Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/05/2012

Le trésor de Graham, de Gilles Bornais

tresor_de_graham.jpgUne chronique de Bruno

Il était dit cette année que je visiterai la capitale anglaise ! Après le Londres des années quarante, de la pénurie et des bombardements allemands, à travers « une mort absurde » de Laura Wilson, voici celui de la seconde moitié du XIXe siècle, avec l’histoire du « Trésor de Graham » de Gilles BORNAIS, publié aux éditions Pascal GALLODE, dont il est question aujourd’hui.

Dans ce roman nous retrouvons des personnages récurrents d’une partie de l’œuvre de l’auteur, qui se situe, pour nombre de ses livres, dans ce Londres besogneux qui a entamé sa révolution industrielle.

Graham Gaines allait être pendu dans quatre jours et il souriait. Pour la première fois de sa vie, les lignes de son visage exprimaient le bonheur.
Le maton …/… trouvait ca louche, la joie pareille d’un condamné si peu de temps avant la corde.
- C’est juste sa vie qui finit bien, expliquai-je
- Comment qu’elle peut bien finir, on le pend dans quatre jours ?
- Elle a commencé par une mauvaise nouvelle et elle s’achève par une très bonne.

Cette explication, c’est Joe Hockney , détective de Scotland Yard qui la fournit. Ce n’est pas pour savourer les derniers instants d’un homme qu’il aurait lui-même arrêté et fait condamner qui justifie sa présence à ses côtés.

Graham est en fait son ami. Il a grandi avec lui, mais ce dernier est aujourd’hui condamné à la peine capitale pour meurtre. Et s'il est là, c'est pour rendre compte du résultat d'une dernière requête que son ami avait formulé.

En effet, quelques jours plus tôt, Graham lui avait confié la tâche de mettre la main sur un magot de 17.000 guinées qu’il avait caché vingt ans plus tôt et qui lui a été dérobé. Cet argent dont il n’aura plus besoin, Il est prêt à le laisser à Joe pour peu que celui-ci arrive à découvrir avant son exécution, l’identité de celui qui l’a spolié et à remettre la main sur le magot subtilisé.

Pour le policier cette requête est une révélation stupéfiante. Il comprend en effet que cet argent est en fait une partie du butin d’un casse, qui à l’époque avait mal tourné et qui avait mis fin à la bande des Débardeurs à laquelle ils appartenaient tous les deux. Un secret bien gardé jusqu’ici que personne ne soupçonnait.

Cette histoire va donc projeter Joe des années en arrière. Une époque où lui aussi était un malfrat avant que sa vie ne prenne finalement un autre chemin. Mais les souvenirs sont encore là , bien vivaces, pour se rappeler ce temps partagé avec Graham au sein de cette bande de lascars qu’ils formaient avec quelques autres. Une période périlleuse, excitante, où ils constituaient un groupe soudé, presque une famille.

 Cette bande, Joe va devoir la réunir pour mener à bien cette ultime mission que lui confie Graham, comme une dernière volonté à exhausser.

Les voilà donc à nouveau réunis : Ashby, indique de son état, Clovis qui travaille aux abattoirs, Millie l’entraîneuse, Janet , auteur de feuilletons pour les journaux, et Nudge, devenu entrepreneur, patron d’une entreprise de ferronnerie.

En plongeant dans leurs souvenirs d’enfance ils vont se lancer dans la quête d’une vérité qui mettra à jour bien des zones d’ombres dans l’histoire de cette bande pourtant si soudée à l’époque. En s’arrêtant ainsi sur leur parcours et en creusant leur passé, ils vont porter un regard différent sur chacun d’entre eux, moins conciliant, plus soupçonneux, et découvrir que leur vécu commun portait déjà en soi les germes de l’éclatement du groupe qui ne manqua pas d’intervenir quelques années plus tard.

Gilles Bornais s’attardera longuement sur le portrait de chacun de ces personnages. Portrait attachant, poignant parfois, de ces gavroches des rues qui n’ont que leur liberté comme étendard. Des personnages avec leurs faiblesses, leurs fêlures, mais avec cette force aussi que procure le groupe, cette vie partagée où chacun est l’égal de l’autre, mais dont les choix personnels ne seront pas sans conséquence pour celui-ci.

Pour qui aime le cinéma, la lecture du « trésor de Graham » ne sera pas sans rappeler le chef d’œuvre de Sergio Leone « Il était une fois en Amérique » (qui se trouve être MON film culte !), auquel il me fait immanquablement penser.

L’histoire d’une bande de jeunes qui partagent leur insouciance et leur volonté farouche de dompter la vie et de la façonner à leur envie. De ne rien attendre d’elle, mais de se servir et vivre au jour le jour, se forgeant leurs propres règles pour s’affranchir du monde qui les rejette, et s’offrir un espace de liberté sans limites. Une histoire où tous n’iront pas au terme de leurs aventures partagées. Car cette liberté peut parfois se payer au pris fort, au point de laisser l’un d’entre eux sur le carreau.

Le lecteur suivra donc l’ascension de ces jeunes des quartiers pauvres de Londres, qui vont gravir un à un les échelons de la délinquance, de la rapine au vol organisé en passant par les cambriolages. Une histoire qui mêle amour et amitié, et où la trahison se cache tapie dans les recoins de cette relation fusionnelle qui anime la bande.

Gilles Bornais arrive parfaitement à retranscrire cette atmosphère de ce Londres grouillant de vie et d’activités, à brosser le contour sociale de cette société en pleine mutation et nous offre un roman plein d’humanité. Une belle histoire d’aventure pour laquelle il ne manquerait qu’une bande son pour achever de transporter le lecteur dans une époque qu’il connait mal et qui pourtant offre un décor admirable à cette comédie humaine.

Bruno, ( Passion-polar )

Le trésor de Graham
Gilles Bornais
Pascal Galodé éditions (février 2012)
Collection Polars
332 pages
22,50 €

Présentation de l'éditeur

Londres 1891. Joe Hackney ex-malfrat devenu détective à Scotland Yard est appelé en prison par Graham Gaines, condamné à mort et qui sera exécuté cinq jours plus tard. Graham Gaines, qui fut l'équipier de Joe à l'époque de leurs brigandages dans la bande des Débardeurs. Graham lui demande de mettre la main sur un magot de 17000 guinées qu'il avait caché vingt ans plus tôt, juste après leur dernier coup, sans en dire rien à personne. S'il le trouve et lui livre le nom du voleur, l'argent reviendra à ses ex-complices. Joe réunit alors l'ensemble des ex-membres de la bande : Ashby devenu indic à ses heures, Clovis la brute employée aux abattoirs, Millie l'entraîneuse, Janet la sage auteur de feuilletons pour les journaux et Nudge désormais patron d'une florissante entreprise de ferronnerie. Ils enquêtent et fouillent le passé pour exaucer la dernière volonté de leur vieux complice. Des ténébreux Docks de Londres au champs de courses d'Epsom, leurs investigations les replongent dans une histoire âpre et tragique qu'ils croyaient connaître et dont ils découvrent peu à peu la face obscure. Tous ceux qui ont gravité autour des Débardeurs deviennent suspects, jusqu'aux membres de la bande eux-mêmes... Un roman à suspense en même temps qu'une réflexion pleine de nostalgie sur l'amitié, l'amour, la trahison, le destin et les regrets d'une vie, dans le décor inquiétant du Londres de la fin du 19e siècle.

Les commentaires sont fermés.