23/12/2011
Le Troisième Pôle, de Guillaume Lebeau
Une chronique de Jacques
Ce thriller de Guillaume Lebeau contient tous les ingrédients qui feront (peut-être) de lui un futur succès. Je dis « peut-être », car la voie royale qui mène au best-seller est impénétrable au lecteur, à l’éditeur ou à l’auteur. Elle ne saurait se résumer à une série de recettes toutes prêtes qu’il suffirait de mélanger et agiter dans le chaudron fumant de la création littéraire. Pour être efficace, elle doit coïncider avec un air du temps impalpable et changeant dont les lecteurs s'imprègnent malgré eux, et elle nécessite évidemment un réel savoir-faire de l’auteur, sans lequel aucun succès n’est possible.
Incontestablement, dans ce livre, le savoir-faire est présent. Pour l’air du temps … les lecteurs jugeront !
Mais quels sont donc les secrets de fabrication de ce roman de Guillaume Lebeau ?
Premier ingrédient : une société secrète planétaire (les douze), aux moyens financiers colossaux, dont les objectifs bien que fort ténébreux pendant une partie du livre se révèlent au final assez peu sympathiques, pour ne pas dire franchement ignobles. De vrais méchants, manipulateurs et comploteurs, qu’on adore détester !
Deuxième élément qui donne au plat toute sa saveur : l’enjeu. Ici, pas de petite histoire locale, ou même régionale. Non : nous vivons en direct un gigantesque complot, dont l’enjeu est carrément… la survie de l’humanité ! Plus vaste et plus important que ça il n’y a pas. Ou alors le conflit intergalactique qui met en péril l’univers entier… mais c’est un autre genre d’histoire !
Troisième ingrédient : le héros, ou plutôt ici, l’héroïne. Elle est dotée de qualités exceptionnelles, même pour une héroïne de thriller. Dans les contes de notre enfance, les princesses étaient « aussi belles que bonnes ». Smila Sibir, paléoclimatologue spécialisée dans les milieux polaires, est non seulement dotée d’une intelligence lumineuse, mais elle est également belle, déterminée, courageuse, généreuse, sensible… Bref, une femme à laquelle toutes les lectrices souhaiteraient ressembler et que tous les lecteurs aimeraient rencontrer.
Bien entendu, elle détient de son prix Nobel de papa un secret qui empêche les méchants de détruire tranquillement la planète : l’enjeu de l’histoire étant là, je ne vous en dirai pas plus sur le sujet !
Quatrième ingrédient : vous l’avez remarqué, l’exotisme ajoute un plus incontestable à un plat finement préparé. Ici nous sommes dans l’exotisme nordique, et même polaire, qui n’est pas le plus fréquent dans les thrillers. Nous saurons donc tout sur l’Arctique et les modifications climatiques qui vont bouleverser les données géopolitiques de cette région (et de la planète) dans les décennies à venir. L’auteur, spécialiste de la littérature scandinave, est un passionné du Pôle et nous fait profiter largement de ses connaissances. A la fin du roman, nous en saurons davantage sur le Spitzberg, « toit du monde » de l’Arctique, que si nous y avions randonné plusieurs semaines. Avec – magie de l’écriture– l’avantage de rester au coin du feu, à l’abri des engelures et des ours polaires…
Enfin, même si le plat est savoureux, une pincée d’ésotérisme bien épicé est tout de même fortement conseillée et ne peut (en principe) pas nuire à l’ensemble. Rassurez-vous : c’est prévu ! Ici ce sont nos douze salopards qui se sont entichés de mythologie scandinave et ont besoin, pour parachever leur œuvre, d’une symbolique basée sur la magie runique, la gloire de l’ancienne Thulé, et la force des dieux scandinaves Thor, Sthala et Thurisaz.
Cette pointe d’ésotérisme est le seul point faible du roman. Certes, elle peut donner un peu de piquant à l’histoire et nous faire rêver, mais la motivation ésotérique des « douze » est plaquée d’une façon artificielle sur la structure du roman et ne s’y intègre pas d’une façon convaincante.
Mais ce détail n’empêche pas « le Troisième Pôle » d’être un roman bien ficelé, sympathique, qui devrait plaire à beaucoup d’amateurs de thrillers. La documentation réunie par l’auteur sur les conditions d’un dérèglement climatique, sur les problèmes géopolitiques liés aux modifications du climat, sur les ressources énergétiques de la planète et les enjeux financiers qu’elles représentent, est remarquable. Idem pour les connaissances qu’il met à notre disposition sur les civilisations nordiques. Il a réussi à intégrer toutes ces données à son histoire, de façon crédible et en conservant le suspense jusqu’au bout.
A titre personnel, j’ai tout de même un petit regret : à la fin du roman, notre vaillante Smila Sibir sauve la planète et ses habitants du désastre. Certes, c’est plutôt sympa de sa part. Mais avouons le, tellement attendu !
Aussi, s’il lit cette chronique, j’ai une supplique personnelle à formuler à Guillaume Lebeau. Cher Guillaume, dans votre prochain roman débrouillez-vous pour que notre planète ne soit pas sauvée par l’héroïne et que l’humanité soit enfin irrémédiablement détruite.
Ce n’est pas méchanceté pure de ma part, non ! Mais il faut l’avouer : ça nous changerait un peu !
Je sais, ça va être compliqué à la fin du livre de voir tous les humains disparaître… Qui va raconter l’histoire s’il n’y a plus personne ? Et pour qui ?
Mais vous avez suffisamment de talent pour trouver une solution à ce problème. Après tout, c’est vous l’auteur, vous faites ce que vous voulez, non ?
Le Troisième Pôle
Guillaume Lebeau
Marabout (2 novembre 2011)
Collection : Fiction
512 pages
19,90 €
Présentation de l'éditeur
1912, au Cap Nord en Norvège. Un enfant est atrocement sacrifié au nom d’un rituel à Gaïa. 1996, à Jökulsárlón en Islande. Le corps d’une jeune femme nue et entièrement recouvert de tatouages est découvert, emprisonné dans la glace. Novembre 2010, à Spitzberg entre la Norvège et le pôle nord. Smila, une jeune paléoclimatologue française, tente de rejoindre son père, chercheur sur la base de Ny-Ålesund, pour lui apporter une série de documents qu’il lui a demandés. Mais au moment où elle arrive sur la base, celle-ci est attaquée et mise à sac par un groupe d’hommes surentraînés. Le père de Smila meurt dans l’incendie de Ny-Ålesund avant d’avoir pu lui révéler l’objet de ses recherches. Que cherchait à détruire ce gang ? Quelles recherches menait le père de Smila ? Quels secrets renferment les documents du père de Smila? Dans cette enquête qui la mènera aux quatre coins du monde, la paléoclimatologue découvrira qu’une sombre organisation cherche à troubler l’ordre mondial…
18:36 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
Commentaires
Guillaume Lebeau m'avait séduite avec sa trilogie dont Pentagone, je crois que je recommencerai volontiers l'aventure avec lui...
Surtout après une chronique qui donne envie!
Merci
Écrit par : Cassiopée | 24/12/2011
Les commentaires sont fermés.