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10/05/2012

Le Cramé, de Jacques-Olivier Bosco (chronique 2).

lecrame.jpgUne chronique d'Albertine.

 Vivre dans la peau d’un truand impitoyable, aux nerfs d’acier et pourvu d’un sens de l’honneur en béton, doit être épuisant. Que d’énergie dans le Cramé, ce personnage hors norme, qui franchira la frontière entre les forces de l’ordre et celles du désordre pour retrouver « la taupe », celui qui a trahi et causé la mort de ses amis.

Impertinent, déterminé et vainqueur, Gosta rassemble tous les signes du héros tel qu’on le rêve dès l’enfance. Jacques Olivier Bosco tient les promesses d’une histoire réjouissante. On sait que cela se terminera bien, et si l’on a l’âme un peu sensible, il nous est loisible de lire les pages les plus rouges d’hémoglobine en sautant les quelques  paragraphes les plus détaillés consacrés aux sévices subis par les victimes écrabouillées, explosées ou écorchées. Pas grave, on retrouvera le Cramé prêt à suivre une piste nouvelle pour sauver l’enfant enlevé, même si ce jeu de piste est particulièrement brouillé.

L’auteur atteint des sommets narratifs lorsqu’il fait entrer le renard dans le poulailler, c'est-à-dire le Cramé, truand le plus recherché, dans le commissariat où il se fera passer pour un nouveau commissaire. Il montre à merveille les deux faces du miroir et il nous fait partager la compréhension inattendue que le truand se découvre pour ses ennemis de toujours, dont il mesure les qualités humaines (courage, solidarité) dans un contexte de contraintes juridico-administratives dont lui-même ne peut pas s’encombrer (car la liberté est tout de même hors-la-loi).

Mais d’autres sommets encore seront atteints lorsque le commissaire-truand affronte les deux frères Mossaya, tout d’abord le caïd de la cité qui a tricoté un empire de la drogue, ensuite le gourou intégriste qui veut faire connaître au monde l’importance de la mort utile. En effet, tout comme dans le commissariat dont J-O Bosco nous restitue par des détails pertinents  les petites habitudes et vicissitudes, avec les deux caïds, il nous fait sentir et comprendre la pauvreté, l’isolement, la solidarité, l’intelligence de ce monde à part, caché sous le vocable de « cité ».

La vraisemblance n’est pas une question qui arrête son auteur. La dette du Cramé vis-à-vis de l’enfant qu’il veut sauver n’est pas forcément crédible, mais est-ce si important ? Lorsque le héros  livrera sa propre histoire, nous comprendrons que le sauvetage des innocents torturés est une cause qui se suffit à elle-même, dette d’honneur ou pas ; dès lors, peu importe si le geste de l’enfant qui l’a sauvé relève du mythe du petit Hans.

 La force de son écriture est dans l’art d’un  récit quasi onirique mais bien situé dans un contexte qui colle aux guêtres et donne un bel éclairage aux personnages qui s’y agitent.

Enfin, n’oublions pas, nous qui sommes lectrices, la force de séduction de ce héros qui se fait refaire le portrait jusqu’à devenir irrésistible : « Le regard un peu plus effrayant, quand il s’y mettait, le front plus bas, à cause des implants, et le visage dégagé et bronzé, net accueillant et mystérieux, viril et beau comme celui d’un pêcheur grec d’une trentaine d’années, bref, sans cicatrice ni brûlure ». Les femmes (belles également) ne s’y trompent pas, qui toutes sans exception, tombent ou restent amoureuses de lui, quoi qu’il arrive.

S’il fallait faire un reproche à ce livre qui a tant de qualités narratives, c’est peut être celui d’être un poil « trop » . Mais ne boudez pas votre plaisir, l’auteur Jacques Olivier Bosco réalise parfaitement son ambition qui est de nous «  captiver », comme il le dit dans son entretien avec Christine.

 

Albertine, 10 mai 2012

 

A lire également, la chronique de Christine sur « le Cramé ».