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16/10/2014

Entretien avec Amadeo Alcacer.

alcacer1.jpgAprès avoir chroniqué son roman L’alicanto, Cassiopée a souhaité avoir un entretien avec Amadeo Alcacer.

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 Cassiopée.  Vous avez un parcours atypique, pensez-vous que cela a joué un rôle dans votre souhait de passer à l'écriture? Pourquoi avoir commencé par un roman policier, dans un pays lointain? 

Amadeo Alcacer. Le coté atypique que vous décrivez est lié aux habitudes de mes parents qui n'avaient pas la possibilité de s'ouvrir à ces champs vastes qui sont ceux de la culture générale. Mon père travaillait 17 heures par jour et ma mère était gardienne d'immeuble. Le temps consacré aux loisirs était donc bien mince. Originaires des Balkans, d'un pays qui n'existe plus, nous avons toujours vécu en vase clos. En primaire, durant les premières années, je me souviens m'être exprimé avec un fort accent que j'ai perdu depuis. Mon enfance fut donc solitaire et ma découverte de la  littérature classique fut tardive. J'étais un mauvais élève mais j'ai eu la chance d'être un individu obstiné, ce qui m'a permis de faire des études  supérieures à l'étranger, en Allemagne. Je ne néglige pas non plus le formidable coup de pouce de certains professeurs qui ont parié sur le cheval boiteux que j'étais.

 L'Alicanto, est mon second livre et il découle de l'illisibilité du premier - Autoroutes - un manuscrit autobiographique extrêmement médiocre. L'idée du roman policier était couplée à mes goûts littéraires du moment. De plus par rapport à mon premier échec, j'ai choisi comme décor l'Amérique Latine car j'avais lu Borges et Marquez et que ces auteurs m'ont marqué. L'étincelle est  venue aussi du film "Kamatchaka" de Marcello Pinyere qui raconte l'histoire d'une famille d'intellectuels argentins sous la dictature. Le regard est celui d'un enfant et ce film est in fine, un film sur les rapports familiaux.

 Cassiopée.  Vous avez mis deux ans, me semble -t-il pour écrire "L'Alicanto", comment vous êtes vous organisé (recherches en amont, plan, trame etc...) Aviez-vous déjà l'idée de la trame dès le départ?

 Amadeo Alcacer. Pour l'élaboration de mon livre, j'ai été, comme beaucoup d'auteurs, pris par une sorte de fièvre créatrice. J'écrivais tous les soirs, tous les week-ends et consumais aussi toutes mes vacances. Mes enfants et mon épouse ont été d'une patience extraordinaire mais ce genre d'attitude est très éprouvante et se rapproche d'une forme de folie car la désocialisation est totale. En décembre 2012, j'ai commencé à me lancer dans ce projet fou et j'ai rapidement eu un plan en tête. Je voulais impérativement mélanger les ressentis de mes lecteurs. Le Ying et le Yang expriment très bien ce que j'ai voulu exprimer. Nous avons tous une part d'ombre en nous et les individus peu fréquentables peuvent avoir aussi une part de lumière. Diégo Alandia est un ancien tortionnaire et l'Alicanto le monstrueux bâtard de ces sombres années de l'histoire chilienne. Mais ce prédateur cruel a lui aussi été un jour un enfant.

Cassiopée.  Quel est votre dernier roman "coup de cœur" pourquoi?

Amadeo Alcacer. En multipliant nos lectures, et je sais que vous me comprenez Cassiopée, nos exigences deviennent plus pointues. Les bons livres deviennent rares et le dernier ouvrage qui m'a assommé est un roman noir dont la trame se déroule en Union Soviétique, dans les années 30. Nous suivons ainsi Luka et ses fils à la poursuite d'un voleur d'enfants (The Child Thief). Dan Smith a écrit "Le Village" et c'est une œuvre magistrale qui vous glace le sang et qui vous apporte bien plus.

Dans la ligné de cet auteur anglais, je citerai Cormac Mac Carthy et son livre "La route", ainsi que la hongroise Agotha Kristoff et son "grand cahier". L'écriture, apparemment simple est je pense plus difficile à mettre en œuvre qu'un "beau style". La simplicité implique l'essentiel.

 Cassiopée.  Que représente l'écriture dans votre vie? Un loisir? Un besoin? Un exutoire? Ou ???  

Amadeo Alcacer. Je bénis tous ces détonateurs, ces brillants personnages croisés au cours de ma vie qui m'ont fait découvrir la lecture. Je lis tous les jours et lorsque je n'ai rien à me mettre sous la dent, je relis des livres que j'ai aimés. La lecture est un besoin.

 En terminale, je me suis mis à la peinture à l'huile et pendant dix ans, je me suis consacré à cettealcacer2.jpg passion. Puis en 2002, ce besoin là, cette fièvre, a subitement disparu. 5 ans après, le besoin créatif est réapparu sous les traits d'une oeuvre littéraire. Une fois ce projet achevé, je me sentais de nouveau apaisé... jusqu'à l'hiver 2012, lorsque le sinistre Alicanto a pris forme. 

 Cassiopée.  Vous avez publié en ebook, y-a-t-il aussi un format papier? Pensez-vous que l'ebook est l'avenir? Ne risque-t-on pas de se couper d'une partie de son lectorat  quand on est auteur?

Amadeo Alcacer. Mes sentiments sont assez mitigés avec les ebook. Oui, je pense que l' ebook a un grand avenir devant lui. Et oui aussi, je suis un incorrigible passéiste, amoureux du papier. Fétichiste, dites-vous ? Probablement. J'adore les objets chargé de sens et d'histoire. Ma connexion aux livres papier est fusionnelle.

 Cassiopée.  La lecture, la culture...pensez-vous que les jeunes lisent moins, ne s'intéressent à rien?

 Amadeo Alcacer. Je crois que les nouvelles technologies favorisent "l'immédiat" et le tout, tout de suite. C'est en contradiction avec la patience nécessaire pour apprécier une balade au musée ou la lecture d'un bon livre. Il faut redonner au temps sa lenteur, celle qui nous fait apprécier les choses fondamentales car sans culture, que nous reste-t-il?

 Cassiopée.  Avez-vous autre chose à dire à nos lecteurs?

Amadeo Alcacer. Continuez à lire. La lecture préserve de la médiocrité. Elle vous ouvre les portes de dizaines de mondes. Elle vous fait regarder la vie différemment.