05/12/2011
Tank, d'Orin.
Une chronique de Bruno
En refermant ce roman je me suis posé deux questions surprenantes : qu’est ce que je venais de lire ??? Pas vraiment un polar, encore moins un thriller. Et où étais je passé ?
Pour un peu j’ai eu l’impression d’être un auto-stoppeur-lecteur, embarqué dans une voiture conduite par un narrateur inconnu et fou furieux, me plongeant dans un tunnel du périphérique parisien , ennivré de la vitesse, où les lumières défilaient sous mes yeux à m’en étourdir les sens, et les bruits confinés dans un acouphène qui me maintenait dans une sorte d’apnée littéraire.
Et de me retrouver au bord d’un trottoir, le pouce encore en l’air à solliciter une ballade littéraire sans trop savoir par où je venais déjà d’en passer.
Tank est un roman atypique. Un titre qui claque comme un obus par un auteur dont le nom n’a rien de mythologique ( cf l’interview de mon ami Pierre que vous trouverez en annexe de ce billet), mais dont les quatre lettres expriment la force d’un roc que l’on retrouve dans sa plume.
Car c’est au marteau et au burin qu’Orin a écrit son roman !
Curieuse rencontre pour moi en tout cas, et une entame des plus singulières. Après avoir débuté la lecture de ce livre je l’ai rapidement refermé. « Non, pas pour moi, je n’accroche pas ». Habituellement je n’ai en la matière aucun remord , et je passe au roman suivant.
Mais alors pourquoi je n’arrivais pas à entamer une autre lecture sans repenser à TANK ? Pourquoi me revenait à l’esprit ce personnage sans nom qui venait courir dans mon imaginaire ? Et pourquoi ce style façon uppercut me revenait en pleine tête alors qu’il ne m’avait pas séduit de prime abord.
Il ne me restait plus qu’à reprendre le livre, et d’en redémarrer la lecture depuis le début, en me disant bien cette fois ci que j’étais enfin prêt à saisir ce roman par les cornes.
Car de la poigne il en faut pour traverser ce bouquin, pour coller aux basks de ce personnage insaisissable et sans nom. Un mec pas franchement sympa, pas vraiment mauvais. Mais un mec parfois puant, anar, brutal et misogyne qui ne fuit pas la castagne, voire la recherche plutôt. Le genre de gars pour lequel on réfléchirait à deux fois avant de lui offrir son amitié. D’ailleurs sans doute n’en voudrait il pas et vous cracherait sur votre main tendue.
C’est en pissant contre un mur qu’il est devenu journaliste. Le raccourci est sans doute osé me direz vous, pourtant il y a des destins en ligne droite où la limitation de vitesse n’existe pas. Et ca tombe bien car celui de ce personnage est plutôt du genre « prisa de prisa » .
Pas de temps mort, du rythme encore et encore. Et quand on est dans la ligne de mire d’une bande d’allumés d’extrême droite qui n’aime pas qu’on vienne mettre un nez dans leurs affaires, il vaut mieux ne pas être du genre statique. Etre journaliste à « Tank » n’est pas une protection, une garantie tout au plus à s’attirer les ennuis. Et dans le genre, il excelle !
Cette course poursuite à sauver sa peau, puis celle de son rédacteur en chef qui finira par disparaitre de la circulation en faisant sortir de l’ombre des agents de services français, ne laisse aucun répit au lecteur.
Dans ce roman très masculin, où la femme est un accessoire, tolérée pour son côté pratique, difficile pour le lecteur de se raccrocher à quelque sentiment que ce soit. Pour autant, ce prénom féminin qui revient comme un leit-motif tout au long du roman, et qui prend la forme d’un souvenir, d’une femme ou d’une voiture imprime en filigrane une légère touche d’humanité à ce personnage qui en manque tant.
La décélération de l’histoire intrépide et déjantée de ce personnage en rébellion contre la société, l’ordre établi et ses propres congénères, et peut être et avant tout d’abord contre lui-même, se fera de manière assez brutale. Car au final nous retrouvons notre narrateur enfin assagi et rangé.
Aors que dire de ce roman ? L’ai-je aimé ou non ? Sans doute ai-je du y trouver mon compte pour l’avoir finalement repris dans mes mains et conduit sa lecture à son terme. Mais je crois qu’il y avait longtemps que je n’avais pas rencontré un roman où paradoxalement le style et l’écriture de l’auteur prend véritablement le dessus sur l’histoire qu’il raconte.
Car c’est bien là l’originalité de ce roman, ce qu’il m’en restera sera d’abord cette manière de fouetter les mots parfois à l’excès, et qui percute l’imaginaire de son lecteur. La plume d’Orin est coulée dans l’acier et trempée dans l’acide. Un livre dynamite à manipuler avec précaution.
Le blog de Bruno : http://passion-polar.over-blog.com/
Titre : Tank
Auteur : Orin
Editeur : Kirographaires (1 février 2011)
09:00 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.