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29/04/2015

Voici le temps des assassins, de Gilles Verdet

voici_venu.jpgUne chronique de Cassiopée.

 Comme des funambules dans la brume, les mots de Gilles Verdet émergent de tout ce noir. Sous sa plume, ils scintillent, poétisent, oscillent, avancent, touchant le lecteur dans toutes les fibres de son être, provoquant les vibratos de son âme.

C’est beau. On se délecte, on reprend son souffle, chaque paragraphe sonne comme un poème…

 Parfois, les phrases sont courtes, sans verbe, ou sans article. Ça vous cingle, paf, soudainement , comme un coup de poing :

« Un récital d’insultes et d’anathèmes. Une poésie déclamatoire, un lyrisme sauvage mélangé à la mitraille et au son du canon. »

D’autres sont plus longues :

« Voilà que peu à peu, devant moi, sur le ruban infini de bitume qui s’étirait dans le soleil battant, entre les taches d’huile brillantes et les ombres chinoises que dessinaient les arbres, je distinguais un visage de femme, un visage jeune et doux, aux yeux rieurs, aux cheveux noirs et longs qui glissaient sur ses épaules comme une cascade de souvenirs heureux. »

Mais toujours, en filigrane, des phrases qui chantent et enchantent.

 Le fil conducteur de l’intrigue qui se laisse deviner dans les derniers chapitres n’est pas le point fort du roman car il est assez classique. Les deux principaux atouts de ce livre sont ailleurs. En premier dans une écriture lyrique, sensible, parlant au cœur et à tous les sens de celui qui lit.  En second, dans la construction de cet opus avec les textes de Rimbaud et Verlaine qui lient et relient les personnages et les faits, les amarrant dans un monde parallèle où les événements du passé peuvent jouer un rôle sur le présent (et dire que nous sommes presque en mai à l’heure où j’écris ces lignes ;-). J’ai trouvé cette façon de faire absolument enthousiasmante, enrichissante, captivante. Cela scotche le lecteur, le maintient en état d’alerte par rapport aux différentes situations et le poussent à la réflexion en le tirant vers le haut.

 Reliant ce qu’il présente au club des « Vilains bonshommes », (un groupe d'artistes qui s'est formé à Paris, de 1869 à 1872, et dans lequel le passage, très remarqué, de Rimbaud sur les deux dernières années, a donné une grande renommée), l’auteur nous promène dans le passé et le présent.

Par l’intermédiaire de la rencontre de son principal protagoniste, Paul, avec un professeur passionné de la Commune, il nous fournit des renseignements sur cette période. Les parallèles entre les morts du présent et les décès du passé sont remarquablement explorés, mis en scène. On prend à cœur la quête de Paul, pour lui et pour l’épouse de Simon, qui découvre un pan caché de son mari. 

 Je ne sais pas comment l’auteur a eu l’idée de placer cette histoire dans  ce contexte, s’il est féru de poèmes ou pas, s’il s’applique à faire vivre les mots ou si ceux-ci s’imposent d’eux-mêmes à lui, comme ça, lorsqu’il écrit. Ce qui est certain, c’est que le style est purement jubilatoire.  On pourrait penser que le déroulement est lent mais ce n’est pas cela. Il faut, comme pour une poésie, que les mots fassent leur chemin en vous, que vous vous en imprégniez, qu’ils s’installent, portant votre regard vers le ciel si bleu si calme (Paul Verlaine) ou vers  le Soleil, le foyer de tendresse et de vie (Arthur Rimbaud)….

 Il n’est pas dans mes habitudes de relire un roman, qui plus est un polar, mais celui-ci est différent. J’ai peur de ne pas avoir suffisamment profité de chacun des tempo, de la musicalité des expressions, du « rendu » de la narration…. Je sais que je le relirai, peut-être « en butinant » comme on le fait d’un recueil de poèmes, en ayant pas loin, mon cahier à spirales pour noter tout ce qui, pour moi, s’inscrira dans la dimension du cœur….

  Voici le temps des assassins
Auteur : Gilles Verdet
Éditions : Jigal (Février 2015)
Collection : Polar
232 pages

ISBN 979-10-92016-32-1

 

Quatrième de couverture

 Un casse à Saint-Germain-des-Prés qui tourne mal. Un braqueur au tapis, Simon, flingué à bout portant par deux princesses saoudiennes qui se tirent avec le butin… Paul en réchappe et s’enfuit sans comprendre… Ailleurs, une femme s’immole en chuchotant un poème… Puis c’est au tour des autres, les amis de Paul, de mourir au son des rimes : écrasé, flingué sur les vers de Verlaine, suriné, étouffé en écoutant Rimbaud… Tous d’anciens anars rescapés des temps d’avant… Avant la semaine sanglante… Avant que l’eau noire de la Seine ne réveille des souvenirs oubliés… Avant le temps des assassins…

 

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