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29/06/2015

Justicier, de Manon Torielli

justicier.jpgUne chronique d’Albertine.

 Merci Manon Torielli, de nous livrer avec ce dernier roman, « Justicier »,   les errements de Tiffauges, étrange commissaire marseillais dans ce haut-pays propice aux déambulations déraisonnables, les « Basses Alpes ».

 Qui est le héros ici ? Vous avez le chic pour faire de chacun de vos personnages, des héros. Non seulement les « représentants de l’ordre », flics et juge, sont bien  présents et éminemment ouverts et empathiques ; mais les suspects, arrêtés pour leur plus grande chance (ce qui évite qu’on les soupçonne pour le crime suivant puisqu’ils sont hors circuit!) sont également humains, tellement humains. Pour l’équilibre, il y a quelque « méchant » bien méchant, et un « effrayant » justicier que l’on peut comprendre, d’autant plus qu’il va jusqu’au bout du bout dans son action de justicier.

 Les héros sont aussi des non-humains : il en est ainsi  de ce haut pays neigeux-brouillardeux propice aux fantômes, soudain transfiguré par une trouée de soleil, une lumière d’éternité ; « Les branche poudrées de neige comme cristallisées, semblaient prêtes à se briser au moindre souffle : des cordes d’instrument de musique, tendues à se rompre sous leur gaine de givre. (…) ». Il en est ainsi également de la maison, personnage à part entière, avec ses silences, gémissements, pulsations, à qui Tiffauges rend visite et parle : « si tu pouvais parler, ma vieille pomme !  » lui dit-il, tellement les messages qu’elle lui envoie sont signifiants :  « (…) le vieux, il n’a peut-être pas tort quand il dit que cette maison est maudite. En tout cas, elle renferme une espèce de secret, quelque chose de pas clair…Quand on est à l’intérieur, dans le silence de la nuit, c’est un peu comme si…comme si on entendait quelque chose ou quelqu’un suffoquer ; l’air manque tout à coup, et puis ça soupire, ça se tait… ». Et la maison a même le pouvoir de faire advenir les fantômes, un fantôme, qui sera pour Tiffauges un guide.

 En effet, Tiffauges (mais pourquoi ce nom, Manon ?) fonctionne à l’affect et à l’intuition, avec tout de même un soupçon de rationalité. Le fantôme n’interdit pas le raisonnement, et c’est tout le charme de ce personnage, taiseux parfois, bavard quand il faut, promeneur solitaire beaucoup, qui nous promène par le bout du nez. Les invraisemblances sont décisives dans la sympathie que le lecteur peut éprouver pour ce commissaire qui saura retarder son retour à Marseille de plusieurs jours afin de secourir un sac-à-puces. Comme si un homme, qui plus est, commissaire, pouvait se permettre pareille calembredaine !

 Peu importe finalement l’histoire qui nous vaut cette enquête. Peu importent les modalités du cheminement de l’enquête. Vous avez des héros, un enquêteur qui nous révèle un monde merveilleux, un pays qui nous charme et une maison qui dévoile un mystère. Notre soif d’humanité est satisfaite. Vous écrivez à la hauteur de Pierre Magnan, autre amoureux des Basses Alpes et de ses hommes.

 Ce sont quelques raisons d’aimer ce livre et d’attendre le suivant.

 

Albertine,  27 juin 2015

 

 Justicier
 Manon Torielli
Editions Wartberg (4 mai 2015)
 Collection : Zones noires
284 pages