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07/03/2013

Celui que tu cherches, d'Amanda Kyle Williams

celui_que_tu_cherches.jpg Une chronique de Jacques.

Pour utiliser une comparaison culinaire, il en est de la « littérature de genre » en général et du suspense en particulier, comme du cassoulet : nous savons à quoi nous attendre, mais c’est la patte du chef qui va faire toute la différence entre le « bof... » et le « succulent ! ».

Dans ce premier roman d’Amanda Kyle Williams, nouvel auteur de la collection « spécial suspense » d’Albin-Michel, nous découvrons un personnage de jeune femme détective, ex-profileuse du FBI et ex-alcoolique repentie, qui a tout ce qu’il faut pour devenir un personnage récurrent... si toutefois l’auteur lui prête vie le temps de quelques romans supplémentaires !

Tous les ingrédients du suspense sont ici attendus, et bien présents : un meurtrier en série qui terrorise la ville d’Atlanta, des enquêteurs sur les dents et soumis à une forte pression médiatique, une héroïne attachante qui va se trouver elle aussi en danger, des fausses pistes destinées à égarer le lecteur, le filet qui se resserre peu à peu autour du (de la) psychopathe, et enfin l’indispensable surprise du chef avec le rebondissement des dernières pages...

Amanda Kyle Williams reprend tous ces codes classiques et les assaisonne à sa sauce, plutôt savoureuse. Quels en sont les ingrédients ?

Tout d’abord sa narratrice, petit bout de femme dynamique, explosive et intuitive. Un personnage qui sort de l’ordinaire et donne envie de faire un bout de chemin avec elle... littérairement parlant, bien sûr. Keye Street est une jeune femme d’origine chinoise adoptée dans sa petite enfance par un couple vivant en Géorgie. Après avoir quitté son travail de profileuse au FBI, elle a créé une agence de détectives privés à Atlanta, agence qui travaille avec de grands cabinets d’avocats, une particularité du système judiciaire américain, toujours surprenant pour nous, français.

La construction de ce personnage est d’une richesse rare dans un roman à suspense. Nous savons tout de ses goûts, de ses opinions sur le monde qui l’environne, de ses désirs amoureux ou culinaires, du développement de son amour naissant pour Rauser, de ses relations avec ses parents adoptifs... et cette profusion de détails donne de la chair au roman, qui ne se contente pas de relater une banale intrigue de tueur en série détraqué du bulbe, mais nous fait également vivre une véritable histoire, ancrée dans un lieu précis (Atlanta), avec des personnages d’une grande force, qui deviennent de plus en plus attachants au fil des chapitres.

Un autre ingrédient de ce savoureux cassoulet nord-américain est la grande richesse des descriptions, que ce soit de la ville d’Atlanta (nous avons vraiment l’impression d’y être) où des personnages principaux ou secondaires. L’auteur donne une profusion de détails et sait choisir ceux les plus significatifs :

« Elle avait la voix de Lauren Bacall, à la fois rauque et douce, avec des intonations du sud. Je la détestais déjà. Regardons les choses en face. Qui vient travailler sur une scène de crime, en pleine nuit de surcroit, le nombril à l’air ? Jo était le diminutif de quel prénom, d’ailleurs ? Joseph, pensai-je avec espoir. Et ce petit coup de coude, familier, presque intime, qu’elle avait décoché à Rauser, me déplaisait carrément. Et leur façon de s’appeler par leurs prénoms ! Ils étaient bien trop copain-copain à mon goût. (...)

La climatisation était à fond, la pièce glaciale – contraste saisissant après les trente degrés centigrades dans l’atmosphère sirupeuse dans laquelle nous avions pataugé dehors. Les nuits moites de Virginie mouillent les vêtements et oppressent... ».

Enfin, elle a une façon habile d’entrelacer plusieurs histoires et de les mener en parallèle, ces histoires étant liées au travail de Keye Street. Certes, celle-ci à la demande de son ami Rauser, donne un coup de main à celui-ci pour débusquer le tueur en série en lui faisant bénéficier de son expérience de profileuse, mais elle continue dans le même temps à exercer son métier de détective, ce qui la conduit dans des situations parfois dangereuses (et l’auteur s’y entend pour susciter le suspense), d’autres fois plus amusantes (la recherche de l’animal domestique préféré d’un très riche éleveur... une vache !). Amanda Kyle Williams joue aussi de cette diversité de ton : ces moments de suspense forts, ces passages plus drôles, certains plus dramatiques. Cette diversité, en évitant un possible ennui de lecture, participe à la richesse du livre.

Nous avons là un premier roman très réussi, dans une littérature de genre où la concurrence est forte et dans laquelle nous trouvons quelques romanciers talentueux. D’emblée, Amanda Kyle Williams se trouve propulsée dans ce groupe d’auteurs dont chaque livre est attendu avec fébrilité par les lecteurs.

Ce que je vais faire pour son prochain roman, sans aucun doute !

Jacques, lectures et chroniques

 Celui que tu cherches
Amanda Kyle Williams
Albin-Michel
Collection spécial suspense, mars 2013
400 pages ; 21,50 €

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