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26/02/2012

La Maison des tocards, de Mick Herron (chronique 1)

maison-des-tocards.jpgUne chronique d'oncle Paul

 Le Placard, c’est un petit immeuble de deux étages coincé entre un marchand de journaux, épicier et marchand de vin et un restaurant chinois, dans un quartier déshérité de Londres. C’est un endroit où sont relégués des agents du MI5 ayant failli au cours d’une mission qui leur a été confié, ou pour une raison liée à un défaut incompatible avec leur travail d’agent secret.

 Ainsi River Cartwright, qui était promis à un bel avenir et comptait bien grimper les échelons plus rapidement qu’un singe à un cocotier, a lamentablement échoué lors d’un exercice antiterroriste dans le métro londonien. Une histoire de couleurs vestimentaires, une erreur qu’il attribue à son ami James Webb, alias Spider, lequel aurait interverti lors de la présentation de sa mission le bleu et le blanc d’une chemise et d’un tee-shirt. Une méprise qui se solde par quelques morts, une centaine de blessés, trente millions de livres de dégâts et surtout deux milliards et demi de livres perdus pour le tourisme. Et il semblerait bien que ce soit cette dernière donnée qui transforma une bourde en un fiasco.

Tout est fictif, mais quand même. Donc James Webb était son ami huit mois auparavant, depuis il ne l’a pas revu, River est au rancard et Spider toujours à Regent’s Street. Et encore il paraitrait que River ait eu de la chance en possédant un grand-père influent, sinon, c’était la porte, descente des escaliers sur les fesses sans tapis rouge.

 Le patron des Tocards, Jackson Lamb, n’a rien d’un agneau mais serait plutôt un lion rugissant dans sa tanière. Théoriquement les Tocards ne sont là que pour brasser des papiers, relever des indices, fouiller sur Internet les messages émanant, ou susceptibles d’émaner, de groupuscules terroristes. C’est ainsi que River est chargé de récupérer la poubelle d’un journaliste grenouillant dans les milieux fascistes, et que sa collègue Sid doit procéder à un échange de clé USB. En effet Robert Hobden, la cible, possède ses habitudes. Tous les matins il se rend dans le même café et afin de pouvoir s’adonner à la lecture de sa pile de journaux, auxquels il a collaboré dans le temps, il dépose sur la table ses affaires personnelles, dont la clé USB qui est attachée à un porte-clefs.

 Tandis que River se bat avec les détritus à la recherche d’il ne sait quoi, Sid opère la substitution avec brio. Il ne reste plus à River qu’à convoyer dans une mallette sécurisée la fameuse clé, mais comme c’est un petit fouineur, il ouvre l’attaché-case, ce qui lui endommage la main gauche. Et tout ça pour des fichiers qui sont des déclinaisons de chiffres à l’infini. Il remet toutefois la mallette à James Webb, dans l’antre du MI5, qui est dirigée par Diana Taverner, alias Lady Di, en remplacement de sa chef partie en déplacement aux Etats-Unis.

 Entre Lamb et Taverner, c’est un peu la guerre froide des services, les rebuts et le gratin. Un matin tout les reclus ou presque de la maison des Tocards, tous sont agglutinés devant l’écran d’un ordinateur sur lequel passe en boucle une vidéo montrant un jeune homme cagoulé tenant dans les mains le journal du jour. De quoi alimenter les conversations, et aviver un peu plus les rancunes entre Lamb et Taverner. Il faut délivrer cet homme et pour Lamb et ses sous-fifres, y arriver avant les officiels du MI5.

Oui, mais voilà, comme dans tous bons services organisés, les fuites se produisent, et les coups bas pleuvent. Comme si dans la nuit les supposés alliés se battaient entre eux en se trompant d’ennemis.

 Débutant un peu comme une histoire dans laquelle Max la menace aurait le beau rôle (Je rappelle pour les non-initiés que cette série américaine créée par Mel Brooks et Buck Henry et composée de 138 épisodes diffusés en France sur la deuxième chaîne de l’ORTF à partir de 1968, est régulièrement rediffusée sur les nouvelles chaînes et dernièrement sur Arte, ce qui démontre la haute teneur de ces petits films humoristiques et déjantés), ce roman pourrait aussi s’inspirer des œuvres de Peter Cheney lorsqu’il s’adonna au genre de l’espionnage (Héros de l’ombre, Sombre interlude, Duel dans l’ombre) les boissons alcoolisées en moins. Voire Graham Greene qui flirta avec le genre dans Le Ministère de la peur, L’Agent secret, et quelques autres ou encore Somerset Maugham avec Mr Ashenden, agent secret. En effet un léger humour se dégage, surtout dans les dialogues, subtilement, sans vraiment être poussé, afin de laisser une chance aux Tocards de se réhabiliter et ne pas tomber dans la parodie, mais suffisamment noir et machiavélique pour entretenir le suspense de façon prégnante. Pas vraiment roman d’espionnage, d’ailleurs il n’est pas annoncé comme tel, il s’inscrit plus dans un roman noir, mettant en scène une sorte de guerre des services, et le côté policier réside dans l’enlèvement d’un jeune Pakistanais vivant en Grande Bretagne, dont les jours sont comptés selon les ravisseurs, jouant sur les multiples facettes de la manipulation et pointant d’un doigt mollement tendu la résurgence (mais y-a-t-il eu véritablement un début de disparition) de l’extrême-droite et du racisme.

 De l’échec considéré comme un des beaux-arts, aurait pu être le sous-titre de ce roman, qui parfois m’a semblé toutefois un peu longuet par moments.

 Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

  A lire : la chronique de Bruno sur ce roman.

La Maison des tocards
Mick HERRON
Slow horses – 2010. Trad. de Samuel Sfez.
Collection Sang d’encre.
Editions Presses da la Cité.
382 pages. 21€.

 

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