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07/04/2016

Hors cadre, de Stefan Ahnhem

hors_cadre.jpgUne chronique de Jacques

Stefan Ahnhem, un nouvel auteur suédois pour les polardeux

Vous souvenez-vous de votre classe de 3ème et de tout ce que vous avez fait cette année-là ? De la jolie Lina, dont vous aviez le béguin et qui vous avait préféré Jörgen, un jeune m’as-tu-vu brutal et antipathique ?  L’inspecteur Fabian Risk s’en souvient bien, lui : c’était sa classe. Juste au moment où il vient d’être nommé à Helsingborg, une petite ville proche de la frontière avec le Danemark, il apprend que le corps mutilé de Jörgen vient d’être retrouvé et une photo de classe placée près de son corps, sur laquelle son visage a été barré. Un peu plus tard, un autre corps mutilé est retrouvé, à l’époque l’homme se trouvait lui aussi dans la même classe. D’autres anciens élèves risquent-ils de connaitre le même sort ? Et pourquoi pas Fabian Risk ?

Avant de poursuivre, je dois vous avouer que j’ai une inclination particulière pour les écrivains scandinaves. Non que je les aime tous, mais certains d’entre eux, ceux que j’apprécie particulièrement, sont capables de créer une atmosphère faite de réserve et d’intimité liée à une intériorité de leurs personnages qui m’enchante, sans que je sache trop pourquoi (y a-t-il un psy dans la salle ?). Et puis, il y a dans ces sociétés nordiques des rapports femmes/hommes plus égalitaires et moins machistes qu’en France. Cette différence culturelle rafraichissante trouve naturellement sa traduction dans les relations entre les personnages, et ce décalage avec notre société me plait bien.  

Bref, tout ça pour dire que lorsque j’ai découvert ce roman de Stefan Ahnhem, un auteur que je ne pouvais pas connaitre puisqu’il s’agit là de son premier roman, et quand j’ai vu qu’il était suédois, ce préjugé favorable s’est imposé à moi sans que je tente de raison garder. Un (très vilain) préjugé entretenu et confirmé par l’ambiance lourde et la tension dramatique créée l’auteur dès les premières pages.

Fabian Risk va, pour les besoins de l’enquête, plonger dans son passé et tenter de démêler les liens  complexes et les non-dits qui peuvent empoisonner les rapports entre les élèves, les profs et les parents. La vérité des meurtres se trouve-t-elle là ? On peut raisonnablement le penser, et l’enquêteur, qui est encore en vacances, semble bien placé pour faire avancer officieusement les recherches avec la bénédiction de sa chef, Astrid Tuvesson, recherches qui vont se concentrer sur les élèves survivants de la classe de 3ème et faire de chacun d’eux un suspect potentiel. Ce procédé, classique depuis le célèbre dix petits nègres d’Agatha Christie, est traité ici de façon fort contemporaine, l’auteur veillant à faire de Fabian Risk un personnage suffisamment complexe pour intéresser le lecteur. L’obsession qu’il entretient vis-à-vis de son travail n’est pas sans rappeler celle du personnage de Wallander créé par Mankell (Ahnhem a d’ailleurs été scénariste de la série télé Wallander). Les difficultés de son couple, dont il est largement responsable, ainsi que son incapacité à établir des relations avec son ado de fils, le rendent souvent agaçant, mais l’auteur parvient par la grâce de son écriture et son sens aigu de la narration à susciter chez le lecteur une empathie progressive avec lui. Au fur et à mesure que l’intrigue se dénoue, comme par une sorte de compensation, l’intensité du suspense va croissant pour devenir, selon le bon vieux cliché, carrément insoutenable dans les dernières pages. Les amateurs (j’en fais partie) seront servis !

Au total, Stefan Ahnhem nous propose un polar classique qui, s’il ne bouleverse pas les codes du genre, est  maitrisé dans son écriture, son intrigue et ses personnages : un premier roman parfaitement réussi, qui en appelle d’autres.

Hors cadre
Stefan Ahnhem
Éditions Albin-Michel (avril 2016)
576 pages