09/09/2015
Lontano, de Jean-Christophe Grangé
Une chronique de Jacques
Lontano, de Jean-Christophe Grangé : meilleur polar de l’année ?
Coïncidence ou air du temps ? Après l’excellent La piste noire de la Suédoise Åsa Larsson, qui abordait les méandres des coups tordus des prédateurs industriels et financiers de l’Afrique, voici Lontano, de Jean-Christophe Grangé, qui sur le même thème (parmi d’autres, comme nous le verrons) nous propose une histoire complexe dont la toile de fond se situe en Afrique, non pas en Ouganda, comme pour La piste noire, mais au Zaïre, même si l’action se déroule en France pour l’essentiel.
Lontano, qui joue avec brio sur plusieurs registres, du polar au suspense, de la politique à la finance et aux coups tordus du monde des affaires, n’est pas que cela : il est avant tout un roman familial, celui d’une famille qui sort de l’ordinaire ! Qu’on en juge :
L’illusion était parfaite : une respectable famille bourgeoise, réunie comme chaque dimanche. Les coulisses étaient moins reluisantes : Loïc, ancien alcoolique, aujourd’hui financier millionnaire, était accro à la coke et cherchait son salut dans le bouddhisme. Gaëlle voulait faire du cinéma et couchait à droite à gauche « pour faire avancer sa carrière ». Quant à Maggie, ex-hippie et mère obsessionnelle, elle avait passé sa vie à encaisser les coups de son mari sans jamais se plaindre ni se résoudre à divorcer. Celui qui présente ainsi sa famille, c’est Erwan, le fils de Grégoire Morvan. Un Grégoire Morvan qui est l’ancien patron du 36 quai des Orfèvres, l’homme des missions officieuses dans la françafrique de Giscard, de Mitterrand, puis de Sarkozy et de Hollande. Surnommé à l’époque le Pasqua de gauche, « il avait tué, volé, magouillé, espionné, fait chanté, mais toujours dans l’intérêt de la République (...) ce qui le différenciait plus ou moins d’une crapule ordinaire ».
Erwan a des comptes à régler avec son père, qu’il craint et qu’il admire, mais dont il ne supporte plus la violence. Devenu lui aussi flic à la crim’, il va être chargé d’une enquête qui va relancer cette rivalité puisqu’elle fait écho à une série de meurtres horribles perpétrés au Zaïre dans les années 80 par un dément surnommé alors « l’Homme-clou ». En arrêtant le meurtrier, Grégoire Morvan avait à l’époque relancé sa carrière et il était devenu ensuite l’indispensable homme de main de la République. Or plusieurs cadavres sont retrouvés qui portent la signature de « Homme-clou » : mutilations, corps parsemés de ferrailles et de tessons... L’enquête va le confronter au passé le plus obscur de son père et à des secrets de famille qui pourraient expliquer bien des dysfonctionnements familiaux. Chaque membre de la famille va y être mêlé à son corps défendant, et Erwan devra se débrouiller pour préserver chacun tout en sauvant lui aussi sa peau.
La maitrise narrative de Jean-Christophe Grangé est exceptionnelle. Chacun des thèmes sous-jacents est parfaitement documenté ; si la plupart des personnages ont une personnalité marquante qui les rend inoubliables, leur psychologie n’est jamais à l’emporte-pièce. Quant à l’intrigue policière, elle est particulièrement retorse et mettra en défaut la perspicacité des lecteurs les plus avertis. Les différents fils déroulés par l’auteur au début du roman, finissent par se lier et faire sens progressivement, mais certaines zones d’ombre demeurent jusqu’à la dernière page et permettent au lecteur de faire travailler son imagination : la fin reste ouverte et appelle une suite.
Si Lontano n’est pas le seul roman récent qui tente de mêler la politique, la finance internationale à une enquête policière solide et un suspense sans faille, il est l’un de ceux qui y parviennent le mieux. C’est l’un des meilleurs polars de tous ceux que j’ai lus cette année, et à coup sûr le plus réussi de J-C Grangé, qui nous a pourtant habitué à placer la barre très haut !
Jacques ( blog : lectures et chroniques)
16:34 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lontano, jc grangé | Facebook | |