons eu envie de changer, de passer à autre chose, de nous lancer dans une nouvelle aventure. C’est comme ça que Jigal Polar a démarré.

  • Pourquoi JIGAL comme le début de Jimmy et Gallier ?
  • Exact !
  • Brainstorming ?
  • Oui, un brainstorming qui a mal tourné ;-) 
  • Vous dites recevoir plus de cinquante manuscrits par mois, combien de personnes se consacrent à ces lectures ? 
  • Combien de personne ? Pas assez ;-) Mais, hormis le fait que nos réponses aux auteurs prennent parfois un peu de temps, nous lisons tous les manuscrits. Même si nous ne les lisons pas tous en entier. En effet, l’expérience, l’habitude, et le reste, font que nous avons très vite une sensation sur notre lecture. C’est un ressenti personnel, subjectif. Mais il y a la ligne éditoriale, il y le feeling, il y a le plaisir, il y a ce petit « truc » qui doit être présent dans le roman. N’importe quoi, mais quelque chose qui va le faire se démarquer !  Un style, une intrigue, des personnages, du sens… Ceci dit, publier un premier roman, un nouvel auteur reste toujours un pari. A-t-on eu raison – nous ne sommes d’ailleurs pas toujours d’accord  ­–  de faire ce choix ? Les lecteurs seront-ils au rendez-vous ? C’est à chaque fois une nouvelle partie de poker !
  • Connaissez-vous, de visu, tous les auteurs que vous éditez ?
  • Pour certains d’entre eux, Janis Otsiemi par exemple, il s’est passé quelques années avant que nous ne nous croisions in real life. Mais mail, internet et réseaux sociaux ont révolutionné les rapports. Et heureusement. Ça permet non seulement de gagner du temps, mais aussi de travailler facilement à distance sans aucun problème.
  • Pensez-vous que le polar français gagne à être connu par rapport à certains grands noms américains ? (moi, j’ai ma petite idée) ;-)
  • Incontestablement OUI, bien sûr. Et il ne s’agit pas d’opposer d’un côté la littérature américaine et de l’autre la littérature française, les deux nous ont nourris, elles ont leur importance et leurs auteurs phares. Chez Jigal, nous essayons de faire un pas de côté, de lire, de faire lire et de publier hors des sentiers battus. De montrer justement qu’il y a des auteurs – encore inconnus – qui méritent le détour, qui écrivent, ont des choses à dire et le disent bien ! Il y en a comme ça, pas mal dans notre catalogue que nous sommes très heureux d’avoir découverts, des auteurs qui font aujourd’hui partie du paysage littéraire du polar français et sont souvent sur les podiums des prix littéraires. C’est bon signe !
  • Votre équipe et vous êtes experts en communication : mails qui donnent envie de lire, nombreux services presse, bandeaux accrocheurs « juste ce qu’il faut », site internet au top, photos de premières de couverture bien ciblées…comment faites-vous ?
  • Avoir eu plusieurs vies peut parfois aider, et même des années après ! Il se fait que j’ai été attaché de presse dans une autre vie, je me suis occupé de nombreux artistes et c’est sans doute là que j’ai puisé quelques tics !
  • Est-ce que vous pensez qu’une bonne communication, ce sont des lecteurs en  plus ou une bonne communication montre que l’on fait les choses avec passion donc on a envie de vous suivre (en tant qu’auteur, libraire, lecteur ou autre) ?
  • Avant de pouvoir communiquer, il faut avoir le « support », l’écrit de l’auteur en l’occurrence. C’est là que tout commence, dans cette recherche de « perles de littérature noire ». Ensuite, et bien sûr, il faut y mettre le paquet, mais c’est plus « facile » si on défend un roman auquel on croit, un polar qui nous semble au-dessus de la mêlée. Et puis quand on fait le choix d’être éditeur indépendant, il vaut mieux être motivé et savoir donner envie ! Tout ça se fait sur la distance, il faut du temps, de l’énergie, de la passion, de la constance et des bons romans !
  • Pensez-vous que votre ancien métier de professeur de musique vous influence lorsque vous lisez ? Il y a quelques uns de vos auteurs qui ont une play-list avec leur roman, d’autres où la musique accompagne les personnages…
  • La musique et la littérature m’ont toujours accompagné, quelles que que soient les circonstances. Alors est-ce que cela a eu une influence sur nos choix littéraires ? Je ne sais pas… C’est peut-être une histoire de génération biberonnée au rock’n’roll.
  • Si je vous dis « poésie », vous me dites ????
  • La poésie est partout, dans un texte, une musique, un plat gastronomique, une relation ou un coucher de soleil !
  • Si vous deviez sauver un mot, lequel et pourquoi ?
  • Il y en a beaucoup… Un seul ? La curiosité. Parce que c’est elle qui nous fait découvrir et ouvrir d’autres portes !
  • Qu’est-ce qui caractérise une bonne chronique littéraire selon vous ?
  • Une bonne chronique, à mon sens, c’est celle qui donne envie de lire, qui provoque la curiosité, qui a « saisi » le propos de l’auteur, qui n’en dit pas trop, mais met en exergue les quelques mots indispensables qui vont réveiller l’envie chez le lecteur ! Et si en plus elle est bien écrite, c’est la cerise sur le gâteau !
  • Où puisez-vous la passion qui vous anime ?
  • Ça doit être un karma ;-) Mais aussi une nécessité absolue pour faire vivre et connaître une entreprise indépendante comme Jigal. Pour être entendu, dans le noir, il faut parfois « crier » plus fort ! ;-)
  • Merci d’avoir accepté de répondre à mes questions !
  • You are welcome
  • Je tiens à vous remercier de nous permettre de découvrir des auteurs qui ont vraiment quelque chose à dire, à écrire, à transmettre…merci pour les pépites littéraires partagées !
  • Merci à toi, à Jacques... et aux lecteurs !

 

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21/11/2018 | Lien permanent

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