Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/11/2015

N’oublie pas mon petit soulier, de Gabriel Katz

n-oublie_pas_mon_petit_soulier.jpgUne chronique de Jacques

Aucun livre ne m’avait dilaté la rate à ce point depuis la lecture du roman de Jonas Jonasson  Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, avec lequel il partage le même côté déjanté et la même liberté de ton : savoureux, jubilatoire, parsemé de paillettes d’un humour décalé au détour de chaque page... les éditions du Masque ont réussi un sacré coup en publiant cet auteur, dont c’est le premier polar, et en le sortant juste avant les fêtes de Noël !

Le narrateur est un comédien qui rame pour survivre. Ne parvenant pas à cumuler suffisamment d’heures annuelles pour décrocher le statut d’intermittent, Benjamin Varenne doit se résoudre à faire (comme Tom Hanks avant lui, dit-il pour se rassurer) plein de petits boulots plus ou moins rémunérateurs : gardien, démonstrateur, veilleur de nuit, et au tout début du roman, son meilleur rôle, celui de père Noël dans une grande surface.

Beau gosse et dragueur impénitent, des défauts largement compensés par une autodérision permanente, le père Noël décide brusquement de larguer des bambins épouvantablement chiants qui l’attendent pour une photo souvenir... tout ça pour suivre une beauté qu’il juge irrésistible ! Une erreur fatidique : à partir de là tout va partir en vrille et il va en être réduit à tenter de survivre au cauchemar éveillé que va devenir sa vie.

Certes, vous pouvez vous demander comment il est possible de basculer de la fonction gratifiante – même si elle est mal payée – de père Noël à celle de malheureux pourchassé par le chef suprême de la mafia albanaise, un multimilliardaire qui tient absolument à lui faire la peau, c’est-à-dire à le torturer consciencieusement avant de lui trancher la tête au sabre, une pratique par ailleurs très tendance par les temps qui courent. Gabriel Katz a trouvé l’astuce : il suffit que Victoire (le prénom de la beauté qui se révèlera presque fatale) soit l’une des maitresses préférées du mafieux et que celui-ci soit terriblement jaloux, ce qui semble courant chez les mafieux de tous poils, comme vous l’avez peut-être déjà constaté. La malheureuse Victoire semble se douter de ce qui les attend, qui risque en effet d’être gratiné, surtout quand la police, la justice et les services secrets commencent à se mêler de l’affaire, la maman possessive et vindicative de l’albanais ayant été malencontreusement occise par l’ex père Noël après avoir tenté d’abattre les deux amoureux comme des chiens pour venger l’honneur de son fils.

Le contraste entre les personnages étant l’un des moteurs des bonnes histoires, l’auteur a joué sur l’opposition entre le gars fauché (notre comédien) et la nana plus habituée au caviar, au champagne et aux jacuzzis des palaces qu’à la pizza, la bière tiède et la litière du chat qu’il faut changer tous les matins dans un studio de 10 m2. Naturellement, quand l’immonde mafieux les pourchasse, la donzelle va plutôt choisir pour leur fuite la Thaïlande et ses îles enchanteresses que le quartier du Val Fourré de Mantes-la-Jolie !

Les rebondissements se succèdent à un rythme effréné, les personnages sont bien dessinés, et nous avons droit en prime à quelques scènes d’anthologie, ma préférée étant le réveillon passé avec Victoire chez la maman du père Noël, avec une flopée de cousins, de neveux, d’oncles et de tantes.

Ce livre ne se lit pas, il se dévore comme une gourmandise. Certes, Gabriel Katz est plus proche ici de Goscinny ou San Antonio que de Christine Angot ou Jean-Marie Le Clézio. Mais si vous estimez que la vie est trop courte pour ne pas en rire de temps à autre, et si vous pensez que la lecture des uns n’exclut pas celle des autres, alors il ne vous reste plus qu’à espérer que le papa Noël aura la bonne idée de mettre ce livre dans votre petit soulier.

Le blog de Jacques : Lectures et chroniques