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07/09/2011

Colère du présent, de Jean-Bernard Pouy

coleredupresent.jpgUne chronique d'Eric 

    Certains livres vous offrent comme ça l'air de rien une bouffée d'oxygène, une échappée dans un univers décalé, un moment de rêve suspendu à nos utopies loin des errements du temps présent marqué par des chiffres ou des sondages bien abstraits.

  Comme à l'accoutumée, la commune d'Arras fête son 1er mai  et tout ce que la contrée compte d'anarchistes ,d' altermondialistes, de libertaires se donnent rendez- vous là, autour du « Salon du livre d'expression populaire et de critique sociale ».Mais cette fois ci le carnaval prend une tournure particulière et concertée de révolte populaire avec barricades à tous les coins de rue, effervescence armée, tir à vue sur quelques costumes policiers... Grosso modo ça tourne mal pour la ville historique du Pas de Calais, pour la sécurité du territoire et pour les milieux autorisés . L'armée est donc dépêchée sur place avec quelques blindés peu amènes, une noria de gradés plus ou moins compétents et pour finir le ministre concerné et bien évidemment dépassé. Si le mécontentement est général le général a fort a faire pour livrer un message de bon sens à ses subalternes afin de répondre à cet état de crise .D'autant que des espions de l'armée ont été pris en otage par le camp ennemi! le moral de « la grande muette » est véritablement en berne !

Pour commencer il faut récupérer ces trois taupes en se frottant aux communards: on retrouve les espions « nus, le corps blafard à moitié peint de rouge et de noir avançant avec précaution au milieu de la rue encombrée de gravats ». Comme le dira justement notre général « il y a des jours où quand même on se marre ». Car le général Marc de la Villardeuse n'est pas un homme comme les autres, et s'il est en apparence très conscient de sa mission , il pose sur le monde un regard tantôt narquois et désabusé, tantôt cynique et amer qui ne manque pas de piquant. Il n'est pas dupe de l'autorité qui est la sienne, il en connaît les limites et sait bien que dans ce genre de circonstance le roi nu .Il carbure d'ailleurs à la méthédrine pour faire face à ces événements déconcertants.

En face le chef des libertaires (si j'ose dire!) Henry Fonda donne des ordres mais à hâte de céder ces fonctions car c'est bien beau tout ça mais il est avant tout sculpteur et l'autorité ne l'intéresse guère.

Pour l'armée ,la nudité des otages est tout à la fois une énigme et un message :ils ne s'agit pas pour le camp opposé de les humilier, ni d'en faire un sujet de moquerie; les anarchistes, les libertaires n'ont pas de problème avec la pudeur. Pour établir le contact, Marc de La Villardeuse propose à son état major ébahi de se rendre de l'autre côté des barricades tel que le créateur l'a fait, sans le moindre vêtement pour le protéger. Notre général est fort bien reçu ainsi. S'en suit des péripéties surprenantes qu'ils seraient dommage de dévoiler aux futurs lecteurs.

 A la suite de Feydeau, de Queneau ou de Boris Vian , Jean Bernard Pouy construit une sotie intelligente sur le monde contemporain . Les jeux de mots, les traits d'esprit, l'humour oulipien d'un des animateurs des « Papous dans la tête » servent de catharsis à cet univers au bord de l'explosion. Le libéralisme outrancier dans lequel nous vivons se trouve brusquement dépassé par quelques individus en grande révolte. L’auteur semble nous dire dans un accès prophétique que le malaise qui règne autour de nous et en nous pourrait prendre forme sous peu dans une envolée de colère profonde qui surgira là où on ne l'attendra pas. Les insoumis, les révoltés, « les indignés » n'attendront pas longtemps avant que leurs rébellions ne se matérialisent et mettent à bas  « la société des égos ».

 

Eric Furter

 

 Colère du présent
Jean-Bernard Pouy
Editeur : La Baleine (7 avril 2011)

187 pages

 

Présentation de l'éditeur

Tous les 1er Mai, la bonne ville d’Arras se remplit de tout qui est contre et anti. Contre l’horreur sociale et les manquements divers à une morale élémentaire, et anti travail obligatoire. Depuis le temps, ça aurait dû porter ses fruits vénéneux et semer une zizanie durable dans le train train hexagonal conduit par un pouvoir, qui, lui, fonce toujours, tête baissée, dans le mur de la honte.
Alors, cette année-là, tous ceux qui fêtent, en ce jour, la solidarité avec les délaissés, les démunis, les punis, les esclaves, ont décidé de se rebeller et de grimper une marche supplémentaire sur l’escalier de la contestation. Ils vont bloquer la ville et se préparer à subir un siège, un vrai.
Jusqu’au bout. En face, on prend tellement ça au sérieux qu’on envoie qui ? L’armée, bien sûr, bien connue pour son doigté.