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09/11/2011

L'affaire Saint-Fiacre, de Georges Simenon

simenon1.jpgUne chronique de Pierre

Révisons nos classiques !

L’affaire Saint-Fiacre (1932) est demeurée longtemps un mystère, même après que Jules Maigret en a trouvé le coupable. En effet, on ne trouve nul Saint-Fiacre à 25 kilomètres de Moulins dans l’Allier (comme indiqué dans le roman) et qui corresponde à la topographie du récit !

Peu à peu, on a compris que Saint-Fiacre n’était autre que Paray-le-Frésil, où Simenon a été en 1922-23 secrétaire du comte de Tracy (qu’il appelle son "second père"). Sa connaissance des lieux et de la vie du (de ?) château lui ont permis d’y transposer, plusieurs années plus tard, le cadre de son roman. C’est aussi dans les communs du château qu’il fait naître le commissaire Maigret. C’est donc pour le commissaire un pèlerinage vers les lieux de son enfance, mais entre souvenirs et réalité, un monde bien différent s’est construit.

Le jeune comte de Saint-Fiacre a dilapidé une partie de la fortune, plusieurs parties du domaine et le château même sont hypothéqués. L’acteur régisseur, Gautier, explique avoir payé les salaires des domestiques de sa bourse personnelle.

Le plus pénible, pour Maigret, est d’apprendre que la comtesse est considérée désormais comme une "vieille toquée" entretenant des gigolos, pudiquement appelés "secrétaire particulier", et qui ont aussi contribué à éroder le patrimoine. La comtesse meurt d’un arrêt cardiaque lors de la fameuse messe, après avoir lu un mot glissé dans son missel ; cet acte particulièrement cruel et lâche est considéré comme "mort naturelle" et le commissaire n’a même pas la possibilité d’ouvrir une enquête officielle malgré les suspects : le fils, Maurice, une fois encore revenu au domaine pour demander de l’argent ainsi que le nouveau "secrétaire". Maigret en fait donc une affaire personnelle et au cours d’un dîner organisé par le jeune compte, il dévoilera le nom du coupable qu’il suspectait depuis un certain temps.

Le livre contient les personnages chers à Simenon : des jeunes gens veules, peu honnêtes ; des femmes qui le sont encore moins ; les campagnards mesquins, taiseux et méfiants, retors aussi et calculateurs à souhait. Sans oublier le médecin de campagne bourru et mécréant, doté d’une épouse bigote ; le curé tourmenté ; l’avocat jovial, grand amateur de bonne chère et abusant du vin. Les livres de Simenon ne sont pas faits pour engendrer la bonne humeur ; ses études de caractère décrivent une nature humaine aussi peu amène que possible. Au-delà, nous apparaît la vraie nature de Maigret. Son besoin impérieux de découvrir la vérité n’est pas seulement de châtier l’assassin, mais aussi de remettre de l’ordre dans une organisation sociale troublée. Au régisseur Gauthier, il reproche tout autant sa voracité que sa volonté d’occuper le château du comte. Au vicomte de Saint-Fiacre, il fait moins grief de sa vie dissolue que de son incapacité à jouer son rôle de « Comte ». Ainsi Maigret nous apparaît moins comme un policier que comme un gardien de l’ordre social.

Pour les amateurs de cinéma, je signale la magistrale adaptation de Jean Delannoy en 1959, dialogué par Michel Audiard avec Jean Gabin éblouissant dans le rôle de Maigret.

 Pierre Mazet http://www.pierre-mazet.com/

Présentation de l’éditeur

Un grattement timide à la porte ; le bruit d'un objet posé sur le plancher ; une voix furtive : « Il est cinq heures et demie ! Le premier coup de la messe vient de sonner… »

Maigret fit grincer le sommier du lit en se soulevant sur les coudes et tandis qu'il regardait avec étonnement la lucarne percée dans le toit en pente, la voix reprit : « Est-ce que vous communiez ? »

Maintenant, le commissaire Maigret était debout, les pieds nus sur le plancher glacial. lI marcha vers la porte qui fermait à I'aide d'une ficelle enroulée à deux clous. lI y eut des pas qui fuyaient, et, quand il fut dans le couloir, il eut juste le temps d'apercevoir une silhouette de femme en camisole et en jupon blanc. Alors il ramassa le broc d'eau chaude que Marie Tatin lui avait apporté, ferma sa porte, chercha un bout de miroir devant lequel se raser.