03/06/2011
Maelström, de Stéphane Marchand
Une chronique de Christine
Ne vous est-il jamais arrivé, alors que vous aviez prévu un itinéraire bien précis pour aller du point A au point B, de bifurquer soudain au dernier moment parce que vous avez la brusque envie d’emprunter le chemin des écoliers ?
Et bien, mes p’tits loups, je suis tout comme vous. Si, si ! Je pensais savoir dans quel ordre très exactement prendre les livres sur la pile pour les prochains articles. Et puis non !
Arrive le livre qui correspond pile poil à mes envies de viande bien saignante, de vengeance bien musclée, de consommation d’hectolitres d’adrénaline on ze rocks.
Qu’auriez-vous fait à ma place ?
Merci ! J’étais sûre que vous me comprendriez, et c’est bien pour ça que je vous aime.
Je voudrais perdre la mémoire, Pour ne plus changer de trottoir, Quand je croise mes souvenirs… *
La vie n’était déjà pas simple pour Harold Irving, plus ou moins écrivain, plutôt plus que moins étiqueté « looser », et la mémoire butant sur un traumatisme apparemment si horrible qu’il en a quasiment tout oublié. Sa vie, pourtant, va singulièrement se compliquer.
Dexter Borden, agent du FBI, a reçu un appel anonyme. L’auteur, un homme qui se surnomme lui-même « le Maestro », a tout l’air d’un meurtrier particulièrement imaginatif. Il indique à Borden le lieu d’un premier crime, puis une série de détails afin de commencer un jeu de piste. Car d’autres crimes sont à venir.
Et le but du jeu est de découvrir « Pourquoi ? ».
Bien sûr, pas question de refuser car un « non » aurait des conséquences… explosives.
Borden est donc aimablement, mais très fermement, prié de mener l’enquête avec l’aide d’Harold.
Sur le mur du salon d’Harold, en lettres de sang, un message commençant par : « Je suis venu vous dire que vous allez mourir ».
Avouez qu’il y a de quoi s’inquiéter, non ?
Chaque cadavre amène son lot d’indices et de révélations distillées au compte-gouttes par le Maestro. Tout est prévu, tout est mis savamment en scène, il y a là un scénario redoutable devant les mener vers la vérité.
Car ce n’est pas par hasard que le Maestro a mis Dexter et Harold en présence, et le choix des victimes est tout sauf aléatoire.
Quel est le lien entre tous les personnages, et quel a été l’élément déclencheur de ce qui s’annonce comme une effroyable vengeance ?
La solution est enfouie, quelque part, dans les souvenirs d’Harold.
« Souviens-toi, souviens-toi de ne pas m’oublier »…
Je n’avais jamais buté quelqu’un pour le plaisir. Ou alors pas complètement. Ouais, moi, Hercule Zelnik, mon job, c’est de délivrer les âmes des créatures trop abîmées. **
Un thriller, bien croustillant dessus, bien juteux à l’intérieur, bref, tout pour se refaire une santé. Aucun risque d’anémie, ce n’est pas l’hémoglobine qui manque. Avec un souci du détail, ma foi, assez irrésistible !
Cela démarre donc très fort. L’alternance d’un personnage à l’autre est ainsi faite que vous en saurez juste assez, peut-être même encore moins, pour rester à chaque fois sur votre faim. Alors si vous pensiez lire simplement quelques pages, puis faire autre chose ensuite, oubliez !
Peu à peu, vous entrerez dans l’intimité d’Harold, dans ses pensées, ses souffrances. On a envie de connaître le pourquoi de toute cette violence dont l’origine semble lui être liée. Tout en ayant peur de découvrir la vérité. Car elle n’est pas jolie-jolie, c’est le moins qu’on puisse dire.
Beaucoup de révélations qui font que petit à petit, au début, puis à un rythme soutenu vers la fin, on s’achemine vers une autre manière de considérer les personnages. Les « bons » le sont-ils vraiment ? Les apparences ne sont-elles pas trompeuses ? Le Maestro n’est-il qu’un horrible individu sans foi ni loi ?
Les personnages secondaires le sont-ils autant qu’il y paraît ?
Évoquons de suite les quelques bricoles que d’aucuns pourraient débusquer : il y a quelques coquilles, oui. Il y a quelques scènes qui, bien qu’affriolantes, ne présentent pas un réel intérêt, oui. Il y a quelques passages un peu superficiels, oui. Il y a un démarrage sur les chapeaux de roues, puis un fléchissement avant de reprendre en accélérant pied au plancher, encore une fois oui.
Ah, j’oubliais, il y a quand même quelques mares de sang et quelques atrocités çà et là.
Bon, ça, c’est fait.
Je peux donc poursuivre : il y a tout ça, certes. Et alors ?
Personnellement, je n’ai absolument rien contre les flaques d’hémoglobine, j’aurais même tendance à amener un sucre pour faire un canard. Nous sommes dans un thriller, et il est de bon ton et de bon aloi qu’un thriller soit effrayant. Là, mission accomplie. Miam !
Et puis, ne vous y trompez pas : si vous pensez avoir affaire à un livre simplement bourré de scènes gratuitement spectaculaires, il n’en est rien. Plus vous avancerez dans l’intrigue, plus vous vous rendrez compte de la vaste palette des thèmes abordés.
Alors, les passages un peu superficiels ne sont finalement pas de trop pour alléger l’ambiance qui aurait pu très vite sombrer dans le glauque et poisseux.
Le tout écrit avec un style vif, descriptif, très vivant. Avec un sens du détail et des petites digressions divertissant et rafraichissant.
Cela aurait pu être une lecture stressante. En fait, pas du tout. Paradoxalement, je l’ai trouvée très revigorante !
(Oui, je sais, vous êtes en train de penser qu’il est temps que je prenne un rendez-vous avec un psy quelconque. Rassurez-vous, je vais très bien, merci.)
Il y a une belle énergie dans ce livre, un plaisir d’écrire très palpable, (est-ce que c’était jubilatoire de glisser mine de rien, rien qu’exprès pour nous faire baver d’envie, des noms de voitures aussi prestigieuses ??) et c’est l’un des éléments auxquels j’ai été sensible.
Vu les promesses de celui-ci, j’attends la confirmation dans le prochain livre !
Car, enfin, last but not least, lorsqu’un auteur mêle Talisker et Chopin dans un même livre, moi je m’incline car c’est sûr, cet homme-là ne peut être que fréquentable et donc « lisible ».
P.S. : Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à jouer au Poker ? Décidément, il est temps que j’essaie d’en connaître au moins les règles de base.
* La mémoire ; Georges MOUSTAKI
** Cinquième étage ; Cyrille AUDEBERT
Christine, (Blog : Bibliofractale )
Maelström
Stéphane MARCHAND
Flammarion
343 pages ; 19,90 euros
Présentation de l'éditeur
" Je suis venu vous dire que vous allez mourir. Signé : le Maestro ". Cette inscription tracée en lettres de sang sur le mur de son salon bouleverse Harold Irving, un écrivain dont la vie part en lambeaux. S'engage alors un terrifiant jeu de massacre orchestré par le Maestro. Pris au piège de ce tueur machiavélique et sans limites, Harold va s'unir à Dexter Borden, un flic du FBI, et Franny Chopman, un médecin légiste, pour tenter d'enrayer la mécanique d'une implacable vengeance. Mais comment échapper à un monstre qui a tout prévu, tout planifié, anticipé la moindre de vos réactions ? Entre Dexter et Californication, Maelström vous entraîne de San Francisco à Philadelphie dans ses courants irrésistibles.
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