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20/01/2012

Le jeu du pendu, d'Aline Kiner

jeu_du_pendu.jpgUne chronique de Pierre

Après avoir supposément sur-réagi dans une affaire de suicide d’enfant, l’efficace commandant Simon Dreemer est limogé de Paris à la SRPJ de Metz. Il rejoint le lieutenant Jeanne Modover, une fille du cru aux méthodes douces, pour enquêter sur un meurtre, puis une série de meurtres de jeunes filles ligotées comme un « Dieu piteux » (sculpture du Christ moyenâgeuse) et étouffée dans la boue dans la terre molle et crevassée par les anciennes mines. Ce sont des jeunes-filles du village, où a grandi Laura qui sont assassinées, aussi a-t-elle également l’impression d’enquêter sur sa propre enfance. Dreemer l’aide à mettre ce passé à distance pour arrêter les meurtres.

Au fil d’une intrigue prenante, Aline Kiner évoque l’histoire méconnue de la Moselle au 20e siècle. Laissant la parole à tous les personnages du village qu’elle a imaginé (le vieux résistant déporté et archiviste du village, la maîtresse d’école, le chef de la résistance pendant la guerre, d’anciens mineurs qui ont perdu la santé à leur travail…) elle dresse une fresque humaine très touchante. Entre roman psychologique, historique et thriller, le livre revient sur le douloureux été 44, particulièrement terrible dans cette région de Lorraine redevenue allemande pendant la guerre. Et Aline Kiner évoque avec infiniment de poésie la terre de Moselle hantée par le passé de la mine et détruisant encore corps et bâtisses. Un roman sensible, documenté et qui se lit en une seule fois.

Construit simplement mais efficacement : dans une enquête policière où le déroulement dans le temps a une très grande importance, quoi de mieux, pour le rendre, que de l’indiquer tout simplement ! Les divisions deviennent alors des jours, et les subdivisions, des heures ; mais attention, ce n’est pas fait de façon automatique, il faut varier ces paramètres en fonction de l’évolution de l’enquête et de ses rebondissements. Ce qu’Aline Kiner fait naturellement, laissant ainsi pointer son talent.

Autre facette dudit talent, le suspens : avant de réussir à deviner quel est l’assassin, il en faut du temps ; mieux, le lecteur ne le découvre qu’au moment où cela devient absolument indispensable à la conclusion de l’enquête ; c’est dire alors que l’auteur maîtrise parfaitement l’art de mener une enquête.

Histoire simple, sans nul doute, mais qui se complique au fur et à mesure où, au contraire, l’enquête aidant, elle devrait se simplifier et trouver une conclusion tout à fait logique. C’est une histoire de pendu et d’un jeu, oh combien macabre, qui trouve des prolongements dans l’assassinat, quelques trente ou quarante ans plus tard, de deux jeunes filles complètement innocentes.

Les personnages sont ainsi traités qu’ils entraînent la sympathie du lecteur, les deux policiers principaux, Jeanne et Simon, dont la complicité dans l’action, et l’humanité dans leurs relations aux interrogés nous montrent un visage presque idéal de ce que devrait être chaque policier. Tout aussi intéressants, souvent émouvants, voire poignants sont les témoins involontaires du drame, de l’ancienne institutrice à la retraite au mineur lui-aussi en retraite et victime d’un accident grave de la mine.

La Mine ? à défaut de la considérer comme le principal personnage, frappante est l’atmosphère qu’elle dégage tout le long de son roman ; il y a une vérité de ces paysages, de tout ce qu’ils dégagent, de cette empreinte qu’ils ont laissée sur les hommes ; difficile à analyser en termes objectifs, car il y a des sentiments qui ne se livrent pas à la critique scientifique. Ici, c’est vraiment de l’ordre affectif : on sent que l’auteure aime cette terre, celle de son origine, elle ne le proclame pas sur tous les toits, mais elle nous le fait sentir par la façon dont elle en parle. C’est très beau et en même temps très émouvant !

 Deux mots de l’auteur :

Fille de mineur, Aline Kiner a passé son enfance dans un petit village de Moselle, entre usines des vallées sidérurgiques et forêts du plateau lorrain. Depuis toujours, elle est animée par le besoin d'écrire, et l'envie de comprendre le monde, ce qui se cache derrière les apparences, mais aussi les gens, ce qui les motive et les tient debout. "Montée" à Paris, après des études de lettres, pour suivre son compagnon, elle a l'occasion d'approcher un monde qui lui était jusqu'alors inaccessible, celui de la presse. Après des années de formation, notamment à FR3 Île-de-France, elle passe plusieurs années à la revue Thalassa, en tant que rédactrice en chef adjointe, puis entre à Sciences et Avenir, où elle coordonne les rubriques environnement et archéologie, avant d'être nommée rédactrice en chef en 1999. Elle dirige aujourd'hui les hors-série de cette revue. Passionnée par l'histoire, particulièrement le Moyen Âge, elle a publié en 2004 La Cathédrale, livre de pierre, aux Presses de la Renaissance. Le Jeu du pendu est son premier roman.

                                                              Pierre Mazet

http://www.pierre-mazet.com/

Le jeu du pendu
Aline Kiner
Lian Levi (janvier 2011)

Quatrième de couverture

Un paysage tranquille de Lorraine, à l'abri du ciel et du vent. Mais l'impression est trompeuse. Les blessures de la guerre, les vieilles haines et la mine y ont creusé bien des failles. C'est dans l'une d'elles qu'un matin d'hiver, le cadavre d'une jeune fille est retrouvé, une corde savamment nouée autour du corps. Le lendemain, on découvre un curieux assemblage de brindilles dans le cimetière du village, à l'endroit même où, en 1944, au lendemain de la Libération, un homme a été pendu. Simon Dreemer, tout juste muté au SRPJ de Metz, et le lieutenant Jeanne Modover, une enfant du pays, devront sonder les âmes et les souvenirs des «gueules jaunes», ces anciens des mines de fer malmenés par l'Histoire. Lesquels des fantômes de la guerre ou de la mine sont revenus pour sacrifier des adolescentes ?