09/07/2012
Caché, de David Ellis
Une chronique de Jacques.
David Ellis « nouvelle star du thriller judiciaire » (dixit la quatrième de couverture) est avocat à Chicago : ça tombe bien, car Jason Kolarich, le héros de son roman est lui aussi avocat à Chicago. Au moins sommes-nous assuré d’avoir un auteur qui connait son sujet, ce qui est déjà une bonne chose, même si ça ne fait pas tout.
A peine avais-je lu quelques pages du roman, que j’avais déjà un préjugé favorable. Ayant peu de sympathie, dans la vie comme dans les romans, pour les héros purs et durs, bien propres sur eux, aussi intelligents que séduisants, aussi musclés des pectoraux que derrière les oreilles, j’ai été vite rassuré : Jason Kolarich est en effet un personnage très, très malheureux. Ce qui est tout à fait compréhensible puisque la femme de sa vie vient de mourir quelques mois plus tôt dans un accident de voiture, entrainant dans la mort leur fille unique et adorée.
Difficile d’imaginer pire comme situation. Et pourtant, si : histoire d’en rajouter une couche à son désespoir, Jason se sent responsable de la mort de sa femme et de sa fille, car il aurait dû partir avec elles le jour de l’accident et il ne l’avait pas fait, préférant son travail à sa famille. Erreur fatale, que vous ne devez jamais commettre ! Avouez qu’il y a de quoi trainer des remords et un sentiment de culpabilité terrifiant jusqu’à la fin de sa vie, voire plus longtemps encore pour ceux qui croient à une vie après la vie…
Quoi qu’il en soit, il est fort heureux que l’auteur ait eu la bonne idée de rendre Jason aussi désespéré. Dans le cas contraire, il aurait été réduit à une pâle caricature de ces « héros » que je n’apprécie pas plus que vous, amis lecteurs, une caricature ressemblant à celles je décris plus haut.
Jugez-en : Jason est une ancienne star du football américain, un athlète de haut niveau. Etudiant brillant, aussi sympathique que talentueux, il devient un des avocats les plus côtés de Chicago. Issu d’une famille pauvre, il s’en est sorti par ses seules qualités aussi bien intellectuelles que morales, étant doté d’un caractère aussi trempé que l’acier le plus dur, associé à une générosité ainsi qu’une fidélité à ses amis sans aucune faille. Il faut le reconnaitre : un tel personnage, s’il ne naviguait pas à vue dans les contrées glacées du désespoir absolu, aurait de quoi être débilitant pour le lecteur lambda comme moi, qui pourrait légitimement se demander, avec une inquiétude qui irait grandissant à chaque page : « mais pourquoi je ne suis pas comme lui, moi aussi ? ». Donc, merci monsieur Ellis de m’avoir évité ainsi ce sentiment peu honorable !
Continuant ma lecture, le préjugé favorable des premières pages s’est transformé en franche admiration pour le savoir–faire de l’auteur, qui réussit à donner une véritable profondeur aux principaux personnages, en particulier celui de Jason Kolarich ou de son ami d’enfance Sammy, en usant d’une technique éprouvée et maitrisée : de fréquents retours dans leur petite enfance qui nous permettent de comprendre leurs relations, leur histoire, les raisons qui les poussent à agir.
Le rapport à l’enfance (aux enfances des différents personnages) est une donnée essentielle du livre, puisque Jason est amené à défendre Sammy, accusé du meurtre d’un pédophile soupçonné d’avoir abusé et peut-être tué sa jeune sœur Audrey disparue vingt-cinq années plus tôt, et à défendre également son jeune frère Pete qui aurait trempé dans une histoire de trafic d’armes et de drogue. En prenant le temps de montrer les événements importants de l’enfance des trois personnages et le contexte familial dans lequel ils vivaient, en développant et explicitant les sentiments d’amour fraternel entre Jason et Pete, ainsi que ce que fut l’amitié enfantine entre Jason et Sammy, David Ellis donne de la chair à son histoire et la rend aussi prenante que crédible.
Enfin, alors que dans la première partie l’intrigue semble plutôt simple, elle devient rapidement de plus en plus complexe. Les choses ne sont pas ce qu’elles semblaient être et les interrogations du lecteur se multiplient : Sammy a-t-il tué le pédophile Perlini ? Celui-ci est-t-il vraiment l’assassin d’Audrey, dont le corps n’a jamais été retrouvé ? Qui est M. Smith, l’homme qui a engagé Jason pour assurer la défense de Sammy ? Est-il un ami ou un ennemi ? Pourquoi cherche-t-il à imposer une date limite pour clore le procès ?
En menant sa propre enquête avec l’aide d’Eddie, son ami détective, Jason va nous permettre de comprendre ce qui s’est réellement passé et nous donne les réponses à ces questions dans les dernières pages. La finesse de l’intrigue va certainement vous laisser pantois : tirée au cordeau, elle est remarquable d’intelligence et de complexité.
En résumé, Caché est un excellent thriller. Des personnages d’une grande densité et toujours crédibles, des dialogues vifs, enlevés et sans fioritures, une écriture incisive qui se marie remarquablement au suspense suscité par les situations conflictuelles et par les craintes que le lecteur éprouve pour la vie des protagonistes principaux : toutes les conditions sont réunies pour que vous passiez un excellent moment de lecture pour cette rentrée 2012 (le roman sort le 30 août). Une agréable compensation à la fin de vos vacances ...
Jacques (lectures et chroniques)
Caché.
David Ellis
Editions Le Cherche Midi (30 août 2012)
464 pages, 20 €
Présentation de l’éditeur.
Issu d’une famille très modeste, Jason Kolarich a réussi à intégrer un des cabinets d’avocats les plus prestigieux de Chicago, avant qu’un drame personnel ne le contraigne à démissionner. Après une longue dépression, il recommence à travailler à son compte pour des cas mineurs lorsque un certain Mr Smith le contacte et lui propose une forte somme d’argent pour défendre un homme accusé d’homicide. Cet homme, Jason le connaît intimement, c’est son ami d’enfance, Sammy Cutler, qu’il a perdu de vue depuis des années.
Lorsqu’ils étaient jeunes, la petite sœur de Sammy, Audrey Cutler, avait été victime d’un enlèvement jamais élucidé. Et aujourd’hui, vingt-cinq ans après les faits, Sammy, que l’affaire a profondément traumatisé, est accusé du meurtre du principal suspect de l’enlèvement, Griffin Perlini, un pervers sexuel dont la culpabilité n’a jamais été clairement établie.
Afin d’obtenir la clémence du jury, Jason n’a d’autre solution que de reprendre l’enquête sur la disparition d’Audrey, avec le soutien du mystérieux Mr Smith, qui semble prêt à tout pour obtenir l’acquittement de Sammy Cutler. Au terme de celle-ci et de ses nombreux rebondissements, il découvrira une vérité totalement insoupçonnée.
10:40 Publié dans 02. polars anglo-saxons | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook | |
Commentaires
Tout à fait d'accord avec votre jugement sur cet excellent polar. L'intrigue est parfaitement maîtrisée et les personnages intéressants. Un polar à conseiller.
Écrit par : Ray | 06/01/2013
je n'ai pas compris le passage où apparait Justine >>>>2ème fille de jason? puisque Talia attend leur 3ème enfant
Mais il ne parle que d'Emily tout au long du livre!!!!
J'ai dû rater quelque chose.
Écrit par : lemercier josiane | 04/04/2013
Je n'ai pas compris non plus qu'il ne soit pas question de cette Justine ailleurs dans le roman...
Écrit par : Lucie | 27/05/2013
Même remarque en ce qui concerne Justine et d'autres erreurs de traduction aussi.
Écrit par : rose | 26/03/2014
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