16/05/2021
Rendors-toi, tout va bien, d'Agnès Laurent
Une chronique de Cassiopée
Un vendredi de Juin, un accident sur l’autoroute A31 en direction de Dijon. Dans la voiture, une femme blessée, inconsciente, qui est-elle ? D’où vient-elle ? Que faisait-elle là ?
STOP ! On rembobine la pellicule …
Le matin du même jour à Sète … puis tout au long de la journée …
Des extraits de vie, des personnes qui connaissent de près ou de loin cette femme, qui l’ont croisée, ou cherchée, ou entrevue. Quelques pages pour chacun, famille, amis, voisins, connaissances, inconnus qui se sont trouvés à un moment ou un autre en sa présence. Et au milieu de ces rencontres, le mari, hagard, qui s’exprime en disant « je », en ne comprenant rien car la police l’a embarqué et mis en garde à vue. Il est dans le présent, un présent qui lui échappe, entendant des questions et des réflexions qui n’ont aucun sens pour lui, « Vous n’avez rien vu, rien senti ? Ne faites pas l’innocent… » Il essaie, péniblement, de penser à ce qui a pu lui échapper, à ce qu’il aurait dû voir… Pendant ce temps, l’horloge tourne, la femme roule, s’arrête, repart, elle ne sait pas où elle va, ce qu’elle veut…. Les « témoins » - mais peut-on appeler « témoin » des personnes qui ignorent tout ? - ceux-là mêmes qui en apprenant qu’il y a, sans doute, un problème au sein de ce couple « bien sous tous rapport » - se souviennent d’un geste, d’un fait, d’une larme, d’un début de phrase … mais ça ne suffit pas …. Seul le lecteur qui a accès à tous les éléments commencent à envisager l’emboîtement des pièces d’un puzzle dont il n’ose imaginer la photographie finale.
J’ai été fascinée par la construction de ce roman qui offre le déroulé de la journée. L’intérêt principal réside dans les différents points de vue, les divers angles d’approche d’une même problématique, à savoir : pourquoi une mère de famille ordinaire plaque tout un matin sans raison apparente ? Un mari, deux petites filles, une maison, de l’argent, une vie facile, que lui manquait-il ? Petit à petit, au fil des pages, nous apprenons à la connaître. Née dans une famille modeste, peu sûre d’elle et de sa valeur, une relation compliquée avec sa mère, une routine qui s’installe, le silence quand on ne sait que dire de sa journée, un fossé parfois, qui se creuse.
« Il y a comme une bulle noire qui se forme entre nous, qu’aucun de nous deux ne parvient à percer et qui nous éloigne. »
L’écriture de l’auteur est presque chirurgicale, elle va au fond de chaque relation, de chaque situation, elle analyse les ressentis, les impressions. Petit à petit, la personnalité des deux époux se dessine, se précise, s’étoffe, alors, on entrevoit des possibilités, des secrets, des non-dits, un mal être…. Et on se dit que, bien sûr, la communication est la base de tout et que lorsqu’on la perd…. Mais c’est quelques fois plus aisé de fermer les yeux, de se tourner et de se rendormir, de se taire, de ne pas voir, de continuer le quotidien en faisant comme si… d’ailleurs on a peut-être rêvé, imaginé, alors à quoi bon se prendre la tête, se questionner puisque « tout va bien » ? Cherche-t-on alors à se persuader ? Et quand on réalise qu’on a fait une erreur, qu’on s’est trompé, il est trop tard et la culpabilité arrive …..
Malgré la douloureuse thématique abordée, ce récit ne sombre ni dans le voyeurisme, ni dans le pathos. Le ton est juste, les personnages sont tout à fait crédibles, humains. L’approche psychologique est pointue, réfléchie. Je ne sais pas comment, ni pourquoi, ni par qui la couverture a été choisie, mais je la trouve tout simplement superbe.
Ce premier roman est une réussite !
Éditions : Plon (12 Mai 2021)
ISBN : 978-2259306300
224 pages
Quatrième de couverture
Une femme dans une voiture délabrée, une autoroute, un jour de grand départ. Et soudain, l'accident. Qui est la victime ? Épouse, mère, femme ordinaire ? Qu'a-t-elle fait durant les heures qui ont précédé le choc ? Pourquoi son mari a-t-il été arrêté un peu plus tôt ? Depuis sa cellule de garde à vue, ce dernier cherche à comprendre pourquoi sa femme a pris la fuite. Que n'a-t-il pas vu, que n'a-t-il pas voulu voir derrière les " rendors-toi, tout va bien " de celle qui vivait à ses côtés ?
18:50 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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