20/12/2011
Leviathan, la chute, de Lionel Davoust (chronique 2)
Une chronique de Christophe.
Début des hostilités
Voilà quelques années que je connais Lionel Davoust. D'abord, comme camarade de jeu aux Imaginales, où nous officions lui comme traducteur, moi comme modérateur. Puis, j'ai découvert ses écrits, des nouvelles puis des textes plus longs de fantasy, dont une jolie découverte, "la Volonté du Dragon". Et le voilà qui se lance maintenant dans le thriller, tiens, tiens... Mais, comme le naturel revient au galop, il nous propose non pas un roman mais une trilogie et pas un simple thriller, mais un mélange de genre original entre thriller classique et ingrédients de fantasy... Bref, j'avais hâte de me plonger dans le premier volet de ce "Léviathan", un premier tome intitulé "la Chute" (éditions Don Quichotte).
Michael Petersen a tout pour être heureux. Ce chercheur en biologie marine occupe un poste important à UCLA, sa charmante épouse est un haut cadre d'une grosse entreprise agroalimentaire, son fils de 8 ans est la prunelle de ses yeux et il s'apprête à partir pour une mission scientifique en Antarctique qui devrait déboucher sur de passionnantes études.
Oui, dit comme ça, la vie de Michael Petersen semble idyllique. Mais ce n'est pas le cas. Car la vie de Michael a été marquée par un drame des années plus tôt... Il n'avait alors que 7 ans quand il a vu sous ses yeux disparaître sa mère dans le naufrage d'un ferry, en 1984. Son père a lui aussi péri dans ce terrible accident. Michael, lui, a été sauvé des eaux, mais en a gardé un traumatisme terrible.
Devenu adulte, père de famille, il nourrit toujours une peur panique et paralysante à l'égard de l'eau de mer. Embêtant quand in est un biologiste marin passionné. Pire encore, quand on doit embarquer prochainement pour une mission majeure à destination d'un continent hostile, entouré d'une des mers les plus agitées du globe, continent qu'on ne peut atteindre qu'en bateau...
A la veille de quitter Los Angeles pour l'extrême sud du continent sud-américain où il doit embarquer avec les membres de son équipe à destination d'une base scientifique antarctique, Michael est dans les affres de la réflexion. Doit-il partir et laisser sa famille derrière lui pour plusieurs mois, doit-il affronter la peur qui le ronge et lui donne, chaque nuit ou presque, de très violents cauchemars, doit-il renoncer et perdre une opportunité scientifique comme il ne s'en représentera peut-être plus jamais ?
Presque à contre-coeur, malgré les avertissements de Sandra, la jeune femme qu'il considère comme sa soeur et qui ne cesse de lui répéter que cette mission ne peut que mal finir, malgré le déchirement qu'il ressent à laisser derrière lui son fils chéri pour plusieurs mois, malgré son incapacité à savoir s'il pourra monter sur le bateau tant il redoute ce moment, Michael se lance dans l'aventure...
Et pourtant, ce voyage est vu d'un très, très mauvais oeil par des personnages très puissants qui ne souhaitent pas du tout voir Michael Petersen aborder les côtes antarctiques. Car, sans qu'il le sache, sans qu'il en ait la moindre conscience, il est "l'enjeu et la victime" d'un Jeu Supérieur organisé par une mystérieuse organisation, le Comité, un groupe secret aussi ancien que puissant et bénéficiant de moyens d'action hors du commun.
Ce qu'ignore aussi Michael, c'est que Megan, son épouse; la mère de son fils,, travaille pour cet organisme. Elle a justement épousé le biologiste pour le surveiller de près et s'assurer de la bonne marche du projet. Et le coeur de cette mission, c'était justement de tout mettre en oeuvre pour empêcher Michael Petersen de se rendre un jour ou l'autre en Antarctique...
Mais, après presque une décennie de vie commune, Masha (alias Megan Petersen) a changé. Heureuse aux côtés de son époux, ayant découvert les joies de la maternité, elle s'est attachée plus qu'il ne l'aurait fallu à sa nouvelle vie. Et, au lieu d'obéir docilement aux ordres, elle a fini par vouloir comprendre pourquoi le Comité s'intéressait tant à celui qu'elle considère désormais vraiment comme son époux. Alors, au lieu de le décourager d'entreprendre ce voyage en territoires hostiles (et pas qu'en raison du climat...), elle va l'aider, le convaincre d'y aller, au risque de se mettre elle-même en danger... Ou pire, de mettre en danger leur fils.
Alors, elle va devoir retrouver au fond d'elle-même des pouvoirs qu'elle refoulait depuis longtemps et se méfier de tous, alliés d'aujourd'hui comme adversaires d'hier...
Je n'en dis pas plus sur l'histoire de ce premier tome, qui va crescendo jusqu'à une fin hyper rythmée, comme une respiration qui s'accélère, un coeur qui bat de plus en plus fort sous l'effet de la tension. Lionel Davoust adopte pourtant d'emblée une narration éloignée des cadences effrénées de bon nombre de thrillers actuel. On s'installe, on découvre le contexte, les personnages...
Enfin, on les découvre, pas vraiment... Car, le thriller made in Davoust rend un poil parano. Au fil des pages, l'apparition de cette étrange société secrète et la mise au jour de certaines de ses ramifications font peser sur le récit une chape d'angoisse larvée très efficace. Car tout est flou (dans le bon sens du terme) : qui sont vraiment les membres du Comité ? Quels intérêts défendent-ils et quels objectifs poursuivent-ils ? Qui travaille pour eux ? Et, plus prosaïquement (même si je soupçonne la problématique davoustienne d'être moins simpliste), on ne sait pas qui sont les gentils et les méchants ?
Au coeur du récit, les deux personnages centraux que sont Michael et Masha/Megan ont aussi leur part d'ombre et leur lots d'ambiguïtés. L'existence de Michael ne se résume sans doute pas au drame épouvantable vécu enfant et qui paraît avoir conditionné toute sa vie. Mais lui-même est dans l'ignorance de ces autres facettes sur lesquelles l'Antarctique pourraient bien agir comme un révélateur. Et nous, lecteurs, sommes dans ces pas, à l'affût de ce dévoilement progressif.
Quant à Masha, sous ses airs de jeune femme ayant réussi à concilier son statut de working girl et sa situation de mère de famille, elle aussi cache une personnalité bien plus complexe, un passé mystérieux et des aptitudes qui, je pense, n'ont pas fini de nous surprendre d'ici la fin de la trilogie...
Un mot pour évoquer la partie du roman qui se déroule en mer. Un conseil, n'oubliez pas, avant lecture, d'avaler une pilule contre le mal de mer... On y est vraiment, on sent le remous, les vagues, les creux, on tangue avec eux et pas qu'un peu. J'ai sans doute été influencé par la très belle couverture du livre, mais j'ai eu la sensation, durant la traversée du Chili vers l'Antarctique, d'un voyage en noir et blanc. Oui, pour moi, la mer était d'un noir d'encre, accentuant son côté hostile, agressif. Mais même elle ne dit pas clairement si elle est amie ou ennemie, tout comme sa faune, qui pour le moment, n'a fait que de brèves mais intrigantes apparitions dans l'histoire.
Allez, une dernière remarque, pas une vacherie, une taquinerie, envers Lionel. Pour ceux qui connaissent déjà son univers de fantasy, vous avez sans doute lu "la volonté du Dragon"... Bizarrement, dans ce premier opus de "Léviathan", j'ai retrouvé des ingrédients déjà croisés dans ce précédent ouvrage : la mer, les bateaux, un jeu dont les pièces sont vivantes, le sort d'une humanité qui se règle dans des parties acharnées qui la dépassent pourtant et des joueurs disposant de pouvoirs extraordinaires...
Mais, en changeant la matière d'accommoder ces ingrédients, Lionel Davoust, pour sa première incursion dans le thriller, nous sert un premier tome de qualité, parfaite introduction à la suite du récit car, la dernière page tournée, on n'a qu'une envie : attaquer le tome 2 !!!
Car le climax final ne nous en dit guère plus sur ce qui se trame réellement et l'on a bien besoin des deux tomes à venir (où, n'en doutons pas, le fantastique se taillera une part bien plus large) pour dissiper les brumes épaisses dans lesquelles ces 400 premières pages nous ont plongés.
Christophe
http://appuyezsurlatouchelecture.blogspot.com/
Voici une autre chronique sur ce roman publiée également sur "un polar collectif". Celle-ci est de Paco.
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