13/09/2011
Buena onda, de Cesare Battisti
Une chronique de Pierre
Ex-militant de la lutte armée en Italie et réfugié à Paris, le héros et narrateur, Enzo, participe, un peu à contrecœur, à l’enlèvement du Ministre de l’Intérieur pour le remettre entre les mains d’immigrés clandestins en colère qui vivent dans un squat de banlieue. Opération inutile, car l’affaire tourne mal et, comme les kidnappeurs ont été trahis, Enzo doit se réfugier au Mexique. Il va y vivre d’incroyables aventures, de Mexico à la jungle qui abrite les maquis zapatistes. Soupçonné par ceux à qui on l’a recommandé, manipulé, se sentant constamment comme l’oiseau sur la branche et se méfiant de tous.
Au final voilà un roman d’aventures modernes intéressant à plus d’un titre. D’abord tout simplement parce qu’il s’agit d’un récit bien mené et bien écrit, dans le langage qui convient à ceux qui en sont les protagonistes. Ensuite parce que le héros est un homme attachant, pour qui le lecteur tremble plus d’une fois. Les autres personnages sont bien campés et laissent une impression d’authenticité. L’intrigue est complexe. A l’image du monde où sa fuite plonge le narrateur. Comment y distinguer le ripoux, le trafiquant de drogue, la taupe et le révolutionnaire sincère ? Un monde qui lui aussi du reste paraît crédible. Rien à voir avec l’univers manichéen où l’on distingue immédiatement le gentil et le salaud. Une œuvre donc qui ébranle certaines idées toutes faites et nous révèle, derrière les paravents des commentaires médiatiques et des agences de voyage, une réalité plus bouleversante et sans doute plus exacte.
L’auteur
Il n’est pas dit que ce roman satisfasse les amateurs de « vrais polars ». Il doit être regardé à la lumière de la vie de l’auteur. Souvenons-nous qu’il a été, « durant les années de plomb », un militant actif groupuscule Prolétaires armés pour le communisme (PAC), dont l'organisation dite « horizontale » est peu structurée, contrairement aux Brigades rouges. Ce roman est le récit d’un homme désabusé, revenu de tout, en perpétuelle fuite de son passé. Il a été écrit en 1996, durant son séjour en France. Il y était arrivé en 1978, à la suite de l’assassinat qui avait décrédibilisé l’extrême-gauche aux yeux de la population italienne. Conformément à la doctrine « Mitterrand », il avait renoncé à la violence en contrepartie de l’asile qui lui avait été accordé. Tout bascule de nouveau en 2004. Le 10 février, il est arrêté pour être extradé vers l’Italie. Cette arrestation soulève une vague de protestation, dans laquelle Vargas joue le rôle de porte-drapeaux. Il prend de nouveau le chemin de l’exil. Arrêté en 2007 au Brésil en mars 2007. La cour suprême du Brésil refuse son extradition le 9 juin 2011, il est à nouveau libre. Remis dans la perspective de ces événements, « Buana onda » prend une résonnance particulière, presque un côté prémonitoire. L’éternelle fuite de Battisti se poursuivra-t-elle ? Au-delà du destin de l’homme, il permet de s’interroger sur cette génération « perdue » qui a franchi la limite pour espérer faire triompher ses idéaux.
Pierre Mazet http://www.pierre-mazet.com/
Buena onda
Cesare Battisiti
Editions Gallimard
Collection Folio Policier
7,30 €
Présentation de l’éditeur
" En entendant le fracas des détonations j'ai tité plusieurs fois sur la silhouette qui passait dans mon champ de vision. Le corps a bondi en avant, à demi caché par la roue d'une Renault mais les pieds sont restés immobiles. Je me suis alors rué vers l'angle de la rue Vaugirard. Mon espérance de vie était directement proportionnelle vitesse de mes jambes. Une rafale a éclaté dans mon dos, assez loin, trop loin me sembla-t-il, pour être la cause de ce picotement dans ma jambe gauche. " La cavale reprend pour Enzo, ancien activatrice devenu serveur dans un restaurant chic à deux pas du Sénat. Jamais, au grand jamais, il n'aurait dû participer," pour lui donner une leçon " à l'enlèvement d'un ministre français. La planète est minuscule dès que les polices vous traquent. D'où venait le coup monté ? Quel est le prix des amitiés, à Paris ou Mexico, lorsque se monnayent les trahisons? »
14:26 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |