28/12/2011
Maelström, de Stéphane Marchand
Une chronique de Christophe.
"Souviens-toi de ne pas m'oublier..."
Des jours, des semaines que je vois sur un célèbre réseau social Stéphane Marchand parler des fluctuations des ventes en ligne de son dernier roman. Quoi, un thriller français que je ne connais pas ? Pas une minute de plus à perdre, me dis-je, participons à la hausse du cours de ce livre en l'achetant illico, si possible avant la fin de l'exercice 2011 ! Et voilà comment "Maelström" (en grand format chez Flammarion) a rejoint il y a quelques jours ma bibliothèque, d'abord comme livre à lire puis comme lecture du moment et enfin comme sujet de post sur ce blog.
Un incident spectaculaire réveille San Francisco en pleine nuit, laissant la police dans le doute : meurtre ou suicide ? Deux hommes ne vont pas se poser la question longtemps, puisqu'ils sont contactés dans la foulée par l'assassin, qui se fait appeler "le Maestro". Et les deux hommes, éberlués, vont apprendre que ce crime n'est que le début d'une série...
Le premier, Dexter Borden, est un agent du FBI ; le second, Harold Irving, est un romancier à la dérive, chez qui les abus d'alcool et de stupéfiants ont laissé des séquelles. Ils ne se connaissent pas, n'ont aucun point commun et, après une première rencontre qui vaut son pesant de cacahuètes, vont devoir s'allier afin de comprendre pourquoi le Maestro les a choisis eux précisément et comment ils vont faire pour empêcher de nouveaux meurtres, si tant est que cela soit possible...
Car le Maestro, comme son sinistre surnom l'indique, mène son monde à la baguette. Et il invite (peut-on vraiment parler d'invitation quand on a guère le choix ?), il convoque ces deux hommes à un véritables jeu de piste, jalonnés de victimes bien abîmées, afin de remonter jusqu'à lui et comprendre les raisons de sa soif de vengeance.
Borden et Irving se retrouvent donc à mener une enquête clandestine, illégale, même, aidés par une troisième participante involontaire, Franny Chopman, médecin légiste, ex d'Irving, chargée d'examiner discrètement le corps des victimes du Maestro pour y découvrir de nouveaux indices laissés là par ce maître du jeu complètement déjanté.
Petit à petit, alors qu'ils ont systématiquement un voire deux temps de retard sur le Maestro, Borden et Irving ne peuvent que constater que leur mystérieux adversaire est implacable avec eux, impitoyable avec ses victimes. Mais, même lorsqu'ils devient évident qu'ils ont un rôle à jouer dans le scénario machiavélique du tueur, ni Borden, ni Irving ne parviennent à saisir dans son ensemble le plan du Maestro...
Lorsqu'ils en comprendront enfin la finalité, il sera bien trop tard, et personne n'en sortira indemne...
Difficile de vous en dire plus sur l'histoire de ce thriller haletant que je ne voudrais pas trop déflorer. Mais sachez que c'est un roman à l'écriture très rapide, un vrai "page-turner", comme on dit, avec des chapitres courts et une action qui avance à vive allure. Sacrément efficace, quoi.
J'ai aimé la construction de ce roman, dont aucun des éléments n'est inutile. Tous sont les pièces du double puzzle qu'est le roman d'une part et le plan du Maestro de l'autre. L'assemblage se fait au fur et à mesure, inéluctablement et, si l'on accepte les postulats de départ, on ne peut que marcher, que dis-je ? courir se jeter dans la gueule du loup...
J'ai fini essoufflé cette lecture, abasourdi par le dénouement et l'explication finale. Pas une seule fois les nombreux rebondissements ne m'ont paru s'accumuler de façon indigeste, comme ça arrive parfois quand un auteur veut trop en faire. Non, ici, c'est de ma mécanique horlogère et, jusqu'à la dernière page, on se dit que rien, dans ces 340 pages n'a été innocent. De la belle ouvrage.
Evoquons quand même une des thématiques importantes du livre, même si je ne vais encore une fois pas rentrer trop dans les détails pour ne pas risquer de spoiler. Cette thématique a inspiré le titre de ce billet, extrait d'une chanson et qui revient souvent sous la plume du Maestro : l'oubli est-il la solution idéale pour surmonter un drame atroce ?
Dans "Maelström", roman bien plus ordonné que ne le suggère le titre (le maelström, dans son acception littéraire, est un mouvement impétueux, nous rappelle Marchand en exergue), il y a les personnages qui connaissent parfaitement la situation, ceux qui n'en connaissent qu'une partie, ceux qui ont oublié ces évènements funestes et ceux qui vont tout découvrir de cette histoire à laquelle ils se pensaient étrangers...
Mais, tous, au final, vont beaucoup apprendre sur eux-mêmes, sur leur existence passée et la façon dont elle détermine leur vie présente. Avec, au final, la même question qui va se poser une nouvelle fois : après de telles révélations, après les meurtres horribles qui ont été perpétrés pour aboutir à ces révélation, faudra-t-il tout refouler au fond de son esprit jusqu'à oublier pour surmonter ou bien faudra-t-il garder le souvenir de ces actes, malgré le traumatisme ?
Mais le vrai thème de ce thriller, c'est la culpabilité. Comment on vit ou comment on ne réussit pas à vivre avec. Chacun des personnages est tourmenté, se reproche, consciemment ou inconsciemment, des choses. Parfois, les causes de cette culpabilité sont très graves, parfois elles peuvent sembler plus bénignes, sans pour autant rendre cette culpabilité moins handicapante.
La dernière partie du roman s'appelle "rédemption". Ce n'est pas un hasard, tous les participants à ce jeu macabre vont y trouver des réponses pour apaiser, si ce n'est guérir, leurs maux. Radicalement. Mais ces réponses vont apporter des vérités plus fortes que la culpabilité ou le traumatisme. Et ça n'a pas de prix pour ces âmes brisées.
Pour finir ce billet, un mot de la très belle couverture de "Maelström". Elle m'a intriguée, m'a donné envie de me plonger au plus vite dans ce livre.
Et puis, je signale la très belle "bande originale" qui accompagne ce thriller. Car la musique joue un rôle particulier dans l'histoire mais aussi dans le rythme que nous impose Marchand. Bien sûr, avant tout, Louis Armstrong (embringué bien malgré lui dans cette histoire) et Ella Fitzgerald, dont le titre "Cheek to cheek" semble obséder le Maestro. Mais aussi Led Zeppelin, Frédéric Chopin ou Astrud Gilberto. Une musique variée et agréable qu'on entend parfaitement en sourdine pendant la lecture et qui vient adoucir ce récit mené tambour battant.
Je ne connaissais pas Stéphane Marchand, j'ai découvert presque par hasard "Maelström" et je ne le regrette absolument pas. Voilà un thriller français qui vaut bien des thrillers anglo-saxons. Persévérez, monsieur Marchand !
Christophe,
http://appuyezsurlatouchelecture.blogspot.com/
Vous pouvez lire également une autre critique de Maelström signée par Christine.
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