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23/01/2012

Le crépuscule des Gueux, de Hervé Sard (chronique 1)

crepuscule_des_gueux.jpgUne chronique de Cassiopée.

Voir au crépuscule ….

Le crépuscule, c’est ce moment de la journée, ni jour, ni nuit où les contours des silhouettes et des objets sont flous, à tel point qu’on peut aisément ne pas les voir, les oublier …. Et croire (ou faire semblant de croire par facilité) que les choses sont d’une façon alors qu’elles sont d’une autre…

Les Gueux habitent « le Quai » mais on aurait pu l’appeler le crépuscule, cette zone qu’on préfère voir de loin (des fois que ce soit contagieux) ou alors de près si on est « bleus » et qu’on a besoin d’un coupable. Dans ces cas là, on « ramasse » et on repart vite …
Une zone pas très nette, floue comme un crépuscule …. Un lieu avec des gens qu’on distingue mal, qu’on oublie …
Parce que, bien entendu, les Gueux, même avec une majuscule, ce sont les autres, ceux qui n’ont pas su lutter, se battre, en vouloir suffisamment pour s’en sortir … On est bien d’accord, cela ne peut pas nous arriver, on ne sera jamais comme eux, sans travail, puis sans famille, et enfin sans maison … Pourtant les Gueux, dans ce roman, ils pourraient nous en apprendre, la solidarité ils connaissent, vivre au présent sans se poser de question, c’est leur philosophie, observer sans rien dire, sans juger, ils savent faire, profiter de chaque instant à fond sans se prendre la tête c’est une habitude …. En sommes-nous capables ?

Mais que viennent-ils faire dans un roman policier ? S’ils sont coupables, qu’on les arrête et qu’on n’en parle plus …. Ne vivent-ils pas aux crochets de la société en détournant l’eau potable sur leur terrain vague ?

Leur no man's land a le tort d’être proche du lieu où des femmes sont mortes dans des circonstances pour le moins bizarres … donc des visites de la police et des enquêteurs s’imposent.

Tout à tour, nous changerons de « terrain », passant du groupe des policiers, aux SDF (parmi eux, un repris de justice qui fait un fautif idéal). Le langage s’adapte sans problème aux personnages, la gouaille des sans abris, la faconde polie des enquêteurs.

Des personnages riches d’eux-mêmes, truculents, dont un Timothée qui est à lui seul un vrai régal. Jeune ami (gothique et détaché de tout), d’une stagiaire de la PJ, il va essayer d’aider la police en passant quelques jours chez les Gueux. Dans cette courte partie, les dialogues sont une pure merveille de finesse contenue, la langue française est utilisée avec subtilité et humour de bon aloi.
« Il est préférable de connaître l’ignorance que d’ignorer la connaissance. »
« Les chemins les plus courts ne sont pas les mieux tracés. »
« Il y a des gens, parfois, on se demande s’il y a quelqu’un dedans »

Tous les protagonistes sont attachants, bien intégrés au récit qui ne connaît pas de temps mort.
Tous sont humains, terriblement vivants, palpables dans le texte.
J’ai été impressionnée par la façon dont Hervé Sard a su mettre les bons mots pour nous décrire chacun sans que le récit pèse par des descriptions ou des lourdeurs. L’écriture est à la fois profonde et légère. Et ce n’est pas contradictoire, profonde par quelques réflexions sagement amenées sur la société, notre rapport aux gens de la rue ; légère car teintée d’humour bien dosé et placé à bon escient.

Quarante-quatre chapitres au titre évocateur « Le parquet, il n’en a rien à cirer. », assez courts, vous emmenant d’un monde à un autre, vous guidant pour avancer dans une enquête, mais vous obligeant aussi à ouvrir les yeux et à regarder le Quai des Gueux pour aller à la rencontre des autres … afin qu’ils ne restent pas dans l’ombre ….

Cassiopée

 Vous pouvez lire ici une autre chronique sur ce roman, celle-ci est d'Oncle Paul.

Titre : Le crépuscule des gueux
Auteur : Hervé Sard
Editions : Krakoën (décembre 2011)
Collection : Forcément noir
11 €