09/05/2012
Le silence des cris, de Stéphanie de Menecquem
Une chronique de Richard
Est-ce que Facebook pourrait devenir le nouvel hôtel de Rambouillet, célèbre salon littéraire de XVIIe siècle ?
J’adore commencer une chronique avec une idée qui m’est venue lors de ma lecture, une idée qui parfois surprend le lecteur ... et même le scribouilleur qui la met sur papier. Mais aujourd’hui, cet incipit insidieux m’est venu à la réception de ce petit roman qui a traversé l’Atlantique pour arriver timidement dans ma boîte aux lettres. Une rencontre, dans cet immense salon littéraire qu’est maintenant Facebook, une rencontre amicale entre une auteur et un lecteur, un échange littéraire, assis confortablement dans le salon de nos ordinateurs respectifs.
J’ai donc rencontré Stéphanie de Mecquenem sur Facebook. De fil en aiguille, en commençant par un commentaire, puis un «J’aime», suivi d’un «Partage» ... le dialogue s’est amorcé. Alors, on apprend que l’autre est auteure et que son roman est d’un genre qu’on pourrait aimer. Échanges d’impressions de lecture, puis échanges de suggestions de lecture, jusqu’au moment où la magie s’installe, où la phrase fatidique est dite: «J’aimerais bien lire ton livre !»
Et quelques jours plus tard, le facteur dépose ce petit morceau de vie d’une auteure qui, entretemps est devenue une amie !! Et voilà ce qui explique ce que vous lirez dans les prochaines lignes ... Une chronique sans aucune forme d’objectivité, teintée de mon amitié pour l’auteure et truffée de bons commentaires ... pleinement mérités.
«Le silence des Cris» est un très bon roman policier. Il vous procurera un bon moment de lecture et vous en ressortirez avec un bon souvenir de ce Grand Nord Québécois mais surtout, avec un bagage de connaissances impressionnant sur le vie, les coutumes et l’histoire de ce peuple qui possède près de 300 mots pour décrire la neige.
L’histoire est basée sur un fait réel. Des jeunes filles disparaissent mystérieusement dans ce pays du froid et de la neige. Sans laisser de trace et dans l’indifférence la plus totale ! Puis un corps est découvert; étrangement mutilé. Comme si l’assassin avait voulu y inscrire un message.
La nouvelle coroner en chef, Maryse Tremblay, décide de confier l’affaire à un duo un peu spécial: Tiphaine Dumont, une jeune avocate tout récemment nommée coroner et son complice un peu singulier, genre de docteur Watson de l’épigraphe, érudit et un peu bourgeois, Sir James Jeffrey.
Alors, commence une enquête marquée par les paysages inhospitaliers du Grand Nord québécois, par les us et coutumes des peuples qui l’habitent et par la confrontation entre leur spiritualité et le monde moderne. Cette quête de la vérité transportera nos deux enquêteurs dans des milieux étonnants, à la découverte d’un meurtrier mais aussi d’un art de vivre adapté à ce territoire hostile. Créatrice de spiritualité et de légendes, cette terre accueille dans sa froidure, le corps de ces jeunes filles portant un message indéchiffrable.
Stéphanie de Mecquenem nous présente cette deuxième enquête de ce duo hétéroclite dans un paysage complètement à l’opposé de son premier roman qui se déroulait au Mexique («Mauvais sang» dans la même collection). Habilement, sans casser le rythme du récit, l’auteure nous trace le portrait de cette civilisation, tout en développant son intrigue et la résolution de ces crimes affreux. Certains pourraient se lasser de ce lot d’informations en bas de page, de ce contenu informatif qui alimente le récit, moi, j’ai trouvé ce voyage très intéressant sans être didactique.
L’histoire est bien construite sans être un thriller haletant. On s’y glisse comme dans une chaloupe voguant sur un lac tranquille ... puis on se rend compte, au fil des événements, que nous sommes emportés sur une motoneige pétaradant bruyamment et se déplaçant dans le froid d’une tempête de neige de février.
Le style de l’auteure est franc, direct, sans fioritures inutiles mais avec assez de chaleur pour que l’on s’y sente bien. Et ô surprise ! Comme Stéphanie a vécu quelques années au Québec, elle a su faire usage de la «parlure québécoise» avec toutes les nuances et tout le savoir faire de l’écrivaine. Trop souvent, les auteurs français dénaturent la langue québécoise en la caricaturant, en mettant en exergue ses défauts ... juste pour faire «local». Stéphanie a réussi à éviter ce piège !
De plus, l’auteure possède un sens de l’humour qui rend ses personnages attachants, leur donnant une humanité toute simple. Cette amitié, cette complicité qui s’expriment souvent par le rire et le sourire, donnent une saveur plus digeste à l’horreur ambiante. De plus, sans avertissement, dans un clin d’oeil plein de tendresse, l’écrivaine peut faire apparaitre un personnage réel, une «anthropologue judiciaire bien connue» ... Le lecteur sourit ! On apprécie cette apparition comme une petite douceur dans le monde froid d’une morgue municipale !!
Et cette apparition vient enrichir une galerie de personnages fort bien décrite par l’auteure. La vitrine où défilent les suspects, nous en met plein la vue: un amateur de vaudou, un père violent, un prêtre au comportement étrange avec les jeunes filles, un trappeur victime du syndrome d’alcoolisme foetal, un ancien flic, les travailleurs de la Baie James et le Windigo, le célèbre personnage légendaire du Nord du Québec
Tous ces ingrédients font que «Le silence des Cris» est un très bon roman qui vous procurera un excellent moment de lecture, tout en enrichissant votre connaissance de cette nation autochtone. Ne cherchez pas le thriller haletant, le tourne-pages frénétique ! Laissez-vous porter par une ambiance, un climat, une atmosphère qui colore et qui influence cette enquête policière.
Et surtout, vous aurez beaucoup de plaisir à suive ce duo d’enquêteurs. Tiphaine et Sir James pourront sûrement vous ravir et vous transporter vers d’autres aventures ... mystiques ! Stéphanie de Mecquenem a créé avec ses deux personnages, une multitude de possibilités d’enquêtes et d’aventures, une source de plaisir de lecture et l’occasion pour ses lecteurs de découvrir des lieux où parfois, le mal côtoie le bien, les légendes et la spiritualité.
Quelques extraits ... juste pour le plaisir !!!
" L’atterrissage se fit en douceur et les co-passagers se firent un devoir d’applaudir le pilote comme s’il venait là d’accomplir un exploit.»
- Ils sont contents car d‘ordinaire l’avion s’écrase, murmura Sir Jeffrey à l’oreille de Tiphaine."
" Georges Wilson n’avait pas le teint de quelqu’un qui se nourrissait de légumes à la vapeur."
" Vous savez il ne s’en prend qu’à des jeunes filles, alors désolée de vous casser vos illusions mais vous ne correspondez pas vraiment au profil ..."
Bonne lecture !
Richard, Polar Noir et blanc
Comme ce roman n'est pas disponible au Québec et pourrait même être difficile à trouver en France, voici le lien vers la maison d'édition où vous pourrez commander votre exemplaire: cliquez sur Édilivre
18:16 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |