28/11/2011
Entretien avec Marc Wilhem
Après avoir chroniqué son roman Contractors, Christophe a interviewé Marc Wilhem. Voici l’entretien.
Christophe. Qui sont les "contractors" qui donnent leur nom à votre roman ?
Marc Wilhem. Les "contractors" représentent la forme dernière née de ce qui existe depuis très longtemps: les gens qui se battent en échange d'argent.
C. Les SMP ont surtout défrayé la chronique pour leurs activités en Irak ou en Afghanistan, mais vous n'avez pas choisi de les mettre en scène dans ce contexte-là ?
M.W. Beaucoup de choses ont déjà été écrites et/ou filmées sur ces deux conflits, je voulais en sortir un peu en faisant découvrir d'autres horizons.
C. D'ailleurs, il n'est absolument pas question des Etats-Unis dans votre livre, en revanche, la Chine y tient une place importante.
M.W. Dans toutes choses la Chine est destinée à prendre une place importante, notamment au détriment des Etats Unis. Je n'ai fait que me mettre au diapason.
C. Le "théâtre d'opérations" que vous dessinez est plus le secteur commercial et diplomatique que militaire à proprement parler.
M.W. Le secteur militaire à proprement parler n'existe pas. Tout au long du XIX° et du XX° siècle les conflits étaient plus politico-militaires mais avec la fin des idéologies tout tourne autour du commerce et de l'argent, donc du secteur militaro-commercial.
C. Vous utilisez tout au long du récit des faits réels que vos lecteurs vont aisément reconnaître, pourquoi ce choix ?
M.W. J'aime le concept de faire de la fiction avec de "vrais morceaux" à l'intérieur.
C. "Contractors" dénoncent les relations troubles qui peuvent exister entre politiques, industriels et médias. Une vrai fiction, quoi ?
M.W. Bien sûr des relations étroites entre des industriels patrons de groupes de presse et des politiques ne sont que le pur produit de mon imagination débordante.
C. Samir, le journaliste que vous mettez en scène, est jeune et idéaliste. il brandit son indépendance comme un drapeau... alors qu'il est manipulé par tous...
M.W. Aujourd'hui le fait de croire en quelque chose fait de vous un faible, un manipulable. Les temps sont bénis pour les opportunistes et les cyniques.
C. Dans la partie française du roman, vous évoquez beaucoup l'extrême-droite, y compris sous des aspects para-militaires.
M.W. Il faut reconnaitre que nos "amis" néo nazis représentent une denrée précieuse pour les romans. Violents, généralement stupides, très portés sur l'alcool ou complètement allumés, bref avec eux, on n'est jamais déçu …
C. Parlons aussi de vous : vous n'êtes pas seulement romancier, mais aussi officier de police. Est-ce que cela aide à écrire des romans policiers ?
M.W. Il est évident que la matière première m'apparait au quotidien dans le cadre de mon travail. L'inspiration livrée tous les matins à mon bureau.
C. A contrario, est-ce que cela peut être un handicap ou vous attirer des ennuis ?
M.W. La "grande maison" est très regardante sur son image, notamment quand un de ses membres en parle, mais pour l'instant je n'ai pas eu de problème.
C. Dans "Contractors", vous montrez des mercenaires qui se considèrent au-dessus de toute loi, de tout texte. Est-ce une de vos inquiétudes en tant que flic ?
M.W. L'arrivée du privé dans des domaines relevant jusque ici des pouvoirs régaliens de l'Etat, que cela soit la guerre ou la sécurité me laisse sceptique. Je suis convaincu que cela sera une source de problème grave dans les prochaines années.
C. Ils sont aussi très bien équipé et prêt à recourir à la violence. Comment faire respecter la loi dans ces conditions ?
M.W. En faisant une confiance aveugle en la Justice bien sûr …
C. D'ailleurs, que disent les lois françaises et internationales, concernant ces SMP ?
M.W. Pour cela je vous renvoie à l'excellent cahier documentaire de Jacques Massey. Mais schématiquement la législation française est opposée aux SMP qu'elle assimile (avec raison) à du mercenariat, les législations des pays anglo-saxons sont plus souples (certains diraient plus pragmatiques) à ce sujet. Evidemment, il existe des personnes qui souhaiteraient faire évoluer notre législation pour que le savoir faire militaire français (qui est très prisé) puisse rivaliser avec les grosses SMP anglo saxonnes dans ces marchés très juteux.
C. "Contractors" paraît aux éditions Scrinéo agrémenté d'un cahier documentaire rédigé par le journaliste Jacques Massey. Un cahier qui complète le roman. Est-ce une méthode qui vous a séduit ?
M.W. Tout à fait. La fiction même en essayant d'être réaliste se doit de ne pas se faire trop explicative afin de ne pas nuire à la fluidité du récit. Le cahier documentaire permet à ceux qui le souhaitent d'approfondir leurs connaissances.
C. Enfin, le vrai thème de "Contractors", au travers des personnages de Thomas, Stéphane ou Samir, n'est-ce pas le sens de l'honneur, en voie de disparition dans nos sociétés actuelles ?
M.W. C'est, il est vrai, un des thèmes. Mais malheureusement je crois que le sens de l'honneur n'est pas en voie de disparition mais a totalement disparu et depuis longtemps.
14:41 Publié dans 07. Les plus récents entretiens avec des auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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