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03/06/2011

Bizango, de Stanley Péan

bizango.jpgUne chronique de Richard

Certains romans nous passionnent, d’autres nous jettent par terre et certains autres nous angoissent ou nous font peur. Et bien, «Bizango» de Stanley Péan m’a tout simplement charmé. Un style tout en nuances, une histoire magnifiquement racontée, des personnages attachants et la découverte d’une communauté bien particulière dans un Montréal multi-ethnique et très contemporain. Un très bon moment de lecture.

Mais avant de vous parler de ce roman, j’aimerais vous présenter ce personnage qu’est Stanley Péan. Dans la dédicace qu’il m’a gentiment écrite lors du lancement de son roman, il présente «Bizango» comme les mille visages du suspense; et bien, à la lecture de la courte biographie que je vais vous offrir, vous verrez quels sont les mille visages de cet homme, qui s’est déjà défini comme un type peu fréquentable !

Stanley Péan est né à Port-au-Prince et a été élevé à Jonquière, dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean. Homme aux multiples talents, je n’oserais me prononcer sur son occupation principale: auteur pour la jeunesse, écrivain pour adultes,  nouvelliste, musicien et auteur de chansons, passionné de jazz, journaliste, chroniqueur littéraire, animateur de radio, co-fondateur de nombreuses revues dont l’excellente «Alibis». Pendant très longtemps, président de l’Union des écrivains du Québec, il réussit à peu près tout ce qu’il touche.

«Zombi blues» était le dernier roman pour adultes qu’il avait publié en 1996. Après 15 ans d’attente (on espère que le prochain sera publié plus rapidement), Stanley Péan nous offre un roman qui sort des sentiers battus, indéfinissable, inclassable mais tellement intéressant ! «Bizango» est un peu un roman policier, mais il est aussi un récit fantastique. De plus, l’auteur nous présente quelques facettes de cette communauté haïtienne de Montréal, dans un véritable voyage ethnologique au travers sa population, son histoire récente, ses croyances, les gens qui réussissent et ceux qui ne peuvent pas, les criminels et petits pégreux et aussi et surtout, le langage. Durant toute la lecture, le lecteur sera enveloppé par le soleil du langage créole ... et surpris par la violence de certaines phrases !

Parlons donc maintenant de l’histoire !

Gemme, de son véritable prénom Domino, a quitté son île, remplie d’espoir, pour se trouver une nouvelle vie, pour se donner une chance; à onze ans, sa mère l’a confiée à une famille aisée de Montréal. Au lieu de l’accueillir comme une fille, le père et le fils de la famille, s’en sont plutôt servi, comme bonne et comme objet sexuel. Puis, de famille d’accueil en famille d’accueil, elle s’est retrouvée amoureuse d’un proxénète qui l’a bientôt «mis en service». «Toute sa vie, elle s’était sentie prisonnière des quatre volontés de ceux qui décidaient pour elle ...»

Depuis quelques temps, un être bizarre se promène dans Montréal; il est doté d’un pouvoir spécial, d’une faculté étrange. On ne sait pas s’il est bon ou méchant, tout dépend de la circonstance où il utilise ce pouvoir particulier. Cet «homme» qu’on appelle le «Bizango» se lie d’amitié avec cette superbe prostituée. Poursuivie par son souteneur, elle sera protégée par son étrange compagnon .

Alors, commence une chasse terrible où les proies seront poursuivies par des «prédateurs» aux multiples intentions:

•Venel Jean-Paul dit Chill-O, patron d’une bande de la petit pègre haïtienne qui vit de la prostitution, de plus ou moins gros larcins et de vente de drogues; Gemme est sa «pute préférée» et sa fuite le met en rogne;

•Andréa Belviso, journaliste dans un quotidien de Montréal, affectée «aux chiens écrasés» mais qui se passionne pour cet étrange personnage qu’elle pense avoir rencontré à  New-York, lors de l’attaque terroriste du World Trade Center;

•Lorenzo Appolon, policier haïtien, inconfortable dans ses rapports avec les membres de sa communauté et le sergent détective Carole-Anne Leclerc.

Pendant cette «chasse à la femme», l’auteur met sur leur route des personnages fabuleux qui nous racontent, chacun à leur manière, l’esprit haïtien en exil. Tout d’abord, le très doux Papy Boko, grand prêtre de la religion Vaudou et reconnu comme le maître spirituel de toute la communauté haïtienne de Montréal. La cartomancienne Mado Lafortune, ancienne partenaire d’arnaques avec le «Bizango». Marie-Marthe, la femme de Lorenzo Appolon, propriétaire d’un restaurant où aura lieu un événement marquant de l’histoire. Et finalement, Jeremy Shelley Wells, personnage énigmatique chez qui se réfugient Domino et le Bizango; le vieil homme, malgré sa cécité, est capable de voir et de sentir les événements qui se dessinent autour de lui.

Le roman de Stanley Péan possède toutes les qualités que l’on recherche dans une lecture de polar. Une valeur ajoutée vient augmenter notre plaisir de lire: ce voyage dans la culture haïtienne, ce bain dans le langage créole donne une saveur poétique à l’histoire, même si parfois les mots sont durs.

 Certains amateurs de romans noirs, purs et durs, pourraient être dérangés par le côté fantastique du personnage principal. En ce qui me concerne, cet «aspect magique» du Bizango que vous découvrirez en lisant le roman, se trouve complètement justifié. Dans l’esprit et le climat du récit et dans le développement de l’histoire, cet envoutement, cette malédiction nous apparait comme étant tout à fait naturels. Voilà le tour de force que l’auteur a réussi !

J’ai aimé ce roman qui devrait plaire à tous. Je vous le recommande pour le plaisir de découvrir cette communauté par les yeux d’un auteur de talent. Je vous le recommande aussi car quelque part, «Bizango» est le roman d’un Montréal actuel, d’un Montréal multi-ethnique, avec ses difficultés d’intégration et parfois ses moments tendres de mixité culturelle. Je vous le recommande également pour ce qu’il est aussi: une très belle histoire d’amour !

Et pour vous mettre l’eau à la bouche, pour vous faire goûter à toute la poésie de la langue créole, je vous offre, au nom de l’auteur, ces quelques extraits:

«Fuckin’ bouzen, pa kwè ou ka fuck avè m, non

«Mèt, men gen yon lot nan pitit ou ki tounen Men Domino, wi

Et une superbe berceuse, que la plupart des petits Québécois connaissent:

«Dodo, tipiti manman

Dodo, tipitit papa

Si w pa dodo, krab la pral manje w

Si w pa dodo, krab la pral manje w.»

Ah oui, vous voulez la traduction? ... Aucun problème, en lisant ce très bon roman, chaque phrase écrite en créole est traduite par l’auteur; vous n’aurez donc aucune difficulté à bien comprendre les quelques phrases en créole du roman. Et, en plus, la lecture de cette histoire, vous permettra de vraiment savoir, ce qu’est un Bizango.

Et afin que vous ne m’en vouliez pas trop, je vous laisse avec le lien pour entendre la très belle chanson écrite par Stanley Péan, chanson qui accompagne très bien la lecture de ce roman.

http://www.stanleypean.com/?page_id=574

Bonne lecture !

Richard, Polar Noir et blanc : http://lecturederichard.over-blog.com/

Bizango *
Stanley Péan
Les Allusifs
2011
295 pages

* Disponible également en France

Le site de l'auteur :

http://www.stanleypean.com/

 

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