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01/06/2011

Gataca, de Franck Thilliez

gataca.jpgUne chronique de Christine

« La sélection naturelle ne peut déterminer chez un individu une conformation qui lui serait plus nuisible qu'utile, car elle ne peut agir que par et pour son bien

Ahh, mon cher Darwin, j’aurais presque envie de vous croire… mais cela me fâcherait définitivement avec cousine Dimitrillette.

Allez donc lui expliquer que la cellulite rebelle et inflationniste depuis sa naissance enrobe ses hanches pour son plus grand bien, ou que c’est grâce aux bienfaits d’un long processus de sélection qu’elle chausse du 47.

Bon courage, moi j’y renonce et vais voir ce qu’il se raconte de neuf sur le sujet.

L’évolution ? C’est chouette. Avant on se tapait dessus avec des fémurs de mammouths, maintenant il suffit d’appuyer sur un bouton et « Boum ! »*

Le commissaire Sharko est envoyé au bois de Vincennes car on vient de découvrir dans une cage, à côté d’un chimpanzé prostré, le corps sans vie et sauvagement mutilé d’Eva Louts. Le primate est rapidement mis hors de cause, ce n’est pas un accident et c’est du côté des travaux de la jeune chercheuse qu’il faut orienter l’enquête. Qu’a-t-elle pu découvrir que l’on cherche à tout prix à étouffer ?

Ses notes indiquent qu’elle s’intéressait plus particulièrement aux gauchers et qu’elle avait entrepris de visiter quelques grands criminels emprisonnés. Des criminels gauchers.

Or, l’un d’entre eux n’est autre que Grégory Carnot, l’assassin de Clara, l’une des filles de Lucie Henebelle. (Pour ceux qui n’ont pas lu « Le syndrôme E », Lucie est une ancienne collègue de Sharko, ayant collaboré avec lui lors d’une enquête précédente. Elle a ensuite démissionné après le drame ayant touché sa famille. Sharko et Lucie ont été brièvement très proches, avant que leurs blessures et failles respectives n’aient raison de leur liaison naissante.)

Grégory Carnot, incarcéré en service de psychiatrie pénitentiaire, vient de se suicider dans sa cellule. D’une manière particulièrement barbare.

Alors qu’ils s’étaient éloignés l’un de l’autre un an auparavant, Sharko et Lucie vont se retrouver à l’occasion de l’enterrement de Carnot.

Lucie, qui ne cesse de vouloir comprendre les raisons de la folie meurtrière de Carnot, et Sharko qui cherche le lien entre Carnot et l’enquête en cours, décident de travailler à nouveau ensemble

Refaisant le parcours d’Eva Louts, interrogeant spécialistes de la génétique ou de l’évolution, primatologues et biologistes Sharko et Lucie vont être amenés à se poser la même question : et si l’origine de la violence était tapie dans l’ombre au sein de nos propres cellules, dans notre propre ADN ?

Je la sers comment, votre émulsion d’ADN ? Double et lisse ? **

Ce livre est dense, ce livre est passionnant, ce livre est un sacrément bon thriller. Je pourrais m’arrêter là, mais je vais quand même en dire un peu plus.

Dense : car l’enquête est complexe à souhait. Vous allez suivre Sharko et Lucie, leurs hypothèses, leurs découvertes, les chemins qu’ils vont prendre. Il n’y a aucun temps mort, peu de répit, aucune page inutile. Franck Thilliez sait raconter une histoire, et il le fait vraiment très bien.

De plus, la partie scientifique est solidement documentée, et présentée, malgré tout, de manière relativement abordable pour le parfait néophyte. Ce qui n’est pas rien. Mais j’y reviendrai par la suite.

Les personnages sont crédibles, dans leurs défauts ou qualités. Sharko et Lucie ont de plus en plus de profondeur, d’épaisseur, ils sortent de leur univers de fiction pour devenir des compagnons qui nous touchent, dont nous nous sentons proches. Ce n’est pas rien non plus.

L’intrigue fait froid dans le dos, et contrairement à certains livres précédents où nous étions dans une logique de pur thriller, empiétant souvent sur les marges de la vraisemblance, j’ai trouvé le récit plus réaliste, jouant avec des peurs et des théories actuelles tout en restant plausible. Ce qui finalement fait encore plus frissonner !

Je n’ai pas pu m’empêcher de comparer certains chapitres de ce livre à ce qu’on peut trouver dans « La forêt des Mânes » de J.C. Grangé. Même besoin de retour à la jungle primitive, creuset et athanor du fond des âges, même quête de la « violence originelle »… mais en bien mieux !

Bref, je récapitule : excellente intrigue, personnages bien campés, tension croissante, palpitations garanties. C’est tout bon.

Ou presque.

Car, si la documentation est solide et représente un travail énorme, s’aventurer sur le chemin de l’évolution et de la sélection n’est pas une mince affaire. Les débats sont en cours, certaines théories donnent lieu à de farouches combats depuis plus de trente ans, notamment dans le domaine des comportements sociaux. Nous sommes très loin du consensus, et il faut bien comprendre que F. Thilliez utilise ce qu’il a lu pour en extraire les bases d’un thriller. Ce qu’il fait admirablement ! Par contre il se permet certaines affirmations pour le bien de l’intrigue, qui ne font pas l’unanimité auprès des scientifiques.

Nous n’en sommes encore, pour ces affirmations, qu’aux tâtonnements, hypothèses, et explorations.

C’est vraiment la seule chose qui me pose souci avec ce livre. Sans aucune base dans le domaine, il sera impossible pour certains lecteurs de faire le tri entre ce qui est admis par la communauté scientifique, et ce qui pose débat. Et il y a risque de tout accepter en bloc.

Donc, pour finir, ne prenez pas tout au pied de la lettre,

puis plongez-vous ensuite sans hésiter dans cet excellent thriller.

*Extrait du discours d’inauguration de la centrale de F*ck-you-Shima ; Dar Winamax

** Petit traité de mousse sans gêne à l’usage des brasseurs ; Kriek, What & sons

Christine, (Blog : Bibliofractale )

 

Gataca
Franck THILLIEZ
Fleuve Noir (Thriller)
508 pages ; 20,90 euros

 

Présentation de l'éditeur

L’ Évolution est une exception. La règle, c’est l’Extinction.

Une jeune scientifique spécialiste de l évolution des espèces, retrouvée morte, attaquée par un primate.
Onze hommes derrière les barreaux. Leurs points communs : tous ont commis des crimes barbares et tous sont... gauchers.
Enfin, la découverte d une famille de Néandertaliens assassinée par un Cro-Magnon.
Quel est le rapport entre ces affaires et des crimes éloignés de 30 000 ans ? 
La clé est dans ces quelques lettres : GATACA...

 

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